Bien entendu, c’est humain, certains laissent filer de temps en temps une métaphore déplacée, évoquent un tsunami financier, parlent d’une capitulation. Les plus perturbés sont même la proie d’images hallucinatoires : nous sommes, disent-ils, sur un champ de bataille et l’on compte les morts.
Comment naviguer en eau trouble ?
Mais globalement le discours de la plupart des experts est sans faille, surprend même par son audace, la profondeur de sa dialectique. Sautant à pieds joints sur les contradictions dans lesquelles la finance s’est embourbée (économie virtuelle et économie réelle ; modèles mathématiques et réalité ; rationalité et croyance ; croissance et crise), ils prêchent pour une réconciliation hégélienne de ces antinomies, évoquent des algorithmes qui nous permettent de naviguer en eau trouble (sic), parlent de dépasser la finance comportementale (Beyond Behavioral Finance).
Ils croient en un monde meilleur avec davantage de rationalité…
Bref, ils croient en un monde meilleur avec davantage de rationalité, un monde peuplé encore davantage de paradigmes, de « Calmar ratio », de Sqew qui mesurent l’asymétrie dans la distribution de la performance, de gestion du risque.
Autant de fariboles par les turbulences qui nous assaillent !
Tout repose sur des croyances…
Une des meilleures (cette fois sans ironie aucune !) analyses du processus qui a conduit à la situation actuelle est signée François-Xavier Merrien (Le Temps, 24 octobre). Cet article a paru sous le titre « Crise de rationalité, rationalité de crise ? » Tous les grands experts financiers et autres stratèges éclairés devraient le lire !
Selon F.X. Merrien, tout repose sur une croyance, celle de la toute puissance du marché ainsi que sur la nécessité de la dérégulation qui l’accompagne. Cette dernière est en effet censée entraîner le marché vers une croissance continue. Dérégulons et tout le monde deviendra riche !
Chacun des acteurs du marché adhère à cette croyance (sans se rendre compte évidemment qu’il s’agit d’une simple croyance) et se trouve « persuadé par l’adhésion des autres. »
Les résultats viennent évidemment, dans un premier temps, corroborer la "pertinence" de ces fondements et la communauté de croyance ne cesse de s’élargir. « Il se produit un phénomène de prophétie auto-réalisatrice. »
Dès lors, il s’agit vraiment, comme le note F.X. Merrien, d’une foi collective qu’aucun signe contraire ne pourra venir entraver.
Et l’auteur d’ajouter que « la foi collective conduit non seulement à croire au miracle, mais encore à faire la chasse aux hérétiques. »
Cherchez les hérétiques d’hier, les voix discordantes : les a-t-on entendus ? Qu’a-t-on fait de ceux qui tiraient le signal d’alarme ? A l’UBS, où plusieurs milliers de personnes étaient chargées d’évaluer les risques, quel a été le sort de ces dissidents (John Costas et les autres ) ? Ecartés, purement et simplement par Marcel Ospel et ses cadors. Partout ailleurs, même scénario. A la trappe, les briseurs de rêve et les hérétiques !
Le mot de la fin à Warren Buffet, pas précisément un enfant de chœur en la matière : “On a cherché les armes de destruction massive en Irak alors qu’elles se fabriquaient à Wall Street.”
28 Comments
-AFP 17:48
"Mourir coûte trop cher en France : telle est la conclusion d’UFC-Que Choisir, qui dénonce les abus des pompes funèbres et des assurances obsèques dans une enquête publiée à quelques jours de la Toussaint."
même ce petit plaisir là nous est refusé, franchement c’est pas la joie!!
Faisons des économies, vivons!
Même Greenspan avoue son étonnement …
On dirait un petit garçon piteux avouant une bêtise … (quant à DSK, il semble préoccupé par des choses plus sensuelles).
Pathétique et peut-être (comme dirait Edgar Morin) enfin salvateur (mais je n’en suis même pas certain).
Yves,
La veille de la sortie de la comédie borniolesque "bouquet final" …
LAURENT: Greenspan est un des principaux responsables de la crise actuelle, avec sa politique de taux d’intérêts extrêmement bas, il a quand même été aux commandes de la FED pendant une dizaine d’années, alors qu’il soit étonné je le veux bien mais au sens premier: frappé par le tonnerre! ce qui aurait été une bonne punition!! En tout cas il n’a sûrement pas été surpris!
Yves,
Je sais bien cela : fulguration, oui !
Le diplome El Karoui a du plomb dans l’aile !
http://www.lemonde.fr/la-crise-f...
La transdisciplinarité dénonce la préeminence des seuls experts, des "spécialistes de la spécialité" comme ironisait Godard.
Ma plus grande crainte : qu’on n’arrive pas à établir de nouvelles règles qui, enfin, permettront une plus juste répartition des fruits de la productivité entre le capital et le travail.
Et si on loupe cette chance inouïe de rétablir un certain équilibre sur ce plan fondamental, on risque d’aller vers de bien plus graves situations.
Il y a des réformes qui ne peuvent se faire que lors de crises, de fractures. On y est. Les fera t’on, ces réformes ?
Franchement M. Mauss, croyez-vous que de nouvelles règles empêcheront de telles situations de se reproduire ? Quand vous avez été habitués, année après année, aux mirifiques bonus de décembre il ne faudra pas long à des petits malins pour composer de nouveaux produits tout aussi pourris que ces subprimes. Et quand au mieux, vous allez vous en mettre plein les poches et qu’au pire, l’état paiera pour les pots cassés, ce n’est pas l’éthique de rapace de certains acteurs du monde financier qui les empêcheront de recommencer. N’avait-on pas annoncé sur ce blog de manière quelque peu prophétique une nouvelle crise liée au marché des cartes de crédit US ?
http://www.lemonde.fr/la-crise-f...
finance.yahoo.com/banking…
Interest Rate : 23.99%
Les experts, …je les avais perdu de vue depuis la dernière guerre du Golfe.
Le teint des nouveaux venus est-il toujours hâlé, la cravatte bien nouée et le costume taillé sur mesure ?
"Devant nous l’an 2000. Quelques heures nous séparent.
N’en parlez pas, m’a t-on dit. Et pourtant ce silence a comme un balancement maudit qui vous met la pendule à l’heure.
C’est le moment, c’est pas trop tôt pour parler des troisièmes couteaux.
Ils ne font rien, ils se situent.
Ils sont consultantss ambigus des hydres multinationales. …
Il était grand, il était beau.
Il sentait bon son Lugano,
mon gestionnaire. …
Pas de nom et pas de photo, leurs sociétés sont étrangères.
Plus étonnant est le réseau qui les réunit entre frères.
Ils ne font rien, ils se situent.
Ils prennent, ils se gavent, ils se tuent.
Trivialité derrière les mots, la réussite dans les crocs.
Ils sont là à tous les niveaux.
C’est le règne des troisièmes couteaux".
Bernard Lavilliers
Troisièmes couteaux,
album : Champ du possible
Laurent
Je m’interroge sur les dangers de la seule logique financière dans la conduite des entreprises." C’était, le 11 juillet 2001, le titre d’une interview que j’avais donnée au Monde en tant que président démissionnaire d’Aventis CropScience, en désaccord avec sa vente à Bayer, qui allait entraîner une nouvelle restructuration pour cette entreprise mondiale de 15 000 personnes.
Cet entretien fut à l’origine de tensions fortes avec mes ex-collègues du comité exécutif… Sept ans plus tard, la crise financière délie les langues : on peut enfin parler du rôle pervers et malsain des banquiers d’affaires. Toutefois, peu d’observateurs se retournent sur la responsabilité de ces mêmes banques d’affaires sur la destruction de notre paysage industriel au cours des quinze dernières années : elles sont pourtant à l’origine de nombreuses restructurations ou fusions qui n’avaient aucune justification industrielle réelle. L’approche était fort simple :
1) Les banques mettent au point des produits financiers dérivés qui rapportent au moins 15 % par an.
Je m’interroge sur les dangers de la seule logique financière dans la conduite des entreprises." C’était, le 11 juillet 2001, le titre d’une interview que j’avais donnée au Monde en tant que président démissionnaire d’Aventis CropScience, en désaccord avec sa vente à Bayer, qui allait entraîner une nouvelle restructuration pour cette entreprise mondiale de 15 000 personnes.
Cet entretien fut à l’origine de tensions fortes avec mes ex-collègues du comité exécutif… Sept ans plus tard, la crise financière délie les langues : on peut enfin parler du rôle pervers et malsain des banquiers d’affaires. Toutefois, peu d’observateurs se retournent sur la responsabilité de ces mêmes banques d’affaires sur la destruction de notre paysage industriel au cours des quinze dernières années : elles sont pourtant à l’origine de nombreuses restructurations ou fusions qui n’avaient aucune justification industrielle réelle. L’approche était fort simple :
1) Les banques mettent au point des produits financiers dérivés qui rapportent au moins 15 % par an.
2) Les mêmes banques poussent les actionnaires des groupes industriels à exiger une rentabilité au moins équivalente : comme on en est loin, on incite les entreprises à restructurer, puis à opérer des fusions ou acquisitions sur lesquelles les banquiers prospèrent.
3) Puisqu’il faut parallèlement obtenir le soutien ou au moins la neutralité des cadres dirigeants, les cabinets spécialisés sont mandatés pour démontrer que leurs salaires sont en retard sur "le marché" : si j’en juge par mon cas, les salaires des équipes dirigeantes sont multipliés par dix en quinze ans, et l’attribution de stock-options vient doubler la donne.
L’évolution du groupe Rhône-Poulenc, aujourd’hui disparu, est représentative de cette période. En 1997, après une résistance héroïque de son président, Rhône-Poulenc doit céder à la pression des banques d’affaires qui massacrent son cours de Bourse : c’est la séparation de la chimie avec la création de Rhodia, et la constitution d’un groupe "Sciences de la vie" (Pharmacie et Agro). En 1998, les banques décrètent que pour être rentables, ces groupes doivent grossir pour anticiper le risque d’offre publique d’achat (OPA) : l’année suivante, Rhône-Poulenc fusionne avec Hoechst pour créer Aventis.
L’encre des accords n’est pas sèche que le discours rechange : il faut se séparer de l’Agro et devenir un groupe "pure Pharma", garantie que le price earning ratio (PER) et donc l’action vont doubler en un an : en 2001, Aventis vend son activité CropScience. La crise boursière de 2002 viendra contrecarrer cette vision ; aujourd’hui, les groupes pharmaceutiques ont perdu de leur superbe, alors que les activités agrochimiques profitent de la raréfaction des matières premières agricoles. Les rares comme Bayer ou BASF qui ont conservé leurs activités multiples se portent à merveille
Alors, au nom de quoi a-t-on cassé ces groupes, fragilisé leurs sites industriels et licencié des milliers de personnes ? La réponse réside largement dans les bonus des golden boys rémunérés sur ces mouvements stratégiques. Quelle était la marge de manoeuvre des dirigeants d’entreprise ? Très faible, et après une première période de résistance, la majorité a appuyé la manoeuvre, se repliant sur ses confortables salaires et ses stock-options revalorisées à court terme par ces opérations.
Le mal essentiel du système provient de la soif de spéculation engendrée par cet hypercapitalisme qui a surfé sur le virtuel et affaibli le réel. La solution existe : éradiquer la spéculation à court terme, en la rendant financièrement inintéressante. Et, à l’inverse, encourager l’investissement de longue durée dans le capitalisme industriel. Puisque la crise remet en cause tous les dogmes, imaginons un accord fiscal mondial dans lequel les plus-values sur les titres conservés moins de trois mois seraient taxées à 80 %, de trois mois à un an à 50 %, de un à trois ans à 30 % et à 10 % seulement au-delà de trois ans…
Nul doute que les arbitrages des investisseurs seraient différents et que les PDG du CAC 40 abandonneraient leur habitude d’attendre tous les soirs avec impatience les cours de la Bourse, pour se consacrer à bâtir avec leurs équipes des stratégies gagnantes sur le long terme.
Ils y regagneraient en crédibilité. Ils devraient accepter que leurs rémunérations soient "capées
Capées" à un niveau raisonnable mais attractif (autour de 2,5 millions d’euros par an maximum tout compris), avec une part variable importante calculée en fonction d’indicateurs économiques, sociaux et environnementaux moyennés sur au moins trois ans. Les stock-options ont montré leur inefficacité et leurs dangers : il faut les abandonner.
En 2001, je concluais mon interview par cette phrase : "J’ai pris acte qu’il y avait un environnement politique et économique que je ne pouvais pas changer." Le moment du changement est peut-être venu : l’économie de marché y aura sa place, à condition d’appeler "marché" le territoire des produits et services offerts par les entreprises, et non, comme je l’ai trop souvent entendu dans les comités exécutifs, le verdict quotidien de la Bourse ou de ses valets, les banquiers d’affaires.
——————————————————————————–
Alain Godard est ancien président de Rhône-Poulenc Agro et d’Aventis CropScience.
ARTICLE DU MONDE DE CE JOUR
Yves :
Merci de ce développement informatif.
Merci en effet …
Pas de lien effectif sur cet article du monde ?
cordonsbourse.blogs.liber…
http://www.liberation.fr/monde/0...
Nous vivons des temps anxiogènes.
Je ne connais rien à la finance et à l’économie, mais faut-il forcément se désoler d’un ralentissement de la production industrielle ?
L’occasion (enfin) d’un rebond ?
P
Une petite fable, pour changer. Celle-ci commence à courir sur le Net. Sans doute parce qu’elle n’est pas sans rapport avec l’actualité. La voici telle que je l’ai reçue : Once upon a time, le jeune Bob vivait au fond du Nebraska.
Un jour il décide de devenir riche, lui aussi. Pour démarrer, il choisit d’acheter un vieux cheval à un cowboy. Il emprunte sans difficulté 500 dollars à la banque du coin, qui aime par dessus tout les jeunes gens audacieux ; il verse au cowboy la totalité de la somme empruntée, et ce dernier lui promet la livraison, ferme, du canasson pour le 10 du mois.
Las ! Une semaine plus tard, le cowboy vient voir Bob pour lui annoncer une mauvaise nouvelle: le cheval est mort. Bob, qui est encore un pied tendre, lui dit alors :
– No problem, man ! Tu me rends mes 500.
– Gosh ! lui répond le cowboy, c’est que je ne les ai plus. J’ai été obligé de les refiler à ma sœur, pour qu’elle aille se soigner.
Bob, qui mûrit vite, réfléchit et lui dit : – All right, chap ! Je prends quand-même le cheval.
– Le cheval ? Pour en faire quoi ?, lui demande le cowboy, très surpris (il ne sera jamais riche).
Bob lui répond avec assurance :
– Je vais le vendre en montant une loterie. Pour un cheval, je suis sûr de trouver tout un paquet de gens qui tenteront le coup.
Le cowboy s’étonne :
Tu ne peux pas faire une loterie avec un cheval mort !
Petit clin d’œil de Bob :
– Pourquoi veux-tu que je dise que le cheval est mort ?
Deux mois plus tard, le cowboy croise Bob, chemise de grande classe, lunettes de soleil, montre étincelante et chaussures de cuir fin. Aussitôt, il lui demande :
– Alors ? Ta loterie, ça s’est passé comment ? – Super ! lui répond Bob. J’ai vendu 500 tickets à 3dollars la mise. Du coup j’ai fait mes premiers 1000 dollars de profit !
– Mais…. Tu n’as pas eu de réclamations ?
– Si, bien sûr. De la part du gagnant. Mais on s’est arrangé : je lui ai rendu sa mise.
Aujourd’hui, Bob vend des produits structurés chez Goldman Sachs.
Pas trop dure cette première leçon LAURENT???
Yves,
Non, ça va …
Woody Allen : l’argent, c’est important, ne serait-ce que pour des raisons financières !
Et en plus Laurent, selon un sondage réalisé à l’occasion du salon du chocolat "41 % des femmes éprouvent plus de plaisir à manger du chocolat qu’à faire l’amour" j’ai failli le mettre sur le blog à M Mauss mais ça plus la crise mondiale…… j’ai eu peur!!
Vous avez eu raison d’avoir peur, Yves, voilà le genre de sondage qui peut rendre aphasique M. Mauss !
Quoi, François aphasique? ça m’étonnerais, même avec l’age! Si jamais ça arrivais, je connais le remède: une truffe cuite dans un feuilletage et une bouteille de Haut-Brion et il repart comme en 14.
Le Monde – portrait d’un défroqué du CAC40 :
http://www.lemonde.fr/la-crise-f...
Excellent Yves. J’ai amusé la galerie à la Villa d’Este avec votre fable. Tout le monde a apprécié. Même Jacques Perrin !
http://www.youtube.com/watch?v=S...
En cours de matinée, passage à un temps assez ensoleillé à partir de l’ouest. Nébulosité résiduelle restant plus tenace le long des Préalpes. Températures : 3 degrés à l’aube, 8 degrés l’après-midi.
finance.blog.lemonde.fr/2…
Honky château
http://www.youtube.com/watch?v=b...
hope your daughter is well