On l’a connu à la Cassolette, versus nouvelle cuisine des années 80. Puis sous l’égide de l’Ange du Dix-Vins. Toujours à la rue Jacques Dalphin, l’ange parti, voici, depuis 2003, le Dix Vins : tout simplement ! Un petit bistrot, un port attachant, un strapontin pour le paradis ! Mais attention, y réserver sa place requiert un minimum de prévision : avec une trentaine de couverts, c’est souvent booké !
Une des entrées en "suggestions du jour" : soupe de tomates et chorizo, ceviche de crevettes
La carte est courte, mixe allègrement les grands classiques de la tradition et quelques ouvertures vers un modernisme bien pensé : les escargots au beurre maison ou le tartare de bœuf « traditionnel » côtoient ainsi les Queues de crevettes, salade de lentilles tièdes au gingembre, vinaigrette au safran ou encore le Tartare de thon rouge au wasabi et ricotta au basilic.
Une dizaine de propositions sont à l’affiche pour les plats principaux. On pourrait ainsi craquer pour une Aile de raie meunière ou l’incomparable Bœuf-carottes, purée grand-mère !
Quelques « Canailleries du Dix Vins » dérideront les frileux, les curieux ou… les nostalgiques. Ce serait un Os à moelle au gros sel et poivre mignonnette, des Escalopes de cervelle de veau aux câpres comme on n'en fait plus, ou encore la Tête et Langue de veau, sauce ravigote.
Frileux, je ne le suis guère, curieux (un peu). Surtout, j’aime la nostalgie quand elle a un sens, quand elle ne manque pas de perspective. J’ai choisi ce plat canaille, véritable hyperbole gourmande dans son registre : la Tête et Langue de veau et je n’ai pas regretté le voyage, croyez-moi !
Une surprenante Mondeuse 2008 de Luc Mermoud vint lui tenir compagnie ainsi qu’au Boudin aux deux pommes, choisi par mon commensal.
On serait bien restés là, dans la chaude intimité de ce Dix Vins vrai, familier, qui me changeait des bistrots parisiens branchouille. D’autant que, ce jour-là, la bise noire trouait les consciences et transformait les mouettes en fébriles bayadères.
Une collection imposantes de whiskies et d’ »eaux confortantes des corsaires » nous attendait, prompte sans doute à nous envelopper d’embruns.
Le nez dans nos sets de table (signés Roger Pfund, ils sont superbes), nous savourions ce moment où le corps rasséréné, l’esprit flotte dans une douce inexactitude. J’avais le souvenir d’un rendez-vous ou de plusieurs. D’urgences diverses. Soudain ces lignes écrites à la hâte sur l’un des sets « aller chercher les enfants » !
Contraint, j’ai quitté le bien nommé Dix Vins.
Dehors, la bise noire m’a aussitôt happé mais qu’importe, j’ai gardé le cap. Les mouettes n'avaient qu'à bien se tenir !
L’adresse Le Dix Vins 29, rue Jacques-Dalphin – Carouge – tél. 022 342 40 10
3 Comments
Dix Vins, Di’vin, Divino, Di.Vin, …
Parler à Dieu via le …divin breuvage semble très tendance. Il le voyant comme ça le XXIe siècle Roger Peyrefitte ?
Je suis très heureux d’apprendre que René Fracheboud sévisse toujours aux fourneaux, personnage très attachant que j’ai perdu de vue depuis le début des années 90 alors que nous étions tous Jeunes Restaurateurs d’Europe pour la Suisse, sous sa présidence…une belle épopée et que de chemins parcourus depuis..
Merci monsieur Perrin pour ces bonnes adresses et ces belles photos qui alimentent nos esprits.
Eh oui, Jean-Yves Thomas, il est toujours fidèle au poste, René Fracheboud ! Vous évoquez l’époque des Jeunes Restaurateurs d’Europe, une belle aventure et une "pépinière" extraordinaire de talents parmi lesquels on peut citer Livron, Wenger, Krebs, Joris, Lonati, Fracheboud, Denis Martin, Haroutunian, Gygax et vous bien sûr dont, hélas, je n’ai pas eu le plaisir de goûter la cuisine !