Nous sommes au nord de la Grèce. A la frontière entre la Thessalie et la Macédoine. A l’endroit où, à en croire Homère qui en façonna la légende, vivent (vivaient ?) les dieux se nourrissant d’ambroisie et de nectar. Douze au total, parmi lesquels : Zeus, bien sûr, les 5 A (Aphrodite, Apollon, Athéna, Artémis, Arès), Déméter, les 4 H (Héphaïstois, Héra, Hestia et Hermès), Déméter et Poséidon.
Une forteresse défendue par une succession de cinquante-deux tours abruptes, à vingt km à vol d’oiseau du golfe de Thessalonique.
Ce palais aérien est érigé depuis des siècles sur le sommet principal, le Mytikas (« bec » en grec) dont l’altitude débonnaire (2917 m au-dessus de la mer Egée) a pourtant pendant longtemps résisté aux conquêtes alpines. Ce n’est en effet que le 2 août 1913 que le Myticas fut conquis par une cordée de Genevois, Daniel Baud-Bovy et Fred Boissonnas, presqu’un demi-siècle après la première ascension du Cervin…
Ecoutons Fred Boissonnas : « Un merveilleux sommet, une crête étroite faite de fragments de grands volumes en série. Autour de nous, des falaises effrayantes perdues dans le dense brouillard qui nous enveloppe… Mais nous sommes enfin arrivés… Arrivés, premiers depuis que les dieux sont partis. »
La réputation du mont Olympe avait de quoi rebuter plus d’un aventurier. Abandonnée des dieux, la région passait à cette époque pour être infestée de bêtes sauvages et de rebelles, les fameux klephtes qui deviendront les héros de la guerre d’indépendance grecque. En 1911, Edwart Richter, un ingénieur allemand, fut leur otage pendant trois mois et n’atteignit jamais le sommet. Il fut libéré contre versement d’une substantielle rançon.
De surcroît, l’itinéraire d’accès devait être peu évident parmi cet entrelacs de forêts pentues, de gorges profondes, de vallées cernées de hautes murailles et, enfin, ce désert minéral de schistes plissés. Très certainement les deux Genevois ont-il bénéficié de la connaissance du terrain du chasseur grec Christos Kalakos qui les a accompagnés jusqu’au sommet et qui, cinquante ans plus tard, trouvera la mort sur les flancs du sommet qu’il avait conquis.
Depuis 1938 la région a été classée en parc national et ses 4500 ha sont protégés. L’ascension du Myticas s’est démocratisée et de nombreux Grecs notamment la tentent chaque année. Les itinéraires sont bien balisés à conditions bien sûr de ne pas essayer des variantes sur des sentes nouvelles, à peine tracées. On a vite fait de se perdre dans un lacis de forêts denses et il n’y a pas de réseau pour le portable…
Plusieurs chemins d’accès existent. Pour cette incursion en direction du Trône de Zeus, nous avons choisi un itinéraire en boucle, un peu plus long, mais qui donne un aperçu extraordinaire de la beauté des lieux.
De Litohoro, petite ville tranquille située à 300 m d’altitude, une petite route traverse la forêt et vous mène au terminus à Prionia à 1100 m d’altitude. On peut également rejoindre cet endroit à pied en remontant les gorges de l’Enipeas (compter 5 heures de plus).
Rejoindre ensuite par un sentier muletier le refuge Spilios Agapitos à 2110 m d’altitude. Ce dernier est également connu sous le nom de refuge Zolotas – du nom de la famille qui le gère depuis plusieurs générations et qui est devenue célèbre depuis le tournage d’un documentaire par Arte. Posé sur un piton rocheux au milieu de la superbe forêt de Mavrolonghos, ce refuge ressemble à un véritable nid d’aigle.
De là, il reste environ 3 à 4 heures de marche, puis d’escalade facile pour se tenir au sommet du Myticas, le deuxième jour. Pour atteindre le sommet deux itinéraires sont possibles : passer par le Skolio (2911 m), d’où la vue est somptueuse, puis de là rejoindre par une arête facile le Myticas. Ou remonter directement un petit couloir abrupt d’une centaine de mètres à l’aplomb du sommet principal. Port du casque obligatoire et chemin déconseillé aux personnes sensibles au vertige.
Pour la descente, nous avons choisi de traverser les zonaria ( ces rubans caractéristiques de l’Olympe) sous le Stefâni (ou trône de Zeus) en direction de ce que les indigènes appellent le Plateau des Muses dominé par la cime conique du Prophète Elie et le refuge Apostolodis (50 minutes) ou, juste en contrebas, le minuscule refuge Christos Kakalos tenu par une des gloires de l’alpinisme grec, Michalis Stilas, qui vit, dit-il, entre Paris, l’Olympe et les plus belles montagnes du monde.
De Christos Kakalos où l’on peut se sustenter d’une délicieuse salade grecque, suivre la ligne de crête évidente durant de nombreux kilomètres et s’armer de patience : le parking est à 5 heures d’ici, 1600 m plus bas, mais, vous l’aurez deviné, le paysage est fabuleux et personne ne devrait être pressé de quitter le seuil de l’éternité.
Comment
Sublime billet, cher Jacques