«Il n’est pas donné à tout le monde, écrit Jean-Paul Kauffmann, de s’écarter de la triste apparence et du fatalisme pour se projeter loin dans le temps, imaginer la Louvière ressuscitée. Le propre des visionnaires est d’oublier l’évidence des forces de désintégration et d’extrapoler en concevant un futur, non pas dans la ligne du présent, mais hors du « déjà vu » et des séries connues. »
Hélène Brun-Puginier et Didier Ters signent la partie historique de cette intéressante monographie. Histoire passionnante car elle parcourt plus de six siècles. C’est en effet en 1310 qu’apparaît la première mention d’un noyau viticole au lieu-dit La Lobeyra, enclavée dans les bois où hurlent les loups. D’où le nom de la propriété, peut-être. Mais, plus vraisemblablement, doit-elle son patronyme de Guilhem de la Louvière qui en écrivit les premières pages de gloire. Celles-ci furent complétées, dès le XVe siècle par la famille Guilloche qui marqua de son empreinte la propriété mais dut la céder. L’épisode fut écrit par les Chartreux, arrivés ici en 1620, font entrer la Louvière dans l’ère de la modernité. On leur doit sans doute l’introduction des cépages blancs et la tenue de leur vignoble – qui couvrait une quarantaine d’ha avant la révolution – passait pour exemplaire. Quant aux vins de la Louvière, ils avaient acquis, sous l’égide des moines, une réputation internationale. Signalons pour la petite histoire qu’en 1769, ces derniers tentèrent même de produire un vin effervescent à la Louvière. Sans suite significative, même si, paraît-il, à l’époque l’affaire des Champagnes de La Louvière avait passionné tout Bordeaux.

Les amours de Psyché et d'Eros, un des panneaux en grisaille réalisé par François-Louis Lonsing, retrouvés quasi miraculeusement par André Lurton.
Confisquée aux moines à la révolution, La Louvière fut vendue aux enchères. Jean-Baptiste Mareilhac emporta la mise de cette propriété dont la superficie totale était à ce moment-là de 130 ha. C’est lui qui voulut sertir cet écrin de la demeure qu’il méritait : un château néoclassique construit par François Lhôte. Rien n’était trop beau pour la Louvière et Mareilhac y engagea une part substantielle de sa fortune. Pour le décorer, il fit appel au peintre François-Louis Lonsing.

"Comment le trouvez-vous, mon plafond ?"
Celui-ci mourut le pinceau à la main (saturnisme ?), le 11 avril 1799, après avoir posé cette ultime question : »Comment trouvez-vous mon plafond ? » Inachevé, le monumental plafond de la Louvière sera terminé par un peintre local, Pierre Lacour. Ironie du sort, le motif central du plafond est l’enlèvement de Psyché, belle mortelle et déesse future, par des angelots aux ordres du vent Zéphyr, après que, sur ordre de la pythie, Psyché fut abandonnée au sommet d’une colline.
Sur le plan viticole, l’œuvre des Chartreux fut poursuivie et, sous Alfred Mareilhac notamment, dès 1860, la propriété était citée pour la tenue exemplaire de son vignoble. Après l’influence également bénéfique de la famille Bertrand-Taquet dans la période de l’entre deux guerres, la propriété connut quelques vicissitudes.
Sur le plan viticole, l’œuvre des Chartreux fut poursuivie et, sous Alfred Mareilhac notamment, dès 1860, la propriété était citée pour la tenue exemplaire de son vignoble. Après l’influence également bénéfique de la famille Bertrand-Taquet dans la période de l’entre deux guerres, la propriété connut quelques vicissitudes.
Puis commence la saga André Lurton, né en 1924, qui grandit dans la propriété familiale de château Bonnet et qui, quarante ans plus tard, sauvera la propriété de la la ruine. L’histoire d’André Lurton est le thème central de la troisième partie du livre. Enfant anticonformiste et audacieux, André Lurton se distingue déjà par son caractère. A vingt ans, il rejoint la 1ère armée française et fait deux années de campagne en Allemagne. Puis c’est la fondation du cercle des Jeunes Agriculteurs de la Gironde, les combats syndicaux, les manifestations paysannes, le combat pour la reconnaissance des vins blancs secs dans l’Entre-deux-Mers. Puis ce fut un jour la rencontre avec la Belle au bois dormant, une propriété dont un des collaborateurs d’André Lurton, chargé de trouver des domaines viticoles pour les Français revenus d’Algérie, lui avait dit : » Celui que nous installerons ici s’y ruinera… mais il faut que vous veniez voir. »
La suite, on la connaît !
La suite, on la connaît !
Le livre Château La Louvière, le bel art du vin, Editions la Martinière
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