La neige est arrivée tard, cette année, frondeuse, imprévisible, brouillonne. Nous avions allumé le feu, remonté quelques bouteilles de la cave, imaginé une fête pour l’ami que nous allions retrouver.
La neige a pris sa place.
La neige a pris sa place.
Tu te tiens maintenant, silencieux, sur cette autre rive où tu disparais peu à peu. Déjà, nous avons mille difficultés à t’entendre, à seulement t’imaginer.
Nous retiendrons pourtant ces éclats, ces fragments lumineux de toi, cette vie multiple, foisonnante, légère, qui t’allait si bien, qui vibrionnait autour de toi. De la comète, tu avais la présence, la rapidité, le sillage.
Je te revois maintenant dans cette clarté revenue. Funambule, tu passes avec gourmandise, des fonds alternatifs aux âpres parois.
Ce jour d’août, nous sommes sur la pointe des Nantillons, au dessus de Chamonix. Si belle est la lumière ! La voie porte un nom plein de promesses, Bienvenue au Georges V !
Entre deux grosses frayeurs, tu plaisantes, au relais, sur la fête qui se prépare, là-haut : le grand tralala, le tapis rouge, les serveurs qui nous attendent, en gants blancs, avec un champagne de grande origine, à température idéale.
Là-haut ? Un étroit promontoire, quelques mètres carrés à peine, qui file dangereusement vers le vide…
Paolo Cristofolini à la Villa d'Este en novembre dernier : il y avait fait, sur le thème "le vin est-il un objet d'investissement" une intervention très remarquée.
Et l’ultime journée passée ensemble en montagne, au-dessus de Fionnay !
Au retour, nous avions partagé un rêve liquide, un Meursault Goutte d’Or 1996 du domaine d’Auvenay. ?
Ce jour-là, face aux montagnes étincelantes, tu disais :
«Ce qui est beau dans les vins du domaine d'Auvenay, c’est qu’avec le temps, on retrouve, métamorphosées, sublimées, toutes les vertus que ces vins avaient déjà dans leur jeunesse «
De qui parlais-tu quand tu évoquais ainsi l’un de tes vins préférés ?
Une autre fois, c’était cette sublime Romanée Saint Vivant 1959 de Marey-Monge ou le sidérant Meursault-Perrières 1969 de Leroy car bourguignon de cœur tu étais, par-dessus tout…
Mais le vin, nous le savons, c’est plus que le vin, c’est la vie, nos vies partagées.
Métamorphosé par le temps, nous l'admirons maintenant, et pour toujours, ce Goutte d’Or, flamboyant dans la lumière.
Une vie ne se résume ni au moment de sa mort qui la suit à la trace ni à la frontière invisible qu’il nous arrivera à tous de franchir.
C’est le désastre obscur qui porte la lumière écrit Joë Bousquet.
J’aimerais renverser la proposition : ce sont les souvenirs lumineux que nous laisse l’ami qui rendent le désastre moins obscur.
Chaque ami est unique, irremplaçable. Avec lui, nous tissons l’amitié, jetons des passerelles sur le monde, le temps qui passe, l’inutilité de la douleur. L’ami est rare et l’amitié, comme un feu silencieux, inextinguible. Même quand l’ami a disparu.
Ayons soin de nos amis !
15 Comments
Ma non è possibile!!!
La montagna, la natura, così bella e affascinante può essere così dura e cudele….
Una grande perdita.
Puoi mandare la mia preghiera ai suoi cari?
Gabriele
Magnifique et émouvant
Bruno
Jacques, il m’est fort difficile de trouver les mots adequats, justes, ou simplement exacts pour exprimer la profonde tristesse qui m’envahit.
alors je pioche dans ma memoire pour lui redonner vie, je reflechis a ce superbe repas que nous avons fait ensemble à la Villa d’Este, je rigole encore en me souvenant de sa magistrale intervention .
l’année du Tigre comme fortement.
L’ami est sans doute la plus grande richesse et le plus grand luxe.
J’envie déjà ceux qui n’en ont qu’un.Je ne peut partager cette peine,Jacques,mais je la comprend.
Je l’imagine, disant Cyrano :
«Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose!
Arrachez! Il y a malgré vous quelque chose
Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
J’emporte malgré vous, et c’est…
-C’est?…
-Mon panache.»
Car il en avait, assurément.
"Le sentiment d’injustice est plus insupportable que le chagrin"
Cher Jacques, je comprends votre peine et vous nous l’exprimez de manière si noble que même sans connaître cet ami disparu, nous y prenons part avec émotion.
Cher Jacques,
Vous ne deviez surement pas le savoir car Paolo était d’une discrétion absolue sur sa vie.
Lors de cet événement à la Villa d’Este nous nous étions retrouvés après 11 années d’absence et une belle histoire d’amour inachevée. Les retrouvailles furent magiques et depuis le 2 Novembre dernier nous ne nous étions pas quittés nous promettant un bel avenir enfin mérité. Un secret nous unissait. J’ai été la dernière personne à être à ses côtés durant les 6 jours précédents sont décès à Verbier et bien sur… Meursault Goutte d’Or 1996 d’Auvenay nous accompagnait lors du réveillon du 31 ainsi que la sublime sélection de champagne que vous aviez expédiée à Verbier.
Je suis effondrée.
Tres Cher Jacques,
Comment venir vous remercier d’avoi rsu si bien exprimer tout ce que Paolo nous a donne. Il etait un de mes amis tres prcohes. si proche qu’il est le parrain de ma fille.
Je reside a HKG depuis 31 ans et ce vide laisse est immense.Il ne me reste plus qu’a le garder au fond de mon coeur, bien protoge. Lui demandant du haut du son petit nuage de nous preserver.
Magnifique ! J’étais aussi un de ses grands amis ! Bruce Lamarche ( Genève et Salzburg )
Elisabeth : tous ceux qui ont connu Paolo garderont de lui le souvenir d’un être lumineux et rare !
Je découvre à l’instant avec émotion ces hommages à Paolo.
Je suis en train de préparer un livre de photos et textes sur le monde de la finance. Parution prévue en fin d’année chez Slatkine. Titre provisoire: "La Bourse et la vie".
Il y aura une belle photo que j’ai réalisée de Paolo en 2008, avec Andrew Davison, le gérant du "Vintage Wine Fund", crée par Paolo.
En forme d’hommage à une très belle personalité.
Bravo, cher Monsieur, je tombe sur votre texte et votre belle écriture, j’étais l’ami de Michel Fagot, fondateur du Camps des Houches à Chamonix qui me quitta il y a quelques années, je partage votre douleur et votre espérance.encore félicitations pour votre écriture!
guywilmotte.com
vous le trouverez dans ma catégorie "hommages"
[SPAM: proposer son adresse aux robots collecteurs est imprudent]
Février 1990, rencontre avec un homme rare et brillant qui engagea la fraîchement diplômée que j’étais alors. Chaque jour, le bonheur de travailler à ses côtés… Un tourbillon d’agilité spirituelle et intellectuelle entraînait et guidait notre petite équipe soudée par des ambitions professionnelles identiques et un réel esprit humain : Paolo était notre mentor, notre guide, notre exemple. Puis, je pris mon envol.
Novembre 2016. Ce soir, un appel, un besoin de retrouver ce tout premier patron, cet ami inoubliable … Puis l’abîme en lisant sa disparition … Si triste, je regarde le témoin de cette amitié : la statue du pur-sang noir qui trônait sur son bureau et qu’il m’avait offerte en hommage à une passion commune: les chevaux dont il admirait la magnificence.
Ce soir, je suis en deuil …
Magnifique ! J’étais aussi un de ses grands amis ! Bruce Lamarche ( Genève et Salzburg )