Et puis, je retrouve ces mêmes vins, et d’autres, dimanche, avec le millésime 2011. A Barde-Haut tout d’abord, où je croise l’ami Bettane, venu prendre la température, vaguement effrayé par ce conclave de dégustateurs, les lèvres fuligineuses, dos voûté, face à leur écran d’ordinateur, tous attachés à cette quête sans fin, traduire en mots et surtout en notes, les impressions délivrées par ces centaines d’instantanés défilant devant eux, telles de fugaces apparitions.
A la Grappe ensuite. A Plaisance enfin, où Chantal et Gérard Perse ont organisé une verticale des 15 derniers millésimes de Pavie. Tout le monde est là. Même Michel Rolland, venu avec son livre sous le bras, comme M. Jourdain « Un livre en quarante ans, ce n’est pas trop, non ? » Voir ici. A table, plus tard, une jolie rencontre avec Pierre Arditi, vif, léger et facétieux. Vrai amateur de vins de surcroît. Si jamais les vins suisses se cherchent un ambassadeur, il est tout trouvé : » Messieurs les journalistes, c’est incroyable : nous ne serions que deux à cette table à connaître les vins de Nicolas Bonnet ? Ne me dites pas que vous ne connaissez pas les vins de Nicolas Bonnet à Genève ? » Un Yquem 1947 en point d’orgue d’une soirée etchebestienne. Quelques étoiles froufroutent dans la nuit. Les brumes matinales s’accrochent à la confluence de l’Isle et de la Dordogne. Et c’est déjà un nouveau jour qui commence.
Il y a même des dégustateurs qui savent détonner à Bordeaux. Sur la photo : Alessandro Masnaghetti d'Oenogea, auteur d'une nouvelle carte des Crus classés du Médoc que je vous recommande vivement et, à ses heures perdues, fan des Ramones.
Alors, il est comment ce millésime ? Après 150 vins, je vais pouvoir commencer à déchiffrer les contours de l’année. Dont l’appréciation – faut-il le rappeler – est déterminée autant par les qualités intrinsèques de l’année que l’image et les attentes que s’en font les différents acteurs de ce grand théâtre qu’est la scène des Primeurs. Sur ce plan-là, on manie volontiers ici la langue de bois. Nombreux sont ceux qui admettent que 2011 a été une année compliquée. Presque plus nombreux encore sont ceux qui, après avoir guetté sur votre visage un signe de contentement, susurrent que, tout compte fait, ce météorite a frôlé l’exceptionnel.
Ici aussi, un des grands vins du millésime…
« It’s a serious wine !", affirme doctement de son côté Alexandre Thienpont au Vieux Château Certan. Puis, il ajoute : « le beau pied n’a rien donné dans ce millésime, ce sont les chats maigres qui ont fait le millésime, ceux qui ont tenu, tenu, très longtemps. Et c’est le grand retour des cabernets francs à VCC ! » Le sourire qui se lit sur son visage est légitime : Vieux Château Certan est un des grands vins du millésime. Même si dans le secteur on compte de belles réussites, tout n’est pas du même acabit en 2011, vous verrez…
5 Comments
Autant il y aura – toutes proportions gardées – de très beaux vins DANS LE CONTEXTE DIFFICILE DU MILLESIME – autant une vaste majorité a des tanins sévères et des fruités insuffisants.
La moyenne des notes qui ressortira des tableaux de Bertrand Le Guern devrait le montrer avec évidence.
Bien sûr, les propriétaires vont s’accrocher aux bons commentaires, mais s’ils veulent que le marché existe, soit, travaille il faudra sacrément revoir les prix pour attirer au moins des européens particulièrement déçus par les comportements monétaires du bordelais… au grand dam de ceux qui méritent vraiment, comme Haut-Carles et autres belles réussites du travail et qui manquent encore de notoriété pour s’imposer : à vous, à toi Grand Jacques, de mettre en valeur les crus qui t’auront emballés ! Va-y ! Lâche toi, grogne, disqualifie, honore, valorise. Arrête de rester trop modeste !
Pour abonder dans le sens de François Mauss, ce qui m’intéresse vraiment, c’est de profiter de votre expérience et de savoir quoi acheter, comment l’utiliser en gastronomie. Car bien souvent les millésimes plus "imparfaits" présentent des typicités très intéressantes d’un point de vue accord met-vin.
Mais j’ai parfois l’impression que l’argent à se faire et la peur d’être flingué sur la place publique empêchent les vrais points de vue, qui font que ceux qui vous lisent vous suivent et attendent un avis et non un consensus. Parce que finalement ceux qui prennent le plus de risques sont les clients qui paient un saladier et non les critiques qui notent!?….
Ou alors ces primeurs ne valent-ils plus rien?
En même temps je comprends la crainte d’être berné par un échantillon non représentatif, mais ça court dans le sens de ma question.
Et nul besoin de descendre ce qui ne plaît pas, mais si on s’en tient au texte de Michel Bettane sur le rôle des critiques, le client veut des coups de coeur, pour autant qu’il sait où se situer.
Et finalement si ce millésime privilégie d’autres sols, d’autres domaines, inattendus, mais tant mieux!!!!
Si Serge, Andrea ou Manu voient le tee-shirt d’Alessandro, ça va causer !
Il y a déjà un exemplaire de la carte médocaine du barbu à Gland, Cristina m’en a filée une à Vinitaly.
Et alors Etchebest et sa cuisine : patibulaire mais presque ?
J’ai eu l’occasion de me rendre à une dégustation de primeurs. Je suis amateur, rien de pro dans ce que je peux en dire, mais puisque je suis consommateur et qu’il ne m’est pas interdit de livrer un ressenti, il faut reconnaître que ces primeurs livrent dans l’ensemble un fruité rassurant sur le millésime 2011 jusqu’alors anxiogène. Certes il faut gouter, et écouter les pros avec lesquels par le passé on a partagé un goût commun, mais le 2011 ne doit pas faire peur, et si les prix connaissent une belle baisse, sous réserve de savoir acheter, on ne sera pas déçu.
On peut lire en italien une autre version de cette journée. C’est sur le site d’Ernesto Gentili et de Fabio Rizzari de l’Expresso : vino.blogautore.espresso….