La culture de la vigne à Cahors a été implantée par les Romains, qui ont créé Divona Cadurcorum (la ville des Cadurques). Et l’on dit que le commerce du vin aurait pris naturellement son essor avec le transport des barriques sur le Lot vers Burdigala (Bordeaux). Le vignoble est situé de part et d’autre de la vallée du Lot, en aval de la ville et sur la partie des causses du Quercy sise au sud-ouest de Cahors. Le vignoble cadurcien est installé sur deux terroirs distincts : les coteaux de la vallée du Lot (les fameuses terrasses) et le Causse.
Trois terrasses alluviales du Lot offrent des terroirs distincts donnant des vins idoines, comme on peut le voir sur le schéma ci-dessus. Moins connu, le vignoble du causse est situé quant à lui au-dessus de 300 mètres d’altitude, sur la rive gauche ; la terre y est moins fertile que celle de la vallée. Les sols sont très drainants, les racines doivent plonger profondément pour y trouver l’eau. La vigne est habituée aux conditions extrêmes et résiste mieux aux périodes climatiques difficiles. En été les journées sont chaudes et les nuits plus fraîches, les raisins arrivent à maturité avec une semaine de retard par rapport à la vallée. Ils produisent des vins peut-être immédiatement moins charnus et solaires, mais frais et très fins, avec des textures qui, à leur meilleur, peuvent rappeler certains grands cabernets ligériens.
Les vignerons qui cultivent ces terres ont longtemps vécu dans l’ombre médiatique de leurs confrères des terrasses. Mais il semblerait que les choses changent : une jeune génération d’idéalistes bouge les lignes. Le temps d’une soirée de l’Ecole du Vin du CAVE, il était donc intéressant pour nous de nous pencher sur le fruit du travail de ces perfectionnistes, qui ont entrepris de faire vibrer l’auxerrois (nom local du malbec) au son du calcaire sidérolithique !
Parlange et Illouz
Jérémie Illouz est installé depuis 2008, il cultive en bio 5.5 ha de vignes sur le causse, travaille ses sols, vendange à la main, vinifie en levures indigènes, et met en bouteille sans – ou avec très peu si le millésime le réclame – de soufre.
Vin de France rouge Prinzet 2014 : assemblage d’auxerrois, jurançon noir et valdiguié, 10 mois sur lies. Nez « fauve », sur les épices mais également animal. Bouche souple et tendre, du gaz et une légère acescence. Un peu rockn’roll.
Cahors La Pièce 2014 : 20 jours de macération, 12 mois sur lies en cuve béton. Réducteur et flirtant avec l’animal, mais le vin a beaucoup de gaz. Une fois secoué, les tanins sont plutôt ronds et souples, gras. Il y a du vin, belle extraction.
Cahors Haute pièce 2014 : vieilles vignes, 18 mois sur lis en fûts. Nez plus précis, épicé, « sombre ». En bouche on a plus de vin, de profondeur, de tannicité et structure. Cahors long et frais, possédant peu d’alcool. Clairement du potentiel pour la garde.
Clos Troteligotte
Domaine créé en 1987, clos de 12 ha, sélections parcellaires, certifié AB en 2014, débuts en biodynamie en 2015.
Cahors K-pot 2015 : vin sans soufre, 6 mois en cuve béton. Nez gourmand sur le berlingot, tirant sur le menthol poivré, à la manière d’une macération carbonique. Présence de co2 là aussi, mais le gaz soutient le vin est renforce son côté infusé, précis et soyeux : idée de vin de soif réussie, avec une touche florale en finale. On en boirait !
Cahors K-or 2015 : vigne de 25 ans, 18 mois en cuve béton. Fruité framboisé à peine lactique, approche originale et gourmande du cépage et terroir. Pas mal de gaz aussi en bouche, mais du volume et de la chair derrière. Vin fondant, au toucher crayeux, avec une impression calcaire sur la finale. C’est long, sapide et surtout délicieux.
Cahors K2 2014 : vinification et élevage en jarres de terre cuite durant 12 mois. La robe la plus sombre des trois. Fruits noirs, réglisse et Suze au nez, « vineux » avec aussi un côté lie (proche de l’évent) et du clou de girofle. Bouche corsée, vineuse, mais moins fruitée que le précédent vin, plus tannique. Des choses intéressantes, juste un peu sec en finale.
Château les Croisille
Domaine familial créé en 1979, culture biologique depuis 2010, terroirs sur le Causse, mais aussi 2nde et 3ème terrasses.
Cahors Silice 2015 : vignes de 30 ans sur le causse, 20 jours de macération, élevage un an en barriques non neuves. Nez en place, frais, framboisé, tirant sur les fruits noirs, fin, avec un côté floral. Bouche ronde, texture élégante, tanin gras, savoureux. Vin facile à boire, plaisant et pas du tout simpliste, très bon.
Cahors Calcaires 2014 : vignes de 35 ans sur le causse, 30 jours de macération, élevage 18 mois en barriques non neuves. Plus réglissé, plus « droit » au nez, tirant sur le goudron, les fruits noirs. A contrario, attaque langoureuse, vin suave et fin, vertical mais charnu, long, avec une acidité plus en avant. Allonge sapide et salivante. De la race, très beau.
Cahors Divin Croisille 2012 : vignes de 40 ans, 25 hl/ha, cuvaison de 30 jours, élevage 24 mois 70% en demi-muids, le reste en barriques. Elevage « rhum-raisin » assez luxuriant et présent qui rappelle les cahors à la mode dans les années 2000. En bouche belle texture et tanins très mûrs, mais il semble à ce stade assez loin du terroir ; dommage car le raisin est beau et l’extraction aussi. La direction suivie sur les deux autres cuvées semble plus intéressante et « juste ».
Mas del Périé
Installation de Fabien Jouves en 2006, sélections parcellaires, culture biodynamique, pas d’intrants œnologiques.
Vin de France blanc Pièces longues (2014) : chenin de 10 ans, pressurage grappe entière, 6 mois en barriques. Nez classique du cépage quand il est cueilli sain et mûr (palette d’agrumes, coing frais). Vin frais, léger carbonique qui renforce son côté « calcaire » salivant, une idée de terroir se dessine en bouche. C’est long, gourmand mais sérieux.
Cahors Les Acacias 2014 : vignes de 40 ans, cuvaison d 30 jours, élevage 22 mois en foudres. Nez assez réservé mais vin droit, profond, ancré : il y a une vraie identité et personnalité. Beaucoup d’acidité sur l’attaque, de vinosité aussi, tanins à peine polis par l’élevage, qui rappellent ceux de grands chianti. C’est vineux, long, vibrant, de longue garde. Excellent.
Cahors Amphore 2015 : vignes de 30 ans, cuvaison de 30 jours, fermentation puis élevage 6 mois en amphores de 100 à 800 litres. Approche précise avec des notes caractéristiques d’agrumes (orange sanguine), fruits exotiques : le vin a de l’unité et des contours bien définis, il tombe droit et net. Bouche ronde, on retrouve les fruits exotiques, les agrumes aussi. Tanin gras, amadoué mais pas fatigué. Un vin nourrissant, à plusieurs dimensions. Très convaincant et bien maîtrisé.
Château Combel La Serre
Propriété familiale gérée par Jean-Pierre Ilbert et son fils Julien, sortis de la coopérative en 1998. En 2013, ils ont entrepris une conversion en culture biologique (label Ecocert) et décidé, depuis 2014, de favoriser les sélections parcellaires afin de créer de nouvelles cuvées.
Cahors Pur Fruit du causse 2014 : 5 hectares, vignes de 35 ans, vinification traditionnel courte à basse température, élevage de deux hivers en cuve ciment. Nez fruité, précis, à la fois gourmand et retenu, assez cadurcien. Bouche à l’avenant, avez une salinité et une vie sur le palais que l’on a peu eue sur les vins précédents. Vin très salivant, tactile, agréable, à la fois sérieux et hédoniste. Une des textures les plus relâchées et une des acidités les plus intégrées.
Cahors Cuvée Château 2013 : 4.5 hectares, terroir argilo-calcaire avec une dominante d’argiles rouges, vignes de 40 ans, élevage de 12 mois en demi-muids de chênes français. Nez profond, noir, avec beaucoup d’épices, une touche de réglisse : de la personnalité et une forme d’opulence aromatique retenue. Magnifiques tanins, beaucoup de volume en bouche, de gras, de relâchement encore une fois, grande texture, grande race, hyper prometteur.
Cahors Au Cerisier 2014 : une seule parcelle de 1.1 hectare, lieu-dit Rassiels, à l’angle duquel on trouve un cerisier, argiles rouges sur socle calcaire, vigne de 40 ans, élevage en cuve ciment 12 mois. Touche de groseille, fruits rouges, nez précis et diversifié, des épices, notes florales (violette, iris). Jus magnifique en bouche, les tanins sont hyper gourmands. Vin faussement léger, parfumé, idéalement extrait. Le grand style !
Cahors Les Peyres Levades 2014 : sélection parcellaire la plus calcaire du domaine, élevage 12 mois en demi-muids de 3 vins. Encore un peu d’élevage inhérent à la jeunesse du vin (qui vient d’être mis en marché) mais noble, très pain d’épices. Grande qualité tactile une fois encore (la signature du domaine), déjà du volume mais le vin est puissant, opulent, posé, il possède beaucoup de force. C’est long et volontaire, dynamique. Grand Cahors de garde, à mettre à l’aveugle dans une dégustation prestigieuse de Saint-Emilion ou cabernets ligériens. Une future référence ?
Quelques mots pour finir afin de remercier vivement Sophie et Julien Ilbert, qui ont permis de collecter les échantillons afin d’organiser cette dégustation. Au delà du soutien logistique, nous devons avouer qu’il est réconfortant de voir encore aujourd’hui des vignerons penser collectif et avoir l’intelligence de croire que l’on est plus fort à plusieurs que seul dans son coin. Nous souhaitons à toute cette génération le succès qu’elle mérite et sommes certains qu’un avenir radieux leur tend les bras. Bravo et longue vie aux gars (et filles) du Causse !
Pour approfondir le sujet, lire les articles du Point et de l’Express.
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