« Sylvain, vous avez une Ferrari entre les mains, il va falloir apprendre à la piloter ! » Tels sont les mots de bienvenue adressés il y a quelques années par Michel Bettane à Sylvain Pitiot, nouveau régisseur du Clos de Tart. Ingénieur topographe de formation, Sylvain Pitiot, après un détour par le Maroc et l’Afrique, a découvert tout à la fois le monde du vin et l’amour en la personne de Valérie, fille de l’écrivain Pierre Poupon.
« Comment suis-je arrivé là ? Le hasard des rencontres, la chance. La grâce sûrement… » a répondu Sylvain Pitiot face ses amis réunis la semaine passée dans la très belle salle cistercienne du Clos de Tart désignant la petite Vierge sous la protection de laquelle le domaine est placé depuis 1141.
J’ai déjà relaté sur ce blog une fabuleuse verticale du Clos de Tart. Vous y trouverez tous les renseignements sur ce joyau de la Bourgogne fondé en 1141 par les Bernardines de l’Abbaye de Tart et qui, depuis cette date, n’aura connu que trois propriétaires : les moniales, les Marey-Monge et, depuis 1932, la famille Mommessin.
Désormais officiellement en retraite, Sylvain Pitiot aura incontestablement marqué de son empreinte l’histoire du Clos de Tart. Par son charisme et ses dons de communicateur. Par sa vision du terroir, épurée, exigeante, étayée par un parcellaire très précis et une connaissance parfaite des différentes zones qui constituent ce grand cru de 7.53 ha. Enfin, par la façon dont il a su, au niveau commercial, repositionner le Clos de Tart à la place qui est la sienne.
Vingt ans, c’est le temps que Sylvain Pitiot a passé dans ce clos exemplaire à plus d’un titre. Vingt ans, ça permet, millésime après millésime, de relier des interprétations, d’affiner un style, de dessiner un sillage significatif.
Pour prendre la mesure de cette durée et, surtout, la savourer, Sylvain avait convoqué une cinquantaine de personnes. Ce fut aussi l’occasion pour lui de présenter son successeur, Jacques Devauges, qui entame sa carrière au Clos de Tart avec un millésime (2015) qui promet d’être exceptionnel.
La dégustation des vingt millésimes de l’ère Sylvain Pitiot s’est révélée en cela tout à fait passionnante et instructive.
Voici quelques notes de synthèse prises sur le vif :
Clos de Tart 2014 : le vin sera mis en bouteilles à la fin de l’hiver. En attendant, il rallie les suffrages par sa précision architecturale et la grande finesse de ses tanins. L’égal des meilleurs !
Clos de Tart 2013 : les conditions du millésime n’ont pas été simples et, dans ce millésime compliqué, le domaine tire magnifiquement son épingle du jeu avec un vin fin et d’une réelle noblesse d’expression, en dépit d’un milieu de bouche un peu flou et d’une persistance moyenne.
Clos de Tart 2012 : magnifique réussite. Il se présente comme un vin ascendant, rythmé, avec une grande continuité de corps et une finale merveilleuse de complexité, aux saveurs de pivoine et de fruits noirs.
Clos de Tart 2011 : il offre un profil fin et élancé, légèrement mentholé dans son expression aromatique. Le corps offre une belle densité et la finale est équilibrée. Formellement très réussi, il ne se révèle pas totalement pour l’heure.
Clos de Tart 2010 : il a gardé une robe magnifique. L’aromatique est fine, nuancée et complexe, sur des notes de cerise, de baies et de violette. Belle bouche, élancée et stylée, qui finit toutefois sur un tanin un peu ferme.
Clos de Tart 2009 : il se caractérise par une superbe texture, expansive, d’une très belle consistance. Ample et généreux, il finit sur des tanins de velours.
Clos de Tart 2008 : étonnante réussite. Il se révèle aujourd’hui et transcende le millésime. Un peu filiforme sans doute, mais il plaît par son dynamisme, son énergie interne et la fraîcheur de ses arômes.
Clos de Tart 2007 : la robe est légère (ce qui n’est pas un défaut !). Superbe aromatique sur les baies des bois et la pivoine. Epanoui et doté d’une suavité de texture étonnante, c’est un grand vin d’hédonisme qui se goûte aujourd’hui avec bonheur. Dans ce millésime de vigneron, le Clos de Tart brille de mille feux.
Clos de Tart 2006 : encore une très jolie réussite dans un millésime contrasté. Il associe des notes réglissées et fumées à un corps parfaitement équilibré et très sensuel dans son approche tactile.
Clos de Tart 2005 : encore un peu fermé à ce stade de son évolution, il se présente comme le parangon du grand vin, associant à la perfection finesse et puissance. Il faut lui laisser le temps de révéler tout son potentiel !
Clos de Tart 2004 : corps tonique, construit sur la vivacité, aux notes fruitées avec un rappel de gentiane.
Clos de Tart 2003 : doté d’une robe très soutenue, il exhale des notes fruitées intenses, sans une once de lourdeur et de surmaturité. Corps médulleux, ample et suave. Il est déjà très immédiat dans son approche, mais quelques années de cave ne lui font pas peur.
Clos de Tart 2002 : issu d’une année sèche, il n’en porte pas les stigmates. Au contraire, c’est un vin splendide, étoffé et séveux, dont seule la finale apparaît légèrement en retrait pour l’instant.
Clos de Tart 2001 : corps dense, sphérique. Très belle finale séveuse. C’est une réussite et c’est un des millésimes dont Sylvain Pitiot est à juste titre le plus fier !
Clos de Tart 2000 : il exhale des notes épicées, avec même une touche de cacao et de truffe. Mûr et chaleureux, il plaît par son équilibre et sa texture d’une bonne consistante, ses tanins souples, mais le 2001 et le 1999 lui sont supérieurs.
Clos de Tart 1999 : généreux et chatoyant, souple et délié, il gomme totalement, dans ce millésime, son ascendance réservée, son style cistercien, mais irait-on bouder son plaisir ?
Clos de Tart 1998 : l’unique déception de la dégustation. On devine un très beau raisin, à la fois frais et confit, mais il apparaît brouillé, un peu évolué dans sa présentation aromatique (deux bouteilles dégustées). C’est bon, mais il aurait pu être meilleur.
Clos de Tart 1997 : très joli vin, ouvert, sur la finesse avec un tanin souple et savoureux.
Clos de Tart 1996 : remarquable par sa fraîcheur, son éclat aromatique et son aromatique sur le créosote, la réglisse et la truffe. Une entrée en matière très réussie pour Sylvain Pitiot qui signait là son premier millésime !
2 Comments
Clos de Tart 2003 le we dernier.
Année mûre, magnifique expression mais pas facile de la situer en Bourgogne.
Nécessite encore 5 à 10 ans de garde pour atteindre son maximum.
Les grands noms du vin comme le Clos de Tart sont les produits de grands hommes comme Sylvain Pitiot. Pendant ces 20 années, le Clos de Tart, c’était lui et son équipe d’hommes et de femmes. Bravo Sylvain, nous ne t’avons jamais oublié. Christian Lapointe, Ambassadeur du Canada à la retraite, Formateur en Sommellerie au collège d’Ottawa, Canada