La neige, abondante ces derniers mois, n’a pas encore totalement fondu en moyenne altitude. J’aime ce moment. Des restes d’hiver sont encore accrochés, là-haut, sur les contreforts silencieux. L’air vibre de senteurs aériennes et florales. Les rivières chantent. Les forêts sont traversées de songes, ressemblent à des fragments d’éternité. Les cascades, fragiles, imprévisibles, multiples, ont pris le pouvoir !

Laissez le clébard à la maison. C’est pas pour lui. On est ici au cœur d’une réserve naturelle où même les laisses sont interdites.

Un ami de hasard et de silence : il m'a repéré…
Les seuls animaux admis ici sont sauvages, en liberté non conditionnelle : le bouquetin, le chamois, l’aigle royal, le gypaëte barbu, le lagopède ont retrouvé une aire de vie dans ce territoire de 9200 ha bordés par deux cirques montagneux extraordinaires, le Cirque des Fonts et le Cirque du Fer-à-Cheval qui boucle la vallée du Giffre. Ce dernier, vaste hémicycle calcaire, est comme la scène d’un théâtre invisible, où ombre et lumière, tumulte et silence se partagent les premiers rôles.

Thierry Renault au départ – très impressionnant – du dernier relais de la cascade du Dard (sous lui et moi, 250 m plein gaz…)
J’ai découvert cet endroit en hiver en compagnie de Thierry Renault, glaciériste légendaire, qui m’a fait aimer quelques-uns des chemins de gel verticaux de son terrain de jeu favori.

Thierry Renault et votre serviteur au sommet de l'une des cascades de Sixt Fer à Cheval. Les stigmates… Je ne vous raconte pas la suite…
C’est Thierry qui a ouvert les voies les plus audacieuses de l’époque sur les cascades impressionnantes du site (la Lyre, la Follie…). De l’escalade extrême, du pur jus, mais solidifié ! Des lignes étincelantes, pures, des asymptotes qui, parfois, ont des petits airs d'ordalie. Pas étonnant, après cela, que Thierry soit devenu…mystique.

Au printemps, façon contemplative.
Revenir ici au printemps est presque étrange pour moi. Passer des paysages de l’action à la marche contemplative est un pur bonheur.
Sous les escarpements fantastiques du Tenneverge, on remonte la rive droite du Giffre en direction du fond de la vallée, un endroit au nom évocateur, le Bout du Monde. De tous côtés les cascades aux formes pures ont entaillé la roche et les plissements. A cette période de l’année, on en dénombre plus d’une trentaine. Certaines ont des développements impressionnants sur un double ou triple étagement. Imaginez ces monstres en hiver, comme fossilisés dans leur silence.
Sous les escarpements fantastiques du Tenneverge, on remonte la rive droite du Giffre en direction du fond de la vallée, un endroit au nom évocateur, le Bout du Monde. De tous côtés les cascades aux formes pures ont entaillé la roche et les plissements. A cette période de l’année, on en dénombre plus d’une trentaine. Certaines ont des développements impressionnants sur un double ou triple étagement. Imaginez ces monstres en hiver, comme fossilisés dans leur silence.

En hiver, action… Imaginez ces monstres "fossilisés" dans leur propre silence…
Le paysage change progressivement. Après les forêts (feuillus et conifères), on entre dans l’espace sauvage du Bout du Monde, auge rabotée autrefois avec la patience des siècles par le glacier du Giffre. La nature y est souveraine dans son évidence, sa plénitude, ses forces infinies. C’est le sentiment de wilderness. Vous avez dit ataraxie ?
Si vous ne connaissez pas. Allez-y !

Je parie que c'est la Trinité… Derrière, le Tenneverge…
Comment s’y rendre de Genève prendre l’A40 direction Chamonix. Sortie Cluses. Direction Samöen puis Sixt. 6 km après Sixt, terminus. On poursuit à pied. Parcours bien indiqué. Compter 3h30 aller/retour.
Balade philosophico-sentimentale. On peut converser aisément durant tout le parcours (peu de dénivelé).
On peut aussi se taire et contempler. Ou rester à la maison à causer avec son chien.
Je déteste les chiens !
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Mince, j’ai cru Gavarnie sur la première photo …
Jacques,
Les moines, eux, se glissent sous la cascade.
"Si vous ne connaissez pas. Allez-y!"
Et si vous connaissez… allez-y quand même mais, de grâce, revenez vivants !
Comme si nous avions toujours le choix
Chacun a le choix. Le choix, c’est le nom du hasard.
Ça y est, Jacques, vous avez retrouvé le chemin des hauteurs ?
Noos
Here is mine: shnoos.com/
Ces glaces ne sont pas éternelles et sont hyper dangereuses. Je n’ai guère suivi ces derniers temps l’actualité de l’escalade et j’ignorais, écrivant cet article, que Benoît Drouillat, un jeune guide et photographe de talent,
a trouvé la mort dans une de ces cascades, encordé à son frère, Benoît…
Si vous aimez les belles photos de montagne, une visite sur son site s’impose.http://benoit-drouillat.com/
Quand agir et agonie ont commune racine
Comment ne pas y balancer ses forces et ses charges?
Merci de tout coeur d’avoir pensé à mentionner nos fils Benoît et Vincent,son frère,dans ces cascades de glace,éphémères mais si tentantes,que sont celles du Fer-à-Cheval en Janvier!!
Benoît était passionné de photographie et de montagne..Ses photos étaient un hymne d’amour à sa passion!..
Cela fera bientôt 6 mois le 10 qu’ils sont partis sans retour,et pourtant,il nous semble que c’était hier que nous avons eu l’épouvantable douleur de devoir reconnaître nos enfants chéris dans ces 2 corps meurtris par la chute d’un énorme bloc de glace,qui s’est fracassé et les a mitraillés…
Pascal et Catherine : je sais ce que c’est… je vous adresse toute ma sympathie !