Bref, je voulais une recette easy going, d’exécution lente, le genre de bon plan qu’on surveille distraitement d’un œil, entre deux chapitres de La fin des paysages ou une bavette taillée avec Laura Kasiskchke.
J’ai donc décidé de ne pas intervenir. Pas d’implant. Pas de surcharge. Juste la poitrine de veau dans son jus, agrémenté au passage d’un zeste de Vandouvan, merveilleux mélanges d’épices et de condiments qui lui va à ravir (oignons, échalotes, ail, graine de moutarde, fenouil, curcuma, cumin, poivre, fenugrec).
La recette ? Le temps d’une bonne lecture, disons quatre heures.
On commence d’abord par pocher le vestibule dans un bouillon de légumes (carottes, poireaux, céleri-rave, cerfeuil tubéreux et persil racine). La poitrine frémira pendant deux heures. Son escorte un peu moins (vous la retirerez quand elle sera al dente).
Ecumez, une fois, dix fois… pour avoir un bouillon translucide.
Enfournez ensuite la poitrine, pendant 30 minutes à 200 degrés. C’est là l’instant stratégique. Dès que ça commence à colorer, quittez votre lecture, arrosez régulièrement avec un peu de bouillon que vous aurez prélevé de façon à laquer progressivement la partie la plus grasse de la poitrine.
Récupérez le jus de cuisson, congelez (c’est le plus simple) pour le dégraisser dans une heure trente.
Baissez la température du four à 110 degrés, mouillez avec 2 dl de bouillon, couvrez d’un papier d’alu et laissez confire pendant une heure trente.
Ce qui vous laissera largement le temps pour finaliser les deux dernières étapes et reprendre le fil de la conversation.
1. Passer au chinois la moitié de votre bouillon de cuisson (qui doit être très peu salé au départ), incorporez le Vandouvan, un trait de Xérès Fino et réduisez.
2. Faites cuire 1 kg de pommes de terre Bintje qui vous serviront à préparer une Mousseline robuchonnienne où, question beurre, vous ne lésinerez guère, quitte à aller plus tard brûler des calories par des sentes invisibles. Mais de cela, il n’est pas encore question ici.
Et le vin ? Très bel accord avec un dense, énergique, Pommard Les Chanlins 1998 de Nicolas Rossignol. On est proche des Rugiens avec une extraordinaire concentration (22 hl/ha) et une vraie dimension séveuse qui éclate sur la finale. Les tannins sont fermes et réglissés et le vin surprend par sa fraîcheur.
Merveilleux accord avec cette Poitrine de Veau au Vadouvan.
37 Comments
My god, ma tete ou mes yeux n’ont fait qu’un tour en lisant le tritre, je l’ai d’ailleurs malencontreusement lu a l’envers :
Cuisine en liberté et poitrine Bourgeoise !
j’espere que tu ne m’en voudras pas Jacques, j’etais un peu fatigué mais cette delicieuse lecture m’a redonné de l’energie .
voila un plat ideal pour la periode.
thanks
Fredi,
Jacques a bien écrit "poitrine en liberté"….
Un plat qui parait très appétissant.
Étonnant que François n’ait pas réagi plus vite?
Il doit être occupé?
Bien aimé récemment sur place le Pommard Chanlins 2007 de Monthélie-Douhairet-Porcheret (un peu moins le 2006).
Oui Michel, c’est bien cela qui est écrit et d’ailleurs je préfère une "poitrine en liberté".
je m’en excuse encore, pourtant je n’est point lu Freud dernierement.
Ben oui quoi, j’étais à travailler avec LPV sur des Hospices de Moulin à Vent, millésimes inavouables.
je rentre et poum : on m’annonce un billet du Grand Jacques vantant la belle Otero ou je ne sais quelle diaphane jeune fille particulièrement gâtée par la nature lubrique des petits hommes que nous sommes.
Là, patatra : simplement de la cuisine bourgeoise, du style Ali Bab revu par un bon protestant r^évant beaucoup, n’agissant jamais (presque) 🙂
Et ce bougre de Grand Jacques : je suis certain qu’il a derrière ses fagots luminescents (c’est-y pas beau cet accouplement ?) des choses à dire que la morale réprouve et que la censure censure.
Et comme c’est un légaliste pur jus : nous voilà dans le besoin, dan sl’expectative, dans le regret; C’est qu’il nou sassassine à petit feu le bougre !
Bon, chacun aura corrigé les fotes de frap dues à un clavier en fin de vie.
Pour cotiser : alimenter le compte du Dr Bonobo à Lugano.
Quel Bartleby à l’envers, ce François Mauss (I would prefer not to…) et fayot avec ça !
De Wiki :
Le narrateur est un homme de loi de Wall Street, qui engage dans son étude un dénommé Bartleby pour un travail de « scribe », c’est-à-dire qu’il recopie des textes.
Au fil du temps cet être qui s’est d’abord montré travailleur, consciencieux, lisse, ne parlant à personne, révèle une autre part de sa personnalité : il refuse certains travaux que lui demande son patron. Il ne les refuse pas ouvertement, il dit simplement qu’il « préférerait ne pas » les faire, et ne les fait pas. Et cette phrase revient alors systématiquement dans sa bouche : « I would prefer not to », traduite en français par « je ne préférerais pas », ou « je préférerais ne pas » ou encore « j’aimerais mieux pas »[1]. Peu à peu, Bartleby cesse complètement de travailler, mais aussi de sortir de l’étude où il dort. Il ne mange rien d’autre que des biscuits au gingembre, et refuse même son renvoi par son employeur.
Bouh ! Comment je dois comprendre ? 🙂
Tu m’inquiètes de plus en plus François.
ABM, dis kekchose ! Tu es le seul – avec Jacques – à pouvoir remettre le président dans le droit chemin…
Il a bon dos le clavier en fin de vie : je voudrais bien savoir ce que le père Vialette pense de ça, tiens…
😉
Que veux-tu que je dises, Nicolas, c’est l’époque qui veut ça. Victor Hugo avait eu "Trochu participe passé du verbe trop choir", nous, avez notre présidence, on a Besson 1ère personne du pluriel de l’indicatif présent de baisser. Ça vole donc très bas
Et il est vrai que "Bartlebooth" de Georges Perec, voir "Barnabooth" de Valéry Larbaud me sont plus familier que Bartleby. Cette sorte d’homophonie nous ramène donc à Vichy puisque François nous affirme que c’est sous ce gouvernement que se créèrent les 1ers crus en Bourgogne.
Je savais qu’on aller réveiller le diablotin situationiste dormant dans ABM !
Il faut lire http://www.arretsurimages.net/vi... pour avoir une idée où l’administration s’abaisse (et ce cas est loin d’être le seul). Il ne faut jamais oublier ce que Christine Clerc grand reporter au Figaro, auteure de "Le bonheur d’être français", prix Albert-Londres 1982 avait reproché en 1987 lors un Club de la Presse à Henri Krazucki d’être un "Français de fraîche date" qui "naturalisé en 1947" se permettait de critiquer la politique de la France. Krazucki qui était résistant, FTP et déporté. La droite décomplexée c’est celle qui retrouve les bons vieux réflexes d’avant-guerre.
J’ai pris la liberté de t’associer à ce personnage, Bartleby, symbole du veilléitaire car j’avais cru lire dans ton propos une fascination, cachée certaine, pour le non-agir amoureux : "Là, patatra : simplement de la cuisine bourgeoise, du style Ali Bab revu par un bon protestant r^évant beaucoup, n’agissant jamais (presque)" Me trompé-je ?
Un lien ?
http://www.evene.fr/livres/livre...
Je ne connaissais pas cet avatar de Bartleby contemporain, Laurent. Grâce à toi, mon intuition se précise. Il y a du Bartleby en François Mauss ou, comme dirait Johnny le revenant,"On a tous quelque chose de Bartleby en nous !"
Le contraire de un (titre piqué à Erri de Luca): François Mauss, le contraire de Bartelby retrouvé?
On va jaser, on va dire qu’Hermann Melville est un auteur maudit.
Déjà, son roman "Moby Dick" n’avait pas eu de succès à sa sortie, et avait été complètement oublié. Ce n’est que par hasard qu’un journaliste le lu après l’avoir acheté chez un bouquiniste et relança son édition et en fit le succès qu’on connait.
Et je remarques que personne n’a rien dit sur les vins de Nicolas Rossignol qui méritent pourtant qu’on en parle!
J’ai bu un beau Domaine Nicolas Rossignol Pommard premier cru "Jarolières" 1998 en 2001 (dans une série de rouges 1998 de la Côte de Beaune).
Pour ceux qui sont intéressés, c’est ici : http://www.invinoveritastoulouse...
Nous étions jeunes à l’époque … 🙂
Je le regoûterais bien aujourd’hui.
A propos de Erri de Luca : Ah Armand, tu sais combien j’aime la prose fluide, aérienne, lumineuse de Erri de Luca ! Je m’aperçois que je n’ai quasiment rien écrit sur son œuvre, hormis ce post. J’ai ce souvenir aussi des magnifiques portraits de lui que tu as signés.
blog.cavesa.ch/index.php/…
En attendant voici un poème à la mère, tiré de Le Contraire de Un :
« J’ai promis de brûler ton corps
de ne pas le donner à la terre. Je te donnerai au feu
frère du volcan qui orientait notre sommeil.
Je te répandrai dans l’air après l’averse
A l’heure de l’arc-en-ciel
Qui te faisait ouvrir grand les yeux. »
Armand,
J’oubliais cette précision glanée sur cette recette.
L’oursin : En royale : toast noir , pointes d’asperges de Mallemort, gras de seiche & langues – Rouget au vadouvan , encornet farci du foie de poisson, un trait d’encre.
Quel chef se lance-t-il donc dans une telle aventure ? (c’est facile)
Le vadouvan est une pâte un peu filandreuse, dont la couleur peut varier du brun vert au brun très foncé, avec à l’intérieur un amalgame d’épices et d’aromates dans du gras composé d’oignon, d’ail, de fenugrec, de graines de moutarde, de raisins et de feuilles de curry.
Ça pourrait être du Gagnaire…
Jacques, il faudrait cité en entier "Mama Emilia" tellement ce texte est prenant. Poème pour sa mère qui est décédée récemment
Mamm’Emilia
En toi j’ai été album en, œuf, poisson
les ères sans limites de la terre
j’ai traversé ton placenta
hors de toi je suis compté en jours.
en toi je suis passé de cellule en squelette
un million de fois je me suis agrandi,
hors de toi l’accroissement a été immensément mineur.
Je suis éclos de ta plénitude
sans te laisser vide parce que le vide
je l’ai emporté avec moi.
Je suis venu nu, tu m’as couvert
ainsi j’ai appris nudité et pudeur
le lait et son absence.
Tu m’as mis en bouche tous les mots
par cuillerées, sauf un : maman
celui-là le fils s’invente en battant ses deux lèvres
celui-là le fils l’enseigne.
De toi j’ai pris les mots de mon lieu,
les chansons, les injures, les blasphèmes,
de toi j’ai écouté mon premier livre
derrière la fièvre de la scarlatine.
Je t’ai aidé à vomir, à cuire les pizzas
à écrire une lettre, à allumer un feu,
à finir tes mots croisés, je t’ai versé du vin
et j’ai taché la table,
je ne t’ai pas mis de petit-fils sur les genoux
je ne t’ai pas fait frapper à une prison
pas encore,
de toi j’ai appris le deuil et l’heure où y mettre fin,
je ressemble à ton père, à ton frère,
je n’ai pas été ton fils.
De toi j’ai pris les yeux clairs
pas leur poids
à toi j’ai tout caché.
J’ai promis de brûler ton corps
de ne pas le donner à la terre.
Je te donnerai au feu
frère du volcan qui orientait notre sommeil.
Je te répandrai dans l’air après l’averse
à l’heure de l’arc-en-ciel
qui te faisait ouvrir grand les yeux
Le contraire de un, Traduction de Danièle Valin, copyright Gallimard
Merci Armand !
Jacques gagne un filet garni !
Super ! Et qu’est-ce qu’il y a comme gros poisson dans ce filet, Laurent ?
Basse lance au coeur fantômatique de Samedi au ballon d’or, "d’outre-tombe!" verbe la Frontière sous-signéemexique la touche-en-l’air; cuistre résilience: http://www.youtube.com/watch?v=g...
Dans le filet y a qu’un poisson:le beaux yeux
Visité ce jour une intéressante exposition sur le vin à Lattes :
le vin génie des Dieux, nectar des hommes …
museearcheo.montpellier-a…
Un filet de rouget …
Pascal, je suis preneur ! Qu’on me l’amène et sans glace s’il vous plaît !
Sans glace et sans remord, de bon coeur
C’est tellement plus simple …
Comme j’imagine ne pas être le seul à ne pas connaître :
VADOUVAN :
Le vadouvan est un mélange d’épices et de condiments – oignons, échalotes, ail, moutarde, curcuma, cumin, poivre noir et fenugrec – originaire d’Inde. Employé aujourd’hui dans les cuisines de nombreux chefs reconnus, il sera parfait pour des recettes originales et savoureuses de grillades, poissons et fruits de mer, par exemple en préparant des " Huitres chaudes au Vadouvan ".
Le saviez vous ? Suivant qu’on le consomme avant/après cuisson le goût du Vadouvan change beaucoup. De plus, une cuisson dans du lait de coco lui confère une saveur toute particulière.
© http://www.bienmanger.com/1F1599...
François,
Je l’ai écrit qq messages plus haut
C’est un mélange d’épices que j’adore. Personnellement, je trouve qu’il fonctionne parfaitement avec la viande de veau et la volaille. Je l’essaierai avec les huîtres. En vente où ? OÙ ? Au CAVE of course !