Le thème de l’instant, si j’ose dire… Une verticale de 57 millésimes de Clos de Tart, de 2005 jusqu’en 1887 !
Je rappelle que le Clos de Tart est un des grands crus bourguignon, situé sur le finage de Morey-Saint-Denis en Côte de Nuits.
Voici un résumé de mes impressions de dégustation. Ceci est bien entendu le reflet d’un hic et nunc, ainsi que de l’état de conservation, de la variabilité et de la provenance des bouteilles. Un certain nombre des millésimes les plus anciens ont été offerts par un groupe de wine geeks de New York, qui depuis plusieurs années ont patiemment composé cette verticale et qui, il y a plusieurs mois déjà, ont fait parvenir leur collection au domaine.
Superbe vin, complexe, floral, épicé, d’une grande profondeur. Corps dense, à la trame parfaitement ajustée. Finale d’une grande longueur. Il fera date dans l’histoire de la propriété.
2003 ****
Très coloré. Prune, fruits confits, moka. Baroque dans son expression aromatique comme dans sa texture fastueuse. Solaire, généreux, il est révèlera tout son potentiel avec le temps. Taillé pour la garde.
2002 ****
Plus classique. Minéral, épicé au nez, il envoûte par sa finesse aromatique. Très belle maturité du raisin et style accompli, fuselé.
2001 ****
Tout en fraîcheur et en élégance, sur des notes de fruits rouges, de baies. Il plaît par son équilibre et sa tonicité.
2000 ****
Très jolie surprise dans ce flight : le vin à déguster maintenant, sensuel mais pas sans suite. Superbe texture, avec de la consistance et une finale très pure.
1999 ****
Même impression que lors d’une récente mini verticale du domaine : il est dense, minéral, sur les épices, le créosote. C’est un vin vigoureux, ferme, actuellement dans un phase de fermeture.
1998 ***(*)
Début d’évolution sur la robe. Notes de fleurs sèches, épices, cardamome. Très savoureux et tactile dans son approche, il ne se déploie pas complètement en milieu de bouche. Tannins fougueux avec la marque du millésime.
Deuxième flight
Premier nez un peu retenu, notes grillées, balsamiques. Floral et notes boisées, un peu lourdes, à l’ouverture. Bouche souple, glissante. Le terroir éclate avec une certaine évidence sur la très belle rétro-olfaction.
1996 ****
Robe sombre. Minéral et épicé (truffe). Corps dense, long et dynamique. Il offre un caractère ascendant et sa finale est complexe.
1995 ***(*)
C’est le premier millésime signé par Sylvain Pitiot. La complexité aromatique est moyenne mais on a une belle intensité de fleurs sèches avec un côté réglissé. Jolie bouche, élégante, nuancée. Tout en finesse. Finale sur un tannin légèrement poivré.
1993 ***
Le nez est frais, on sent ici un raisin moins mûr. Notes végétales, touche florale. Bouche équilibrée, mais la finale est un peu en retrait.
1990 ***
Premier nez de laine mouillée, un peu « brouillé ». Notes de fruits confits à l’ouverture. Bouche sphérique, glissante avec un côté un peu doucereux. Il finit un peu alcooleux. Bon mais ce n’est pas la grande race.
1988 ***
Robe évoluée. Nez fin, dégagé : épices, cuir, fleurs sèches. Vin de demi-corps avec du style et une certaine droiture. Finale sapide.
1987 **(*)
Humus, mousse de chêne, sous-bois, nez en phase d’évolution. On note un certain volume mais l’ensemble est fluide et un peu fané.
Troisième flight
Sur le mousseron, la coumarine, le sous-bois. Bouche souple, ronde. Ensemble un peu linéaire et la tannin manque un peu de maturité.
Sans doute le nez le plus complexe de la série. Ensemble d’une belle densité, épanoui, structuré sur la finale ,avec de la fraîcheur. Une belle surprise !
Se méfier des idées toutes faites. Ce millésime, pas très réputé (année froide et pluvieuse) recèle quelques réussites, surtout sur la Côte de Nuits, qui se dégustent avec plaisir aujourd’hui. En décembre dernier, au restaurant l’Aigle Noir de Fritz Keller, nous avions été agréablement surpris par le Clos St-Jacques et le Clos de la Roche 1980, aujourd’hui
c’est le Clos de Tart 1980 qui avec ses notes de thé, de truffe et sa finale aux notes d’agrumes se révèle dans un épanouissement ma foi fort sympathique.
Notes de cuir, de musc, de fleurs sèches. Il offre un équilibre réussi avec une noble rétro-olfaction mais semble avoir atteint son apogée.
Robe légère. Nez sur les épices, la coumarine. Le corps est rond, souple, fondu. Bouteille malheureusement légèrement entachée.
C’est confit, solaire, avec une pointe de volatile. Corps sphérique, fondant mais il ne s’est pas complexifié.
Robe brunie. Nez sur le champignon, la livèche, le rancio. Il manque de vie.
Quatrième flight
Il a gardé une robe jeune. Quelques traces végétales mais l’expression aromatique est sur la fraîcheur. Corps en demi-teintes, une certaine présence mais il finit sur une pointe de sécheresse.
Couleur légère. Notes épicées avec une pointe de volatile. Champignon à l’ouverture. Bouche simplifiée, sans réelle complexité.
Un peu dissocié (acidité percutante due à une volatile élevée et tannins ligneux), il révèle toutefois une présence encore significative.
Est-ce un problème de bouteille ? Il n’est pas net, entaché avec un côté chien mouillé très prononcé.
Complexe, balsamique et épicé au nez, il s’ouvre sur des notes de cacao. Doté d’une belle richesse de constitution, il révèle un corps ample et généreux et porte la signature de son prestigieux terroir.
Un peu fané au niveau aromatique, notes de fruits secs, de tabac, léger rancio, il a gardé un certain équilibre.
Dans un style un peu évolué, son caractère aromatique n’est pas inintéressant : champignon, olive, rancio, mousseron. Noble texture, généreuse, et finale souple.
Cinquième flight
Très belle bouteille. Arômes frais, élégants, légèrement réglissés, avec de la profondeur. Très jolie bouche, tout en finesse avec un noble tannin réglissé.
La robe est encore assez dense. Une première bouteille paraît entachée. Une seconde, ouverte à l’instant par les soins du sieur Audouze, révèle une gamme aromatique plus précise.
Droit, ferme, complexe, il a besoin d’un peu de temps pour révèler toute sa noblesse. Il finit sur un tannin noble, légèrement épicé.
Bouteille malheureusement entachée.
Deux bouteilles ont été dégustées, une sélection « vieilles vignes », d’une noble consistance, à la texture expansive et une « cuvée normale », très élégante par sa fraîcheur, son nez sur les épices, le tabac.
Un vin de demi-corps, souple et d’une persistance moyenne.
La première bouteille ouverte est un mise belge (Vandermeulen-Decanniere) : c’est visiblement un vin extra-territorial, un Clos de Tart dopé, revisité, qui tourne au simulacre. Arôme entêtant de coulis de fruits noirs, épais et lourd, il suscite bien des doutes. Nous avons la chance d’être au cœur de l’origine. On s’en va quérir dans la crypte un autre 1955, garanti du domaine : le vin est très différent, subtil, complexe, noblement truffé, avec des tannins déliés.
Sixième flight
C’est mon année de naissance et jusqu’ici je n’avais rien goûté de convainquant dans ce millésime. Ce vin est une belle surprise, moyennement complexe certes, mais d’une très belle tenue !
Nez « boucané », fumé, sur des notes de tabac, de tubéreuse. Corps dense, structuré, qui offre un très beau développement.
Encore une très jolie surprise. Nez épanoui, avec des notes étonnantes de pêche de vigne. Corps très tactile, avec une texture d’un très bel hédonisme. C’est un Clos de Tart épanoui et sensuel.
Pour une année réputée difficile (gelée, pluies, froid), il s’en tire plutôt bien. Champignon, notes balsamiques, « lady’s make-up », fruits secs, mais la structure en bouche manque de consistance et la finale fuyante.
étiqueté avec un label totalement inconnu, il révèle un profil aromatique très fin. On y retrouve des notes confites et cette touche de poudre d’agrumes que l’on retrouve dans d’autres millésimes. La bouche est un souple, fondue, « un vin de mouchoir ».
Couleur soutenue. Nez intense : nuances balsamiques, fruits confits, notes grillées. Bouche dense, texture sirupeuse, suave, limite écoeurante. Il a tout l’air d’être un vin hanté, ou disons revisité. On parie pour un mise ostendaise ?
Léger rancio au nez. On y perçoit une certaine complexité. Bouche bien articulée, sur la fraîcheur mais il ne s’est pas complexifié.
Beaucoup plus équilibré que le 1949, autre année solaire. Majestueux dans son expresion, il s’ouvre sur des notes de truffe et d’épice avec un noble réglissé. Corps sublime, complètement épanoui.
Superbe couleur, encore jeune. Nez complexe, racé, grande épure minérale. Bouche dense, serrée, ascendante, il finit irradiant et complexe. La perfection !
C’est un vin de texture, fin, nuancé, délicieux à déguster.
Il a gardé une très belle couleur. Nez crémeux, lactique, pâtisserie. Contrasté, il se caractérise par une approche souple, solaire, mûre et une tannicité un peu stricte (pointe de sécheresse due au millésime) qui le fait se rétracter un peu sur la finale.
Caractérisé par une volatile importante, il est dissocié et apparaît comme le plus faible de la série. Sans doute pas le vin le plus représentatif du potentiel du millésime.
le premier nez est sur la réduction. Le côté solaire, grillé, empyreumatique est très marqué. Corps spectaculaire, savoureux, aux tannins juteux, cachés par une texture opulente.
Sans doute n’a-t-on pas eu une bouteille idéale. Le vin apparaît légèrement entaché. Dommage car il recèle densité et énergie.
Huitième flight
Robe brunie. Rancio. Moka en bouche, sa finale est très oxydative.
Coloré. Il a gardé une belle vie dans l’expression aromatique, sur des nuances de fruits secs et d’épices. Corps ample, généreux, il finit sur des notes de quinquina.
L’antithèse du précédent. Vin de demi-corps, nuancé. Notes végétales et épicées au nez. Il a de la présence.
Etonnant de fraîcheur et d’élégance. Beaucoup de style mais il finit sec, statique.
Le vin est entaché hélas…
C’est le début du siècle. Ce vin est vraisemblablement issu de jeunes vignes replantées sur porte-greffe américain après le phylloxéra. Il est symbolique et procure une certaine émotion, malgré son corps un peu mince et une volatile élevée. En dépit de cette imperfection, je ne peux empêcher mon imagination de vagabonder sur ses traces mnésiques. Je feuillette l’album du temps où je n’étais pas, ni vous très certainement, lecteurs attentifs ! Je respire un peu de cet air ancien, redeviens contemporain d’événements, de songes, de rumeurs et des incertitudes qui habitaient ce temps-là. Qu peut-on dire, à travers cette saveur, de ce temps-là ? Chacun y trouvera ses signes. Pêle-mêle, citons, pour mémoire, ceux-ci :
• Freud publie De l’interprétation des rêves. Voilà qui tombe bien !
• Sortie du premier Guide Michelin… Et ça dure toujours !
• Première de la Tosca de Puccini au Teatro Contanzi
• Ouverture de la première ligne du métro parisien, entre Maillot et Vincennes
• Mort de F. Nietzsche après un exil intérieur de 11 ans…
• Et pour ne pas terminer sur une note triste, naissance de Luis Buñuel.
Nouvelle séquence émotion car ce vin est sans doute issu de vignes préphyollériques. Même si le vin ne se présente pas d’une absolue intégrité, on ne peut s’empêcher d’admirer sa noble texture, et son corps sapide et encore alerte.
Il est un peu plus de 20.00 : dans la salle séculaire du Clos de Tart où trône un antique pressoir, nous revenons au présent, hésitant un instant entre deux mondes, celui que nous venons de parcourir, avec ses impressions multiples, ses sensations complexes et celui dans lequel nous sommes inscrits, chacun avec ses projets, ses rêves et ses certitudes, ses vitesses propres. C’est un beau voyage qui s’achève car nous savons tous que, pour échapper au sentiment de « peu de réalité » comme à l’irréversible, il ne faut jamais faire coïncider le temps du voyage et le temps dans lequel nous voyageons !
7 Comments
J’ai la confirmation en vous lisant, Jacques, que mon millésime de naissance n’est pas si pourri que ça en côte de nuits… enfin sur les grands noms ! Paraît que la Tâche est également digne d’intérêt, cette année là.
Au final il semble que les millésimes historiquement réputés aient tenu leurs promesses ? 69, 64, 59, 47, 45, 37…
J’entends déjà les superlatifs du père Mauss à propose de ce billet.
ps : l’étiquette du 1950 est collector !
Un monument cette dégustation ! Quel grand moment et comment mieux apprécier un Clos de cette ampleur ?
Espérons que Monsieur Pitiot en sortira un opuscule car ce n’est pas demain la veille qu’une telle dégustation pourra se refaire.
J’aime ces amateurs qui n’hésitent pas à sortir leurs joyaux pour les partager ainsi : chapeau bas, messieurs !
Grand Jacques : on écrit "geek" qui se prononce effectivement guique.
Beau plateau le 25 : encore un benchmark pour le CAVE !
Impressionnant …
dat.erobertparker.com/bbo…
Nicolas,
Procure-toi Grillet 1980. Nous en avons goûté une grande bouteille (les noms de Coche et d’Auvenay ont circulé).
Des vins qui ont plu (15/16) :
Beaucastel rouge 1980
La Chapelle 1980
Chave rouge 1980
Tout cela donne envie!
Wouah! ça c’est de la tarte…
"Quel grand moment et comment mieux apprécier un Clos de cette ampleur ?"
En dégustant moins de bt, non ?