Les goûteurs de raisins ont sorti leur belle tenue de campagne et sont partis sonder le chant des règes. J’observe que le métier de critique de vins évolue. Comme tout le reste.
Désormais, il faut compter avec ceux qui précèdent l'événement et vivent dans le secret des dieux. Pourquoi ? Parce qu’au lieu d’attendre, sagement, comme tout le monde, que les moûts soient écoulés, les FA apaisées, les malos accélérés et le vin entonné dans du chêne merrain de grande origine, que font-ils ?

Ils font comme moi. Ils goûtent le raisin, ils lisent dans les entrailles du pépin, à l’instar des grands prêtres de la Rome pré-ciceronnienne qui examinaient celle des poulets pour prédire l’avenir.
Vraiment malins, ces cracheurs de pépins ! Toujours en avance sur le temps du vin. Et qui pourrait leur (nous) donner tort, vu l’incontournable postulat : un grand vin se fait avec un grand raisin ? A ce train-là, demain nous déboulerons dans les cuisines de Rochat, de l’Astrance ou de Pic, et nous sonderons avec gravité le turbot ou le pluvier argenté, pour exciper de ce que sera le plat.

Raymond Paccot vendangeant notre Amigne. Gland, le 19 octobre.
By the way, je me demande vraiment ce qu’attend Parker pour faire de même, aller goûter le raisin sur place et nous prédire l’avenir ? Il s’épargnerait de fastidieux marathons bordelais, assis devant ses verres, en mars prochain, les lèvres gercées par des tannins qui – il suffit de goûter le raisin – s’annoncent phénoménaux !
A la réflexion, j’ai eu un doute. J'ai recherché dans mes archives. Il est plus fûté qu’on ne le croit, Bob. J’ai retrouvé cette photo datant de 2001. Mais oui, l’homme à la casquette flashy qui se penche avec amour sur un pied de grenache centenaire, c’est bien lui !

Un vendangeur très attentif, Gregory.
Quoi qu’il en soit, j’y suis allé dans les vignes. Après les vendanges de l’Etna, voici celle de notre petit clos ouvert aux quatre vents, bichonné avec amour tout au long de l’année par Muriel et Andréa notamment.
Aujourd’hui, je peux vous le dire : les Cassandre qui nous prédisaient un mauvais millésime, tous ceux qui avaient vendu la peau du raisin avant de l’avoir coupé, sont dans l’erreur !
2010 sera un très grand millésime ! Le raisin me l’a dit !
Lequel par exemple ? Tenez, celui que nous avons vendangé, hier, dans notre petite vigne, sous la haute autorité de Raymond Paccot. En dix ans, nous n’avions jamais vu d’aussi belles grappes, d’un état sanitaire quasi idéal et, surtout, une telle saveur dans le raisin, une telle profondeur de goût avec une balance alcool/acide surprenante !
Ce raisin, que nous avons expatrié de son canton d’origine, c’est de l’amigne, le cépage emblématique de la commune de Vétroz en Valais.

Raymond Paccot dans une vigne d'amigne, on aura tout vu !
J’ai appelé ce matin l’ami Raymond : il frétillait de joie devant sa cuve. Il m’a donné le « sondage » de cette vendange miraculeuse : 101 degrés Oechslés. « Un moût magnifique ! » a-t-il sobrement commenté. Il a hésité à levurer celui-ci avec la désormais mythique levure 1895 mais, vu le volume restreint de la récolte, il a renoncé.
Montaigne l’avait déjà remarqué : chacun voit midi à son cep ! Si c’est bon chez nous, cela le sera partout, parole de raisin !
Et le vin ? Tel qu’on le rêve, il sera constitué d’un assemblage de notre amigne avec un peu de savagnin et de riesling de Raymond Paccot.
C’est maintenant que les choses sérieuses commencent.
Photos : Nicolas Herbin
Merci aux vendangeurs passionnés !
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Jacques,
Est-ce que ce sera une deuxième "vigne à Farinet", avec ses 3 pieds et ses 1000 bouteilles?
Je te le souhaite pour la future com. du CAVE.
Michel.
A quand une analyse du millésime selon l’écartement du sinus pétiolaire ?
Excellente idée, Christophe, il faudra y réfléchir !
Michel, nous c’est l’anti-vigne à Farinet. On n’a pas été béni par le Dalaï-Lama et on a cent pieds de vignes qui produisent trois bouteilles. Du concentré de terroir, comme dirait la directrice de la communication…
Et pourtant … Howl!
Bravo,
Futur vin de garage, et pas loin du parking !
L’amigne de Gland ne se suffit-elle pas à elle même.
un amateur de monocépage.
Effectivement Marcus, elle devrait se suffire à elle-même, l’amigne, unique, incomparable, même à Gland… Mais avec une si petite récolte, on est presque obligé de l’assembler !
Comment isoler 110 pieds de vignes, à peine 40 kgs de raisin ? Ce ne serait plus du vin de garage, mais du PNG ("pour notre gueule") made in Gland !
Il fallait irriguer voyons ! le tuyau n’est pourtant pas loin…
Après le single cask dans le monde du Whisky, bientôt le single grain dans le monde du vin ? A déguster uniquement dans ce type de verre:
fr.wikipedia.org/wiki/D%C…
Je vous souhaite une très bonne journée 😉
Christophe, vous savez que c’est une idée à faire breveter, avec le dé à coudre taste-vin adéquat : les grands noms de Bordeaux pourraient être intéressés ! On pourrait proposer la bouteille qui va avec, la dosette de Lafite à se partager entre amis !
Le centilitre de Mouton 2009 pour un peu moins de 15 euros …
C’est la fin de tous les amateurs du vin devenir producteur….
Mais jacques reste avec ta vigne grandeure "garage" c’est vite fait de avoir la tete 100% dans un vignoble…
A bientot
Gabriele
L’amigne de Gland commence juste à fermenter. Elle est assemblée à une autre amigne des coteaux de Vincy. Nous l’avons plantée suite aux magnifiques arômes découverts dans l’amigne de Gland.
Bref, tout ça pour dire qu’actuellement l’amigne est pure. On pourrait donc imaginer en tirer quelques bouteilles si l’enfant se présente bien.
Affaire à suivre…