Avant de rejoindre Chasse-Spleen où a lieu la dégustation de l’Union des Grands Crus, nous dégustons à Palmer, puis au château Margaux. J’aime beaucoup le dessin très pur de Palmer, sa suavité fondante et, en même temps, sa construction très précise.
Et voilà les rizières du Médoc ! Photo © Armand Borlant
Dans le nouveau cuvier de Margaux, il faut commencer par faire abstraction des goethéens en herbe qui, dès matines, dissertent sur les couleurs et les longévités. Enfin, disserter est un bien grand mot ici…
On s’abstrait donc, concentré sur le vin, telle une partition que l’on déchiffre à vue et dont voudrait saisir toutes les nuances.
A la fin de la dégustation, je regarde Alessandro Masnaghetti, que je croise souvent durant ces dégustations. Les mots sont presque inutiles : chacun sait qu’il vient de goûter un des chefs-d’œuvre du millésime !
On s’abstrait donc, concentré sur le vin, telle une partition que l’on déchiffre à vue et dont voudrait saisir toutes les nuances.
A la fin de la dégustation, je regarde Alessandro Masnaghetti, que je croise souvent durant ces dégustations. Les mots sont presque inutiles : chacun sait qu’il vient de goûter un des chefs-d’œuvre du millésime !
Château Chasse-Spleen, photo © Armand Borlant
La dégustation des Listrac, Moulis, Margaux s’avère moins hétérogène que je ne le pensais mais il faut prendre son temps, revenir sur certains vins à plusieurs reprises : les conditions atmosphériques particulières chahutent un peu certains vins. Poujeaux m’épate dans les Moulis. Sur l’appellation Margaux, le brelan d’as s’articule autour de Rausan-Ségla, Malescot St-Exupéry et Lascombes mais, pétard, que Prieuré-Lichine, Marquis de Terme sont bons et Monbrison, un pur délice !
C
Château Ducru-Beaucaillou – photo © Armand Borlant
Des dégustateurs sous influence ?
Après un déjeuner spartiate – même si le buffet préparé par le chef de Rauzan-Ségla est affolant, avec un service à la console de Rauzan-Ségla, Clos du Marquis et Canon, rien que ça… – il est temps de repartir vers notre prochain rendez-vous, à Ducru-Beaucaillou, où nous retrouvons le signor Masnaghetti. Toute la scénographie de l’accueil a été repensée cette année par Bruno Borie et, outre le fait que, à l'accueil, nous avons droit à un casting de rêve, je dois dire que l’ensemble est fort réussi !
Après un déjeuner spartiate – même si le buffet préparé par le chef de Rauzan-Ségla est affolant, avec un service à la console de Rauzan-Ségla, Clos du Marquis et Canon, rien que ça… – il est temps de repartir vers notre prochain rendez-vous, à Ducru-Beaucaillou, où nous retrouvons le signor Masnaghetti. Toute la scénographie de l’accueil a été repensée cette année par Bruno Borie et, outre le fait que, à l'accueil, nous avons droit à un casting de rêve, je dois dire que l’ensemble est fort réussi !
J’en connais qui hurlent déjà, disent que cette mise en scène agit d’une manière subliminale sur le néocortex et que, dégusté dans ces conditions, le vin bénéficie déjà d’un bonus de quelques points. Et pourquoi pas une partie gratuite, tant qu’on y est ? Si c’était si simple, un peu de tralala suffirait à mettre le feu aux poudres et à récolter une pluie de belles notes ! Pour la pluie, elle n’a pas cessé… Pour la belle note de Ducru, dont nous admirons l’élégance, la grâce, le caractère altier, l'addition sera la suivante 96-98. Détails suivent…
Château Léoville-Las-Cases, Jean-Hubert Delon – photo © Armand Borlant
Chez le voisin, Léoville-Las Cases, l’accueil est plus réservé, plus « cistercien » mais le vin est aussi beau, tout proche de la perfection, dense, épuré, rigoureux, taillé au cordeau, sans une once de rigidité. Comment on dit déjà waow en français ?
Il bruine toujours ; l’estuaire ressemble au Saint-Suaire ; les règes s’étirent à l’infini ; les graves de Günz sont vieilles d’un million d’années et vous saluent ; à Latour, le portier est devant son portail ; dans la cour, des Japonais s’abritent derrière leur exquise civilité ; on se croirait presque dans une chanson de Dutronc mais, rassurez-vous, nous n'avons croisé aucun dauphin sur la place Dauphine, nous ne sommes pas à Paris et personne ne dort. Vigilance totale.
Trois vins sont devant nous. Le premier (le Pauillac de Latour) étonne déjà. Le deuxième est tout simplement le meilleur Forts de Latour dégusté à ce jour et le troisième… Stupendo ! Après Margaux ce matin, nous tenons un des autres vins sidérants du millésime. On ne va pas le laisser en rade. On emporte sa saveur longtemps, sur la route sinueuse, parmi les paysages encombrés du Médoc ! Jusqu’à Lafite, qui nous est présenté, cette année à Duhart Milon Rothschild, avec un zeste de désinvolture : vins servis à l’avance dans les verres, température à revoir. Dommage car ce Lafite est un seigneur, subtil et magique, qui mérite qu’on lui prête attention durant de longues minutes. Mon Dieu, où cela va-t-il s’arrêter ? Si ça continue, je vais finir par céder à l’euphorie et me mettre à chanter sous la pluie. Voici Mouton et ses petites voitures électriques pour rallier le lieu de dégustation. Encore un vin sublime ! Lequel, apparemment, délie les langues, à en juger par l’agitation d’une partie des dégustateurs qui, face au grand chais, causent au salon avant de passer à table.
La journée est presque finie. Peut-être faudra-t-il quitter ces nuages et redescendre sur terre ? Pas sûr : cap sur Bordeaux, au Grand Théâtre où a lieu la présentation de l’Yquem 2009 dont je vous ai déjà parlé.
Le standard qui va avec assez de rock… voici un bon vieux standard de jazz que je vous recommande d'écouter dans la version inoubliable qu'en ont donnée Stan Getz au ténor et Bill Evans au piano : But beautiful… Parce que les arpèges du grand Getz ressemblent à des volutes et nous rappellent qu'il existe, quelque part, un paradis sur cette terre.
23 Comments
On dira ce qu’on voudra. mais sur la photo, le Grand Jacques boit là où le jeunot Herbin travaille un tantinet les olfactifs ! Sérieux la jeunesse !
Différence de générations 🙂
Bon, Le Père Delon approche de la zone Papy, c’est net !
Le Père Borlant devient arboricole : ça se soigne : pas grave !
Lafite un peu léger en présentation : 200 % OK surtout quand on se souvient comment Haut-Brion reçoit. Mais bon, ils ont dû voit combien de zozos pendant cette semaine ?
Affûte les couteaux, Grand Jacques : on se rachète les places au marché noir à Singapore pour ton séminaire.
Je vais te chauffer la salle, je ne te dis que ça !
Tres belle image que de voir Alessandro avec son magnifique livre de notes, un vrai autenthique.
Fredi :
Alessandro est un des plus fervents utilisateurs du Mac : on a quasi commencé ensemble ! Là, c’était simplement sa batterie qui flanchait 🙂
(joke du matin : m’en veux pas)
Fredi, tu as l’œil : le carnet de dégustation d’Alessandro est une véritable "oeuvre d’art",écriture fine, cursive, serrée, parfois en rouge, parfois en noir. Quand il écrit ainsi, concentré sur son vin, silencieux, discret, j’ai l’impression de voir un bénédictin au travail. Tout ceci a, je crois, beaucoup intrigué Nicolas Herbin… Cela dit, dans des conditions de dégustations habituelles, je confirme que Alessandro travaille avec un portable à la pomme croquée. J’en profite pour souligner le travail admirable que fait signor Masnaghetti en Italie. Il a créé, notamment, des cartes des vignobles (Piémont, Toscane) collector !
J’ai croisé Alessandro Masnaghetti chez Aldo Vajra l’an dernier. Un bonhomme comme seule l’Italie en produit, élégant, au verbe et aux tissus multicolores, semblant pressé sans l’être véritablement, acteur de mille présents simultanés, circonvoluant entre introspection et chevauchées lyriques.
Un homme comme j’aime me poser, en retrait, à regarder agir. Vibrillonnant.
Et quelles cartes … Indispensables.
Mr Perrin, votre style d’écriture protéiforme me subjugue toujours autant, il finira par m’intimider. Je suis vraiment bienheureux d’être tombé sur votre blog il y a 2-3 ans et de ne pas en louper une goutte depuis.
Et que toutes ces pérégrinations me donne envie…grâce à ces lignes, j’ai presque l’impression d’en être, d’en faire partie…puissance du désir, force de l’imaginaire.
En tout cas pour ses lecteurs, si vous désiriez en savoir plus sur le millésime 2009, il suffit de goûter ces quelques textes, tellement enjoués malgré les fatigues et les répétitions, on croit distinguer des sourires en fin de phrase, au coin du clavier…ne serais-ce pas tout simplement un millésime HEU-REUX !
Sinon pour ma part, rencontre émue le week-end dernier avec un magnum de Ducru 1981, un vin qui, s’il n’explosai pas en folie aromatique, m’a totalement séduit par son touché de bouche soyeux, vivant, tendre et caressant.
Et quel jeunesse encore, sa robe étais fraîche au possible, l’attaque en bouche vive et direct, je ne sais pas si c’est une exception du millésime, mais ce magnum à fait 6 heureux qui l’on consciencieusement vidé, le sourire aux lèvres.
Je crois que ce blog fédère quelques confréries de bienheureux.
Immenses vins du jour pour moi :
Latour 2009, hiératique mais assez disponible et Ausone 2009, d’une rare puissance minérale.
Adoré aussi Lafite 2009, très fin et très long, peut-être un poil plus capiteux (mais Charles Chevallier proposait en effet le vin un peu plus chaud).
Un peu moins emballé par Mouton 2009 aux arômes plus exubérants et au grain peut-être un peu moins fin.
Autres vins particulièrement appréciés :
Forts de Latour 2009
Moulin St-Georges 2009
Chapelle d’Ausone 2009
Lynch-Bages 1988 (à table chez Barbier à Arcins)
François,
Entendu des chiffres de l’ordre de 1500 personne par château.
Merci Laurent pour ces éclairages ! Je crois que c’est un sublime Latour qui fera date dans l’histoire de la propriété : hiératique et disponible, c’est une peu la quadrature du cercle, mais c’est bien vu ! Les Forts de Latour est assez exceptionnel également. J’émettrais moins de réserve que toi concernant Mouton, très grand également. Quant à Lafite, il est plus énigmatique à ce stade, mais ça on le sait. C’est presque normal. Et Ausone, un archétype !
Et merci à vous, fidèles et attentifs lecteurs qui me suivez dans mes "pérégrinations" et mes disgressions…
Alors merci!! Merci bien de nous mettre ainsi à la peine de ne pouvoir satisfaire notre ardent désir de partager ces découvertes émouvantes.
le père Nico toujours aussi sérieux dans cet exercice! A le voir on croirait qu’il lit dans le vin. Par contre l’ordi ça donne une connotation high tech qui à mon sens va pas dans le décor :-))
La quadrature du cercle retrouvée…
"ifs and buts" : http://www.youtube.com/watch?v=V...
Jacques,
Merci à toi pour ces récits très vivants.
J’espère retourner goûter à la fin du mois, quand LLC, VCC, Margaux, Lafleur, Cheval … seront un peu plus disponibles.
Parlé des clients chinois avec Alain Vauthier.
Pauvres de nous ! 🙂
Au fait, BAMA 1947 comme un monstre sacré, hein ! 🙂
A quand un système de drainage sur ces beaux terroirs travaillés? (humour, humour)
J’avoue toujours être réservé lors de si précoces commentaires dithyrambiques. Depuis que je m’intéresse au vin, à peine plus de 5ans, nous sommes déjà au 3ème millésime que l’on nous vend comme exceptionnel, mais l’exceptionnel ne devrait-il pas par essence être l’exception? (je précise que je n’ai gouté aucun de ces vins, mes propos n’ont donc qu’encore moins de poids.)
Jehan,
On monte dans des taux d’alcool toutefois très élevés (14,5° pour Ausone par ex, Latour à 13,7°).
Nous parlons là des tous meilleurs vins, suffisamment dotés (acidité, poids, minéralité) pour absorber cette charge alcoolique – de moins en moins inhabituelle ?).
Et comme cela a été dit, tout n’est pas réussi en 2009, surtout pour les amateurs de fraîcheur, d’arômes non saturés voire cuits.
Pas certain que beaucoup de 2003 brilleront dans quelques années (tannins saillants).
Et allez tâter du Châteauneuf 2007 pour voir …
Il y en a de très beaux, en exubérance (Beaucastel s’en sortant très bien, ce qui n’est guère surprenant).
Mais j’ai un peu peur de l’allure brûlante des 2007 sur les satellites : Vacqueyras, Gigondas, Rasteau, …
Jehan :
C’est absolument vrai qu’on a une série assez impressionnante de beaux et parfois grands millésimes à Bordeaux. Il faudra simplement perdre l’habitude d’utiliser des adjectifs de type "exceptionnel" car en fait, il y a une lame de fonds à Bordeaux qui se donne des moyens pour faire le mieux possible : et ça marche.
Quant à des séries de grandes années : qui se plaint de dire cela au Piémont sur la série de 1996 à 2000 ?
Et surtout, il y a chaque année un décantage à faire au moment de la sortie des vins. Combien de vins a dégusté le Grand Jacques ? Probablement près de 1.000. Combien seront élus dans Vinifera au-dessus, disons, de 14/20 ?
Laurent, je parlais plutôt de 2000, 05 et 09 (je commençais à m’intéresser aux vins lorsque les 2000 bordelais étaient commercialisés, étant encore étudiant, cela a influencé ma non exploration de ceci.)
Chateauneuf en 07, de ce que j’ai pu gouter (vraiment peu en comparaison de toi), je te rejoins sur tes dires.
François, je suis d’accord également, j’en discutais d’ailleurs encore cette semaine dans le Beaujolais, il n’y a plus eu de très faible millésime depuis longtemps, et quelques très belles années se sont succédées. Cependant après avoir lu le préambule de M. Bettane dans le dernier TAST, je suis quand même perplexe.
Concernant la lame de fond qualitative, elle est certainement là (je ne goûte du Bordeaux que rarement, surtout chez des amis, mais je lis souvent ce que vous dites); je me pose néanmoins des questions quant aux terroirs et à leur traitement, voilà tout.
Enfin, je suis conscient que le décantage effectué est un travail minutieux et titanesque, et en regardant de plus près le catalogue du CAVE, je suis assez impressionné du résultat. Mais bon, je ne suis qu’un tout petit amateur par rapport à vous.
ps. sorry de cette réponse un peu en "bric-à-brac"…
La "lame de fond", ça s’appelle l’argent, tout simplement.
J’aime bien la version de Bill et Stan, mais je prèfère, sur ton billet, celle de Ben Webster 😉
Et la version vocale de Carmen McRae, parfaite à table 😉
Ah ! Ben Webster, l’immense ! Son "gros" son médulleux, sa rage caressante, cette façon de vous coller au tapis avec ses vibratos… Merci de le rappeler, Hervé et, pour mon dernier post à Bordeaux, ce sera bien sûr, servi sur un plateau, "Days of wine and Roses" by Ben…
Quant à Carmen McRae, je vais l’essayer, à table…
Hervé : ne sois pas basiquement réducteur. L’argent est nécessaire – tu le sais – mais cela ne suffit pas.
C’est marrant, je parlais avant hier avec la femme d’Alessandro – durant le Vinitaly – des prises de notes, du stylographe rouge et du carnet de son brillant conjoint et néanmoins mari. Nous avons beaucoup ri ! Des gens extras. Grand plaisir de les cotoyer.
Pour François/Chassertin : l’ordi, ça fait gagner du temps et ça évite les heures de retranscription le soir à la chandelle. Moi aussi ça me faisait rire, au début, les ordi-stateurs : mais j’ai vite compris l’intérêt de cette pratique, suggéré il est vrai par Jacques.
J’en profite d’ailleurs pour le remercier de m’avoir demandé de l’accompagner sur les routes médocaines. Avec ABM en "cerise" juchée sur le haut du gateau, le team était à toc, comme on dit !
On en fait quoi de ce vin ? on le garde 5 ans 10 ans 20 ans ou on le boit de suite ?