Tu as l’air de jouer
à la grande colline et à la clarté du ciel :
pour me plaire tu répètes le paysage ancien
et tu le rends plus pur.
à la grande colline et à la clarté du ciel :
pour me plaire tu répètes le paysage ancien
et tu le rends plus pur.
Cesare Pavese
Encore de la poésie ? Mais celle-ci ne nourrit pas son homme même si elle aide à vivre ! dit avec une ironie légère Elio Altare. Tout de go, il m’annonce qu’il vient de prendre sa retraite. Après quarante et une vendanges, je voudrais me reposer un peu, dit-il avec un imperceptible sourire. Je lui demande ce qu’il va faire de tout ce temps qu’il va avoir tout à coup devant lui, de cette nouvelle jeunesse qui commence. La jeunesse, c’est le temps que l’on a devant soi ! Tandis que je me demande qui a bien pu dire cela, le soleil perce enfin à frontière de la brume et voilà Elio qui s’enflamme et m’embarque dans son nouveau projet dans les Cinque Terre, le vignoble ligure célèbre pour son extraordinaire beauté. Un monument en péril qui depuis un siècle a perdu la plus grande partie de sa surface viticole. Le travail est si difficile sur ces terrasses arrimées entre ciel et mer que peu de vignerons peuvent en vivre. Elio s’est associé il y a quelques années avec un jeune vigneron passionné qui a jeté l’éponge devant tant de difficultés. Et Elio continue désormais. Pas tout à fait seul, rassurez-vous. D’autant que l’office de promotion de la région voit d’un bon œil l’arrivée d’une telle star. Elio me parle des vins blancs secs issus des cépages bosco, albarola et vermentino, de leur minéralité. Sur ces schistes, il rêve de riesling, pour lui le plus grand cépage blanc au monde. Et puis, il y a le sciacchetrà, une légende capable de tenir tête aux plus grands liquoreux du monde, élaboré comme un vin de paille par passerillage sur claies, élevé ensuite en méthode réductive. Une liqueur fabuleuse dont il ne produit qu’une centaine de demi-bouteilles par année. Des nuages viennent tout à coup encercler cette folie. Elio, le messianique est revenu sur terre…
Elio Altare : c'est une guerre perdue mais il faut savoir qui est le fils de la terre…
Nous sommes en train de vivre un moment charnière dans l’histoire du vin. Nous sommes entrés dans ce que j’appelle l’ère des chacals ! Le succès a attiré un peu partout des investisseurs qui achètent des vignobles bien placés, parfois à n’importe quel prix, s’offrent les services de consultants réputés et élaborent des vins calibrés selon des recettes de type industriel. Leur but ? Diversifier leurs investissements (parfois ce sont d’ailleurs des fonds d’origine pas très catholique) et obtenir un jour un retour sur investissement et en terme de notoriété et en terme de rentabilité. Ces gens-là sont dangereux pour nos vignobles traditionnels. Ils font monter le prix du foncier et ne se préoccupent guère de l’équilibre et de l’état de santé du vignoble. Le vigneron a un autre rapport à sa vigne. Si ma vigne meurt, que ferai-je demain ? Ce n'est pas une question de qualité. Il ne faut pas dire que les vignerons sont meilleurs. c'est d'abord une question de culture. Si demain, les chacals trouvent tout à coup que le jeu a assez duré, que le vin c’est trop difficile, s’en désintéressent et vendent, que va-t-il se passer ? Aucun journaliste ne veut parler de ces problèmes ; ils ont peur de déplaire à un lobby très puissant. C'est une guerre perdue, je sais, mais il faut savoir qui est le fils de la terre ! Et Elio de me rappeler ses débuts, sans fausse nostalgie, le séisme provoqué par les vendanges en vert qu’il a initiées au Piémont – son père l’a exclu de la maison – son premier voyage en Bourgogne, terre d’élection où il retourne fréquemment en amoureux fervent des grands terroirs bourguignons c’était en 1976, je n’avais pas un rond et, en plein mois de janvier, j’avais dû dormir dans la voiture. Aujourd’hui, je ne suis pas riche, je n’ai pas fait fortune avec le vin mais j’aime mon métier, je le respecte et je fais ce que je veux ! Quel plaisir d’entendre cet homme intelligent, sensible, parler ainsi. Il s’interrompt tout à coup, ludion magnifique, pour m’expliquer la mécanique de sa Berkell d’avant-guerre, une superbe trancheuse à jambon. La vie du vin est ainsi faite, de cette étoffe dont on tisse les songes, de ces rencontres, de ces vins lumineux et pétris par le terroir qu’on laisse quelques années en cave, qu’on oublie un peu et puis que, à la faveur du passage d’un ami, on débouche. Les vins d’Elio sont comme lui, issus d’un terroir plus léger (La Morra), subtils et sagaces : même s’ils sont vinifiés sur l’élégance, ils tiennent la distance et vous racontent l'histoire de votre vie glorieuse et de vos rêves intacts.
Comment
J’ai eu la chance de rencontrer Elio Altare et de boire son vin. Les vins piémontais, quel bonheur! Et La Morra…. Tout ça me manque.