Ce dernier relate cette anecdote. Une dégustatrice anglaise a émis ce commentaire, entrant dans le cuvier de Cheval Blanc dont l'une des perspectives ouvre sur le voisin le plus proche, La Dominique (actuellement en phase de construction d’un nouveau cuvier avec une terrasse offrant une vue panoramique sur Cheval Blanc, Figeac, La Conseillante et l’Evangile) :
«Oh ! comme c’est very charming d’avoir laissé cette ouverture sur le hangar aux tracteurs ! » – C'est normal, lui répond Pierre Lurton : « C’est dans ce genre d'endroit qu’on mène une vie d’ange !»
A gauche, le futur chai de La Dominique. A droite, le bâtiment actuel de Cheval Blanc (4)
Sûr qu’on va entendre parler encore de Jean Nouvel et des plaques de métal rouge réfléchissant inspirées par le travail d’Anish Kapoor. C’est surtout fait pour ça. Pour le buzz.
Dégustation au château Franc-Mayne
En attendant les abeilles, cap sur Franc-Mayne où a lieu la dégustation des Saint-Emilion et des Pomerols. On peut passer la nuit ici, au premier étage d’un cèdre majestueux et hospitalier. Ça s’appelle le « chalet suisse ». De là-haut, par temps clair, on devrait voir Cheval Blanc et la Dominique réunis.
Chez Muriel et Jean-Luc Thunevin
Un saut chez Muriel et Jean-Luc Thunevin pour goûter quelques vins. Mister Pingus is here, alias Peter Sissek. Il me fait goûter son château Rocheyron. Un vin absolument délicieux qu’il produit avec Silvio Denz à St-Christophe des Bardes. Je croise aussi le talentueux Pascal Montaut, un des talents bordelais les moins reconnus jusqu’ici. Sûr que si Jean-Luc Thunevin l’a pris sous son aile, ça se saura. Sa nouvelle cuvée « A l’enfer », issue d’une vieille vigne (moitié merlot et moitié malbec) sera une des aubaines du millésime. Hélas, il y en a peu !
Dégustation aux Etablissements Jean-Pierre Moueix à Libourne. Les vins sont servis tièdes. A l’extérieur, sur les quais de la Dordogne, flotte un zeste de printemps. Des russes, des polonais, des chinois, des suisses et, miracle, un italien.
L’esthète Christian Mouiex accueille chacun avec déférence, dispensant l’onction de sa parole et de son geste, tandis que les impétrants, courbés sur leurs notes de dégustation ou leurs portables, ressassent dans leurs bouches l’or liquide d’un Trotanoy ou d’un Hosannah, sous les aplats sombres de deux tableaux qui n’ouvrent sur aucun horizon, d’où s’échappent pourtant des fumées bleutées qui ressemblent à des respirations. Celle de la terre ocre, lourde, nourricière. Celle de bœufs au labour qui ahanent par paires. L’une au premier plan. L’autre dupliquée, un peu plus loin, tel un écho, là où le monde disparaît.
Et l’on repart sur le quai du Priourat, soulagé, rasséréné, ému par tant de beauté. La suite logique de cette quête, c’est l’Evangile avec un vin dont la suavité et le raffinement sont ébouriffants. Comment le recracher ? Il faut savoir payer de sa personne. On prête à Gérard Depardieu cette saillie : « je n’avale pas, je recrache à l’intérieur. » Moi aussi. Pour cette fois.
Encore un rendez-vous, dans un joyeux tohu-bohu, au château Haut-Sarpe, pour y déguster quelques vins et la journée déclinera lentement, alimentée par le souvenir de tous ces vins alignés au garde à vous, tels des voyageurs familiers et étrangers à la fois, croisés à la faveur d’un arrêt intempestif dans une gare dont bientôt on aura oublié le nom.
Le voyage touche-t-il à sa fin ? Pas tout-à-fait. La vie continue. J’ai rendez-vous à Bordeaux pour une soirée. L’endroit s’appelle la Brasserie l’Orléans. C’est plein à craquer. Des cohortes animées et joyeuses. Des équipages prévisibles, affamés, hurlant dans le désert. Tous semblent s’être donné rendez-vous ici, comme sur les lieux d’une catastrophe. La cuisine ressemble à une Bérézina. Malgré votre présence. J’aurais voulu simplement entendre votre voix. Vous écouter. Mais nous nous étions trompés d’endroit. L’ange nous avait conduit en enfer. Enfin presque.
2 Comments
Bien heureux de voir que tu aimes aussi le Rocheyron de Peter et Silvio ! Pour bibi, la découverte en rive droite.
Au sujet des vins qui se dégustent différemment d’une table à l’autre : allons au bout du raisonnement. Ce sera différent à tout moment de la journée et aussi de jour en jour. On le constate en "majeur" à Ausone.
Mais alors : faut-il donner une note ? Ou avouer l’énorme relativité des dégustations primeurs, au point que tout résultat doit se lire avec des pincettes ?
Evidemment non, si non à quoi servent toutes vos dégustations de professionnels ?
Une solution : rester modeste et ne point évoquer cette complication supplémentaire qui augmente le doute des amateurs.
Vins tièdes : j’espère que tu as morigéné les coupables : inacceptable ! Et ne viens pas me dire que personne n’a morflé ! Respect à ce point des grands noms ?
Tss…
Évangile 2012 superbe.
Cheval Blanc 2012 : je l’ai trouvé sublime et peut être un peu plus encore que Ausone, Lafleur et Petrus mettant déjà la barre assez haut.
Très intéressant Rocheyron 2012 déguste à Faugeres en compagnie d une partie de la team GJE