Presque vingt ans plus tard, en 2007, paraît La maison du retour, récit à travers lequel Jean-Paul Kauffmann raconte son installation dans la maison qu’il s’est choisie, une ferme landaise et son immense airial. L’endroit est abandonné depuis longtemps et a connu des fortunes diverses : durant la guerre c’était une sorte de bobinard où les officiers de la Wehrmacht aimaient venir se divertir.
Le pas de côté, la rupture comment résister aux étiquettes, à la fonction, dans lesquels on veut vous enfermer : l’ex-captif.
« Reprendre une vie normale, il n’en était pas question. Dès mon retour, je me suis empressé d’adopter aux Tilleuls une existence résolument anormale. C’est probablement ce qui m’a sauvé. »
La lecture dans la vie d’un homme de mots, les livres, ces compagnons imprévisibles – ils vous entraînent toujours au-delà de vous même – jouent un rôle essentiel. Peut-être les livres sont-ils le reflet de vies possibles ; dans le malheur, la privation de liberté, l’exclusion, ils esquissent des possibilités de survie : »J’ai dit combien j’ai été privé de livres pendant ma détention au Liban. Ils m’ont sauvé. Quand je n’avais plus rien à lire, je me remémorais mes lectures d’avant. »
Palmer 1961, petits naufrages en société et Mur de Berlin
«Dans un état de béatitude mais lucide et actif. Je ne connais pas de shoots plus plaisants que ces crus anciens. Il m’exaltent, me font revenir en arrière comme la truite remonte la rivière. Seule matière vivante à se bonifier en vieillissant, le vin abolit le flux temporel. J’ai le sentiment qu’outre son caractère gustatif exceptionnel, ce 1961 m’a fait prendre un sens interdit. Le ruissellement universel du temps s’est inversé. »
Ne nous fions pas au ton plutôt docte du propos. L’amour du vin est ici celui d’un esthète léger, insolent, raffiné. Un véritable amateur. Un aérien qui aime ses choix et choisit ce qu’il aime « dans une relation lumineuse au monde faite de complexité et d’estime de l’autre. » Tout le contraire de la pesanteur de l’esprit de sérieux, de la position dominante (et pourtant si fragile) de l’expert, du prescripteur, de l’homme qui sait et qui renonce.
Le livre Jean-Paul Kauffmann, La Maison du retour, Gallimard/Folio
3 Comments
L’évocation de Delphine Seyrig,et de sa voix qui évoque ce mélange de sensualité et de douleur du violoncelle, me fait toujours penser à la chanson d’India Song chantée par Jeanne Moreau. Peut-être parce qu’elle était l’amie de ma soeur N. ,qu’elles ont fait un film ensemble et qu’elle est morte là où je suis né.
Je pense à ces vers de A. Lutski:
"l’incessant tourbillon du monde que pleure le violoncelle… Ce sont les pleurs des morts qui montent de la terre…Pourquoi pleurent-ils ? Que nous veulent-ils ? "
Delphine Seyrig et le Palmer, c’est commme Jeanne Moreau et Ducru Beaucaillou…
Souvenir d’une formule lumineuse de J.P. Kauffmann: "le nivellement par le haut"