Après une visite en avant-première des nouveaux bâtiments, une très belle arche dont le toit aux ondulations calmes s’inscrit à la perfection dans le paysage (inauguration officielle début juin), nous avons entamé le week-end par un dîner élaboré par Jean-Baptiste Depons.
Les vins du repas
Le Petit Cheval 2000 en magnum – Le Petit Cheval 2001 en magnum : superbe vin, doté d’une trame magnifique, ascendant et séveux avec un pourcentage inhabituel de cabernet franc (85 %) qui lui donne un style inhabituel – Cheval Blanc 1998 en magnum : nous retrouverons ce vin à la dégustation du lendemain, un archétype classicisme et d’élégance, encore un peu sur la retenue mais d’une race folle – Cheval Blanc 1988 en magnum : cassis, poivron rouge, tonique et élancé – Yquem 1947 en magnum : la perfection ! Pierre Lurton lui-même ne se souvient pas d’avoir eu un magnum aussi parfait. Abricot, thé, amande, safran, noble caramélisation du botrytis, immense finale sur de nobles amers aux nuances hespéridées et réglisses.
A la fin, dans cette attention flottante d'un moment de grâce pure, un des convives a même émis cette idée étrange : »Et si l’on fondait ce soir une confrérie de ceux qui ont dégusté cet Yquem 1947 et partagé cette émotion ? Désormais le monde est clivé en deux : ceux qui ont eu l’immense privilège de savourer ce millésime, et les autres… »
Photo Agence APPA
La dégustation historique de Cheval Blanc (première partie)
De 1919 à 1978, chaque bouteille a été ouverte juste avant la dégustation, juste pour éviter le ressac… Les assemblages précis ne sont disponibles qu’à partir de 1990 a précisé Pierre Olivier Clouet, le directeur technique.
Toutes les notes concernant les conditions climatiques sont une synthèse des données transmises par la propriété.
Toutes les notes concernant les conditions climatiques sont une synthèse des données transmises par la propriété.
Cheval Blanc 1919
C’est un millésime solaire avec une canicule en août et un beau temps qui se poursuit en septembre.
« L’année a vu la continuation de la hausse des prix, que nous regrettons, mais devant laquelle nous sommes impuissants. » (La Feuille Vinicole, 3 avril 1918)
« Nous la déplorons car elle a écarté de la consommation du vin le client habituel qui n’y reviendra que lentement. » Tastet Lawton.
Rappel des prix pratiqués en 1918 : 1000 F. le tonneau de St-Emilion. 10 000 F pour Yquem.
Robe aux notes ambrées. Notes de fruits confits. Fleurs sèches. Très subtil dans son déroulement. Il s’ouvre lentement, sur des notes un peu grillées. Il monte à l’ouverture. Avec des vins aussi âgés, comme le note Michel Bettane, il s’agit de « reconstituer dans sa tête mentalement ce que le vin a dû être. C’est une archéologie de la perception sensorielle ». La reconstitution va être simple. Durant tout le temps de la dégustation, le vin va s’ouvrir, exhalant un bouquet complexe, à la fois éthéré et terrestre, notes d’encens, cuir, malt, presque tourbé. En bouche, il a de la vivacité, il est sur une trame acide, effilée, émouvant par sa présence, sa fraîcheur. Il a pris au vieillissement un caractère de vin blanc.
Cheval Blanc 1938
« L’horizon intérieur et extérieur est mauvais et menaçant. Les menaces de guerre se précisent. »
Climatologie très contrastée avec de fortes gelées en avril. Et un été à la fois chaud et pluvieux.
« L’horizon intérieur et extérieur est mauvais et menaçant. Les menaces de guerre se précisent. »
Climatologie très contrastée avec de fortes gelées en avril. Et un été à la fois chaud et pluvieux.
Robe plus sombre que celle du 1919. Nez sur les notes racinaires, végétal noble, un peu brouillé, léger manque de définition. Mentholé. Note épicée. Mousseron. En bouche, il manque un peu de pureté. Touché par une empreinte de liège (sans doute la décomposition du liège). Très joli milieu de bouche, assez charnu, et finale un peu étrécie par une pointe de dureté (acide malique)
Photo Agence APPA
Cheval Blanc 1947
Beau temps absolu du premier avril à fin octobre. Raisins très concentrés, ramassés depuis le 15 septembre avec deux semaines d’avance. 37.4 hl Fermentation difficile. Le vin n’est pas parfaitement sec et l’acidité volatile élevée.
Beau temps absolu du premier avril à fin octobre. Raisins très concentrés, ramassés depuis le 15 septembre avec deux semaines d’avance. 37.4 hl Fermentation difficile. Le vin n’est pas parfaitement sec et l’acidité volatile élevée.
Robe sombre. Nez superbe. On a une grande bouteille ! Notes de fruits confits. Nez sur le cacao Criollo. On sent le raisin rôti. Corps somptueux, imposant, volumineux, doté d’une texture médulleuse. C’est un vin extravagant, hors norme, plus typé par le caractère du millésime que par le terroir de Cheval Blanc, grande forme sphérique. C'est le plus opulent des vins de de cette période : 14.4 %
Cheval Blanc 1948
Année de petite récolte (sécheresse durant l’été) vendangée entre le 27 septembre et le 10 octobre par très beau temps. La chaleur a adouci les peaux. Très tannique. Ce qui est inhabituel à Cheval Blanc.
Année de petite récolte (sécheresse durant l’été) vendangée entre le 27 septembre et le 10 octobre par très beau temps. La chaleur a adouci les peaux. Très tannique. Ce qui est inhabituel à Cheval Blanc.
La robe est intense. Encore jeune. Grande finesse aromatique. Et sublime fraîcheur. C’est le bouquet d’un grand Cheval Blanc ! Il est stylistiquement aux antipodes du précédent. Très précis, complexe, sur de fleurs sèches, d’épices, de graphite, avec un côté cabernet franc assez présent. Il est d’une grande rectitude d’expression. En revenant sur ce vin à plusieurs reprises durant le temps de la dégustation, on est frappé par sa tenue, son dynamisme avec en même temps une très belle texture suave, une sensation presque sauve. Très beau tanin, floral et légèrement poivré et grande finale.
Cheval Blanc 1949
Conditions climatiques : une année de cataclysme écologique : le feu dévore les Landes, au mois d’août, il est aux portes de Bordeaux : 5500 hectares de pins détruits, des dizaines de morts, la sécheresse sévit.
A Saint-Emilion, pas de précipitation du 10 juin au début septembre. Une contrainte hydrique importante s’est installée sur le vignoble qui pour certaines parcelles s’est transformée en stress. Vendanges du 26 septembre au 9 octobre. Rendement de 24 hl/ha avec une dominante de cabernet franc.
Conditions climatiques : une année de cataclysme écologique : le feu dévore les Landes, au mois d’août, il est aux portes de Bordeaux : 5500 hectares de pins détruits, des dizaines de morts, la sécheresse sévit.
A Saint-Emilion, pas de précipitation du 10 juin au début septembre. Une contrainte hydrique importante s’est installée sur le vignoble qui pour certaines parcelles s’est transformée en stress. Vendanges du 26 septembre au 9 octobre. Rendement de 24 hl/ha avec une dominante de cabernet franc.
« Il est en train d’entamer son processus de sanctification, il va vers la fleur » remarque un des participants. La formule est jolie. Notes épicées, truffe, fougère, champignon, rancio. Moins de classe et de définition que le 1948 dans le profil aromatique. Corps contrasté, qui semble synthétiser la générosité et la violence climatique du millésime. Charnu, généreux, il campe sur une tannicité vigoureuse, stricte, qui n’est pas sans rappeler celle d’un grand Barolo !
Cheval Blanc 1953
Climat idéal, malgré des températures assez fraîches en juin et juillet. Août et septembre sont chauds et secs. Vendanges du 21 septembre au 7 octobre. Rendement élevé : 52 hl/ha et 12 degrés.
Climat idéal, malgré des températures assez fraîches en juin et juillet. Août et septembre sont chauds et secs. Vendanges du 21 septembre au 7 octobre. Rendement élevé : 52 hl/ha et 12 degrés.
Belle robe grenat. Nez très droit, pur, très classique. Superbes notes de tabac, d’épices, de fleur séchée, de cardamome, léger menthol. « La feuille de menthe c’est la juste élégance de la juste maturité du cabernet franc » fait remarquer Pierre Lurton. Corps admirable de précision et de style, beaucoup de tonicité. Ligne élancée que parachève un tanin d’un grain très savoureux. Il offre un côté tactile sublime. Grande bouteille !
Cheval Blanc 1959
Année exceptionnellement chaude et sèche avec toutefois des précipitations plutôt importantes car seul le mois de juillet présente une moyenne inférieure à la normale. Rendement faible : 21 hl/ha 13 degrés.
Année exceptionnellement chaude et sèche avec toutefois des précipitations plutôt importantes car seul le mois de juillet présente une moyenne inférieure à la normale. Rendement faible : 21 hl/ha 13 degrés.
Nez profond. Notes de cuir. Poivre blanc. Corps ample, plus dense et plus volumineux que le 1953. Note de cassis, de chocolat, de menthol. Son caractère solaire est présent. C’est un vin qui a besoin de temps pour s’ouvrir. IL est très caressant, avec moins de trame que le 1961. Superbe !
Cheval Blanc 1961
Gel le 29 mai sur les fleurs qui sont en train de sortir, suivi d’une vague de froid puis d’un été chaud et sec. Mois de septembre magnifique. La récolte est très limitée (11 hl/ha en moyenne). Seules 160 barriques ont été produites, tout en bois neuf.
Notes de cuir, de menthe, de havane. Il se complexifie à l’ouverture malgré un côté un peu phénolé. Superbe bouche, dense, la forme en bouche est plus allongée, plus racée que sur le 1959. Finale un peu gouache, « c’est le côté artiste, qu’est-ce que ça lui va bien ! » note un des participants. Superbe assise tannique. C’est un vin qui paraît inaltérable, encore plein d’énergie !
Dans l'encadrement du "tableau", l'Evangile et Petrus (surmonté par une grue)
Cheval Blanc 1971
Début du cycle végétatif difficile, avec un temps très arrosé. Juillet fut pluvieux et chaud, forte pression des maladies de la vigne. Beau mois d’août et septembre. Vendanges du 30 septembre au 11 octobre. Il fallait des vignobles très précoces pour faire de grands 1971, à l’instar de Petrus et de Cheval Blanc, deux des plus belles réussites de ce millésime. Petite récolte : 18 hl/ha acidité très basse. 12.4 degrés.
Début du cycle végétatif difficile, avec un temps très arrosé. Juillet fut pluvieux et chaud, forte pression des maladies de la vigne. Beau mois d’août et septembre. Vendanges du 30 septembre au 11 octobre. Il fallait des vignobles très précoces pour faire de grands 1971, à l’instar de Petrus et de Cheval Blanc, deux des plus belles réussites de ce millésime. Petite récolte : 18 hl/ha acidité très basse. 12.4 degrés.
Magnifique nez, floral, subtil, qui évolue admirablement à l’air. Notes de fumée, de tabac blond, d’écorce d’agrumes. Il va vers la rose et son corps, comme le note Michel Bettane, évoque celui d’un vin blanc. Superbe bouche, élancée, sertie dans une trame magnifique et finale très complexe.
Cheval Blanc 1975
C’est l’année des nouveaux chais (ceux d’avant l’ère Christian de Portzamparc) Inauguration dans la liesse.
L’année a connu la sécheresse. L’été est sec, ponctué d’orages. Vendanges du 26 septembre au 8 octobre. 21.5 hl/ha, soit 300 barriques. Petit volume. 13 degrés.
C’est l’année des nouveaux chais (ceux d’avant l’ère Christian de Portzamparc) Inauguration dans la liesse.
L’année a connu la sécheresse. L’été est sec, ponctué d’orages. Vendanges du 26 septembre au 8 octobre. 21.5 hl/ha, soit 300 barriques. Petit volume. 13 degrés.
Couleur très soutenue. Notes légèrement empyreumatiques au nez, fruits secs, épices, truffe. Il est moins pur que le précédent dans sa présentation mais grande bouche, richement texturée. Le tanin est profond, grave mais manque un tout petit peu de patine. Belle densité. Avec ce 1975, on est vraiment sur la frontière entre Pomerol et Saint-Emilion.
Cheval Blanc 1978
Températures inférieures à la normale durant l’été et l’automne 1978. Le mois d’août fut très sec et ce jusqu’aux vendanges. C’est un millésime très tardif, avec une forte pression de mildiou, et à Cheval Blanc les vendanges débutèrent le 9 octobre. Rendements faibles : 28 hl/ha
Températures inférieures à la normale durant l’été et l’automne 1978. Le mois d’août fut très sec et ce jusqu’aux vendanges. C’est un millésime très tardif, avec une forte pression de mildiou, et à Cheval Blanc les vendanges débutèrent le 9 octobre. Rendements faibles : 28 hl/ha
L’expression aromatique est restée très fraîche. Notes fruitées, poivron, menthol. Il est très ciselé dans sa forme avec un tanin remarquable, légèrement réglissé. Même si elle n’est pas la plus complexe, la finale offre une belle tenue.
2 Comments
Superbe …
Cheval-Blanc 75 croisé 2 fois :
1. une bouteille manquant un peu de patine en effet
2. une autre bouteille moins bagarreuse, racée, truffée, superbement veloutée en milieu de bouche avec un retour tannique final (le CF, le millésime) : grand vin !
Pour Yquem 1947, il faudra aussi distinguer ceux qui ont bu des bouteilles claires et des bouteilles sombres.
http://www.invinoveritastoulouse...
Au fait, certains annoncent pourtant un Cheval-Blanc 2001 un peu faiblard ?!
Petite fierté perso : je vois 3 membres du GJE dans cette noble assemblée.
Classe 🙂
Grand bonjour de la Bourgogne, plus que jamais fascinante !