L’affaire DSK condense beaucoup d’oppositions, brouille tellement de codes, que sa lecture ne peut être que plurielle et contradictoire : homme/femme, blanc/noir, riche/pauvre, puissant/faible, juif/musulman, vieux/jeune, renommé/anonyme, patron/prolétaire, privé/public, justice/injustice, désir/répulsion, fatalité/hasard, vérité/mensonge.
Les ruses du désir
Cette rencontre, dans un hôtel new-yorkais, entre une femme de chambre et l’un des hommes les plus puissants de la planète, était hautement improbable. Comme si deux planètes appartenant à des systèmes différents étaient entrées en collision.
Cette rencontre, dans un hôtel new-yorkais, entre une femme de chambre et l’un des hommes les plus puissants de la planète, était hautement improbable. Comme si deux planètes appartenant à des systèmes différents étaient entrées en collision.
Les ruses, les méandres du désir en ont décidé autrement.
Ce hasard appartient d'ordinaire à la constellation amoureuse. Sans préjuger de la véracité des faits, il est ici plutôt du côté de son simulacre.
Ce qui s’est produit dans cette suite anonyme nous interpelle. Sur notre rapport à l’altérité, au sexe, à la vérité, à la justice. Sur notre souci de transparence, de maîtrise, comme sur les forces obscures qui semblent parfois œuvrer à la perte de certains.
Le maître et l'esclave
La suite 2806 est une scène où se jouent nos peurs et nos fantasmes et DSK ressemble à un héros tragique, entraîné vers les abîmes par sa démesure, son hybris. Cette pièce est sans images. Et sans paroles.
A ce détail près peut-être… DSK aurait dit à sa victime présumée : « est-ce que vous savez qui je suis ? » Ce désir d’être identifié, à travers l’affirmation d’un pouvoir ne supportant aucune résistance, entre en résonance étrange avec celui, légitime, en miroir, de la femme de chambre soucieuse d’être reconnue comme une personne libre de ses choix.
Il prolonge aussi d’une manière surprenante la dialectique du maître et de l’esclave développée par Hegel. Selon ce dernier, tout désir est d’abord désir d’être reconnu par l’autre. Dans cet affrontement, l’un préférera risquer la mort (politique en l’occurrence) plutôt que de ne pas être rassuré dans son désir de domination. L’autre choisira de vivre soumis et deviendra esclave.
Les choses auraient pu se passer ainsi. Ironie de l’histoire : chez Hegel, l’esclave finit par triompher dans sa vérité et renverser le rapport de domination.
Article paru dans le quotidien 24 Heures, le 25 juin 2011. Donc avant les derniers rebondissements concernant le double visage de Nafissatou Diallo.
11 Comments
J’aimerai lire ton point de vue sur le commentaire du journaliste français libéré (tant mieux pour lui) qui a affirmé que l’armée française ne l’avait prévenu de rien et que ce risque qu’il a pris en mauvaise évaluation de la chose (cad sans avertissement de l’armée) était fondamental pour notre information : à savoir si oui ou non, ce tronçon de route était "français", "talibanais" ou "afghanisé". Cela change quoi que l’on nous redise que là-bas les choses changent ou peuvent changer tous les jours ? Autant certaines enquêtes de journalistes sont fondamentales et souvent un élément clé dans l’évolution des choses, autant là, franchement, je ne vois pas l’ardente nécessité de nous dire si un tronçon de route est effectivemeent ci ou ça.
Bref : je n’ai pas du tout aimé son speech dans le hall de France2. C’est tout juste si l’armée ne s’est pas fait engueuler de ne les avoir libérés plus tôt.
Qu’on se comprenne bien : ce qu’on fait là-bas et surtout comment on en sortira, ce sera peu ou prou comme les russes : gros jean par devant ! Aussi, inutile d’avoir un journaliste qui va voir si une route est "libre" ou pas. Bref, une profession qui me les glonfle régulièrement avec leur sens du sacré que les autres jobs n’auraient pas !
Mine de rien : tu sors ton papier sur DSK alors que le NYT annonce un possible retournement de situation, vu ce qui a été découvert sur cette employée guinéenne !
Grand Jacques en course pour le Pulitzer ?
Sauf François, qu’eux, au contraire des commentateurs, ils mettent leur peau sur la table comme dirait Céline (voir le nombre de photographes tués en Libye par exemple).
Et alors ? Ils ont choisi ce métier avec les risques que cela comporte. Pourquoi devrai-je avoir pour eux plus de considération que pour un chirurgien, un prêtre, un rabin, un ministre ou un simple vigneron ?
Comprends bien ce que je veux dire : en aucune façon il n’allait à la recherche d’une info fondamentale qui puisse changer la face des choses. Idem pour ceux qui sont en Lybie : il y a assez de locaux qui envoient des images sur leur téléphone. On en a pas besoin de plus pour imaginer ce qui se passe. Bref, raz le popotin de la sanctuarisation de cette profession.
Mais vraiment, qu’est ce qu’on en a à f…………… qu’un tronçon de route soit effectivement contrôlé par x, y ou z ?
C’est son ton que je n’ai pas supporté, cette arrogance de clamer bien haut ce qui n’était qu’une bévue d’un gars pas capable de comprnedre qu elà-bas, oui, il y a du danger, sans même que l’armée soit obligé de le leur dire.
Il a osé ce "journaliste" ce qui me semble un des sommets de la naïveté : "je suis certain que c’est un des soldats afghans du dernier check point qui a averti les talibans" alors que les 40 soldats afghans ont dû chacun téléphoner à un cousin de l’autre bord sinon gare aux emmerdes
PS qui n’a rien à voir DSK quel morceau de choix en ce moment, du psychiatre au mauvais journaliste tout le monde y va sur un des hommes les plus puissants de la planète, avec autant de clichés si on n’y voit pas clair. ça c’est de l’info, coco!!
Je pense que:
1-tu ne connais pas ce qu’est les conditions de travail des journalistes
2- tu n’a pas compris la même chose que moi de ce qu’ils ont dit. Leur souci n’étais pas la route, c’était uniquement de contredire ce que le général x avait dit lorsqu’ils ont été kidnappé: pour mémoire l’armée les aurait prévenu qu’il ne fallait pas y aller, ils y ont été quand même etc…
Depuis plus de 20 ans les conditions de travail des journalistes n’a cessé de se dégrader, les journalistes sont soit "embedded" et ne voient que ce que les militaires leur laissent voir. Il suffit de voir la moindre manifestation officielle en France ou les photographes sont parqués dans un endroit d’où ils ne peuvent sortir dans parler de la création des pool où quelques journalistes choisis assistent à un événement pour tous les autres.
Sans les photographes de terrain que saurait-on de la guerre au vietnam: pas grand chose- seulement des images d’épinal
Coppola a probablement eu plus d’impact que les journalistes mais bon, je te l’accorde volontiers, et je l’ai écrit : c’est un métier indispensable et qui a – comme tous les métiers, mai spas plus – ses lettres de noblesse.
En l’occurence, même si l’armée n’a pas dit ce qu’elle dit avoir dit, il est évident que, naturellement là-bas, c’est le bordel, donc un risque réel de problème.
Mais, eu égard aux efforts développés pour les faire revenir (je ne parle même pas des coûts), il eut été sage de ne pas évoquer le but de leur reportage (un mensonge éventuel sur qui controle un morceau de route) et de dire simplement "merci" sans monter sur les grands cheveaux de la presse majuscule, héroïne de notre temps ! Bref, un corporatisme qui me déplaît souverainement comme tu le constates… donc avec sa parfaite dose de mauvaise foi habituelle, mais ça, tu sais aussi !
Merci Jacques d’héberger mes insuffisances de compréhension avec le noble monde d’ABM !
François:
Le film de Coppola date de 1979, la guerre était finie depuis plusieurs années. L’impact des photos a été important au moment où cela se passait. Les images prises avec les portables, on ne les voient quasiment jamais, elles ne sont pas de bonnes qualités et n’ont pas de point de vue affirmé. Leur seul qualité est de dire j’étais là. Qu’en restera-t’ il quelques années plus tard: rien. Si le téléphone portable et le numérique avait existé il y 100 ans, on aurait plus aucune image de l’arrière grand père, de la guerre de 14, etc…Il suffit de voir tous les reportages de télévision, images souvent uniques, qui sont perdues pour toujours, sans parler des interviews filmés exceptionnels d’écrivains morts depuis longtemps: sujet que je connait trés bien.
Comme le dit fort justement George Steiner:
"Ce n’est pas le passé qui nous domine, mais les images du passé".
Qu’est ce qui représente aujourd’hui tien am men, les images de l’homme seul face au char qui essaye d’avancer sur la place
Armand : ne répond pas à côté de la plaque; je n’ai jamais remis en cause la fonction unique du journaliste : relis mes posts.
Je dis simplement qu’à leur retour, les deux compères auraient pu avoir une modestie plus affirmée au lieu de monter sur leurs grands chevaux. Rien de plus, rien de moins.
Et surtout je redis que chaque profession a ses propres lettres de noblesse aussi valables que celles de la presse, sauf que, naturellement, elles n’ont pas toujours les outils pour le faire savoir.
Il faut lire l’article intéressant de mon ami Guisnel dsns "le point" au sujet de la libération des otages.
http://www.lepoint.fr/chroniqueu...
Un cul et un cul soumis ou pas….