Quelqu’un se projette sur cet écran en écrivain, voudrait nous entretenir de la caverne et des cerbères qui l’ont retenue, elle, prisonnière : 157 jours égrenés comme des silences, yeux bandés, mains liées, parole interdite – 80 mots par jour autorisés – dans un pays qui s’appelait l’Irak ; à côté d'elle, sans qu'elle le sache, son fixeur, geignard, moustache rasée, cheveux repoussés, au nom ironique, Hussein… A cette réclusion, ce mutisme forcé, l’écrivain, pour dire le réel, répond par une logorrhée. A partir de la conférence de presse donnée par l'ex-otage, le 14 juin 2005, deux jours après sa libération, il imagine la suite, le non-dit, ce qui n’a pas vraiment commencé, ce qui est déjà fini. Clone hypothétique d’un Platon et d’un Hegel qui auraient trempé de concert leur plume dans l’encre de l’hyper-modernité littéraire telle qu’on l’enseigne aux potaches, l’écrivain fragmente le récit de la captive, le découpe à la scie, lamine, le turbine, commente en pédant sa rhétorique (gallicisme, pléonasme, prétérition…), bref lui fait rendre l’âme, multipliant aux passage les effets de manche, les tics (prononcé à l’américaine), les formules à l’emporte-pièce : l’Histoire c’est les hommes. S’ennuient d’eux-mêmes, tout pétés, tout troués, ontologiquement déficitaires, manquent d’Etre comme le diabétique de sucre. Où l’on apprend que la différence sexuelle est une construction de l’histoire ! Dommage de gâcher un si joli talent : après des débuts remarqués sur la grande scène littéraire avec Jouer juste, Dans la diagonale et Entre les murs, l’écrivain a viré cabotin, peu regardant sur les moyens de draguer son lectorat, d’asseoir peut-être sa notoriété naissante. Y compris en raptant une deuxième fois cette histoire qui n’appartient qu’à celle qui y fut contrainte, Florence Aubenas, prisonnière en Irak du 5 janvier au 12 juin 2005.
Qui : l’écrivain ? Il s’appelle François Begaudeau et son livre, Fin de l’histoire, paru chez Verticales, ne vaut guère plus que le vent des pages que l’on feuillette en se disant que le monde est décidément mal fait et que les enturbannés sont de sombres oryctéropes comme disait un marin barbu qui avait des lettres !
Comment
Promis : on ne le lira pas.