Nietzsche y vint régulièrement, plusieurs étés, et y conçut de forts beaux livres. Il logeait dans une petite maison que l’on peut encore visiter.
La maison de Nietzsche à Sils-Maria
C’est tout près de là, au bord du lac de Silvaplana, que Nietzsche est saisi par l’intuition de l’éternel retour en relation avec Zarathoustra. Début du mois d'août 1881…
La chambre du philosophe : l'émotion est aillleurs, dans les écrits qu'il nous laisse…
Le cadre est fixé, la pensée de l’éternel retour, on croit la connaître. Elle a été sujette à de nombreuses (et contradictoires) interprétations.
Une chose demeure : rarement nous aura été donner de voir la naissance d’une pensée, sa genèse, associée d'une façon aussi étroite avec un paysage, le « génie du lieu » !
Une chose demeure : rarement nous aura été donner de voir la naissance d’une pensée, sa genèse, associée d'une façon aussi étroite avec un paysage, le « génie du lieu » !
J’ai connu ce bonheur extravagant, enseigner la philosophie à des jeunes. Pendant dix ans, Nietzsche a toujours figuré au programme de mes cours et la fréquentation assidue de sa pensée a contribué largement à ce bonheur.
Je sais ce que je dois au philosophe intempestif. Sa conception de l’éternel retour, telle que je la comprends, est une extraordinaire affirmation de vie, une éthique fondée, non sur le carcan d’une morale extérieure et imposée, mais sur le vouloir-libre, sur l’autonomie de la volonté. Constamment, nous nous trouvons face à des choix de vie. Choisir, c’est vouloir ce que j’ai choisi, vouloir que mon choix revienne éternellement. Dans la perspective de l'éternel retour, je ne peux vouloir le négatif, la tristesse, le ressentiment, la médiocrité. Ou alors, je m'exposerai au retour éternel de ces affects négatifs.
Je sais ce que je dois au philosophe intempestif. Sa conception de l’éternel retour, telle que je la comprends, est une extraordinaire affirmation de vie, une éthique fondée, non sur le carcan d’une morale extérieure et imposée, mais sur le vouloir-libre, sur l’autonomie de la volonté. Constamment, nous nous trouvons face à des choix de vie. Choisir, c’est vouloir ce que j’ai choisi, vouloir que mon choix revienne éternellement. Dans la perspective de l'éternel retour, je ne peux vouloir le négatif, la tristesse, le ressentiment, la médiocrité. Ou alors, je m'exposerai au retour éternel de ces affects négatifs.
Une telle conception, extraordinairement sélective, est une véritable déflagration dans le champ de conscience des velléitaires, des lâches ou des hommes qui renoncent
Je ne peux vouloir que l’affirmation de vie, l’éternel retour des intensités positives, la dilation de la joie.
Je ne peux vouloir que l’affirmation de vie, l’éternel retour des intensités positives, la dilation de la joie.
"6000 pieds au-dessus de la mer et bien plus au-dessus de toutes les choses humaines!" (Nietzsche).
Sur le chemin de la Coaz-Hütte, photo prise le 15 juillet : tout est enneigé. De gauche à droite, le Morteratsch, la Bernina avec le Biancograt et le Piz Roseg.
Les conditions de production de telles pensées sont singulières et très sélectives. Il y faut de la grandeur dans le paysage, du calme et de la lumière. Nietzsche dit dans Le voyageur et son ombre (aph. 332) que les idées y gagneront en élévation, en sérénité et en clarté. La conjonction des trois, ajoute-t-il, c’est, sur le plan des pensées, la transfiguration, la joie pure.
Oui, penser rend joyeux. Mais il y faut le cadre…
Oui, penser rend joyeux. Mais il y faut le cadre…
Je joins à ce propos cette citation de Pascal Quignard qui décrit parfaitement l’extraordinaire impression, la vibration essentielle que donne la nature engadine.
"Quelque chose de l'ancienne nature persiste dans l'Engadine. Les forêts sont les mêmes qu'avant la venue de l'homme en Europe. Les lacs sont les mêmes. L'air présente une pureté ou plutôt une transparence qui ne se trouve nulle part ailleurs dans le monde."
Pascal Quignard, Villa Amalia
13 Comments
N’oubions pas que ce pays cher à Richard Strauss et Herman Hesse (ils étaient voisins, mais s’évitaient soigneusement) nous a finalement donné les "4 derniers lieder" (clin d’oeil pour F. Mauss)
Vous avez tout à fait raison Armand. Figurez-vous que je suis dans l’hôtel où le grand Strauss descendait. Pas uniquement lui d’ailleurs, mais aussi, Otto Klemperer, Bruno Walter et Furtwängler aussi ! Demain peut-êre un texte là-dessus !
Die Vier Letzte Lieder : ce qu’il y a de plus beau pour la voix humaine.
Prendre l’interprétation de Jessie Norman ou l’immense Schwarzkopf.
Sans oublier Gundula Janowitz ou Dame Kanawa.
On attend un texte du Grand Jacques sur ces chefs des tourmentes de ce siècle !
Ca commence à devenir pointu, mais j’y je peux me permettre, chers maîtres, je préfère Anna Tomowa-Sintow accompagné par l’incontournable (du moins pour Strauss 😉 ) Karajan.
Le phrasé de Norman, la douceur contrôlée, ce vibrant hommage à la vie au moment de la mort : peu, très peu y arrivent.
Mais, promis, j’écouterai la version e Tomowa-Sintow.
Ton titre me rappelle aussi une superbe nouvelle de science-fiction.
Fred Hoyle, et je crois que le nom était "Le nuage noir".
Une belle histoire où un "nuage" intelligent s’apprête à digérer notre planète et qui arrête soudainement lorsqu’il y entend de la musique de Bach (ou Mozart ?).
Plus que le vin, effectivement, la musique est nécessaire à l’homme.
Je dédie à tous ceux qui lisent nos élucubrations ces mots qu’aurait prononcé ou écrit Martin Luther en 1533, et qui me semble fort à propos : "Qui n’aime pas le vin, les filles et le chant reste un fou sa vie durant" .
(Pardon pour ce retour en arrière mais…)
Terminé ce soir le Gai Savoir.
Lu dans l’Appendice de fin – pour corroborer modestement les écrits de Jacques – :
"Sils-Maria
J’étais assis là dans l’attente – dans l’attente de rien,
Par-delà le bien et le mal jouissant, tantôt
De la lumière, tantôt de l’ombre, abandonné
A ce jeu, au lac, au midi, au temps sans but.
Alors, ami, soudain un est devenu deux –
Et Zarathoustra passa auprès de moi…"
Dans cette œuvre Nietzsche évoque – entre nombreux autres sujets – assez souvent les promenades, la réflexion en marchant. Sur l’importance du "cadre", il décrit bien le poids qu’ont l’environnement et les saisons sur l’humeur, le cheminement intellectuel. Certains lieus étant plus propices que d’autres à l’élévation et la stimulation de la pensée, de l’Etre tout entier.
Le philosophe au marteau était sans doute aussi un philosophe aux croquenots. Et j’aime cet idée que la marche est bonne pour l’esprit, la réflexion, le recul, le corps au sens le plus plein et profond.
On ne referme jamais vraiment un tel livre.
Ce que je préfères chez Nietzsche, c’est son amour pour Lou Andreas Salomé
(Yes, Ich bin ein gross provocateur)
Armand, l’oeuvre nietzschéenne vous déplait ? ou ne vous "parle" pas ?
Quels ouvrages avez vous lu de lui ? (pour essayer de comprendre ce qui pourrait vous déplaire…)
A franchement parler, rien ne me déplait chez Nieztsche. Ce qui donne toute sa valeur à son attachement pour cette femme d’exception.
…juste l’ombre d’une certaine nostalgie.
Je m’intéresserai à cette Dame et sa "production" dès la fin de ma lecture des oeuvres complètes du "moustachu", promis !