Je relis pour la ènième fois ce livre bouleversant, En cas d’amour, qui m’a accompagné durant mes dégustations Primeurs à Bordeaux.
Son auteur, Anne Dufourmantelle, est psychanalyste et philosophe.
Au départ, je suis tombé – comme on tombe amoureux – sur Ne me quitte pas, un article que lui avait consacré Robert Maggiori dans Le cahier Livres de Libé…
« On a beau dire qu’il embrase les corps et les cœurs, qu’il fait toucher le septième ciel, qu’il enchante l’existence et lui donne un sens, qu’il est assez fort pour sortir la vie des plus sombres tunnels de la désespérance et assez fou pour vous faire croire capable de voler, d’être Mozart ou de déplacer les montagnes, on a beau dire que sans lui, on n’est pas grand-chose, condamné à l’errance, la déshérence ou l’insignifiance, on a beau dire ce qu’on voudra, l’amour, un jour ou l’autre, fait mal et rend malade. »
Que faire de cet amour, de l’événement qui fait irruption en nous, nous traverse, nous irradie, déplace nos centres de gravités ?
Nous avons des plans pour tout. Des procédures. Nous avons sécurisé nos vies au plus haut point. Du moins nous vivons dans cette illusion. Nous savons (à peu près) quelle conduite adopter en cas tremblement de terre, d’accident ou de catastrophe.
Mais en cas d’amour ? L’amour serait-il un imprévu, une catastrophe oubliée ?
– Je voudrais que vous me débarrassiez de l’amour…
De quoi la nuit rêvent les roses ? Le malheur d’aimer n’existe pas (désolé Aragon !)
Que répétons-nous sur le théâtre de nos vies ?
Quelle confiance et quel abandon ? Pour utiliser un terme psychanalytique : quel trauma ?
Toutes nos représentations, toutes les scènes que nous jouons, la fidélité, la trahison, la fusion, la jalousie, le meurtre même, viennent de là, de cette tache aveugle, cette loyauté d’enfance à des intensités dont nous ignorons le centre même, « dans un temps hors d’âge dont seuls les rêves parlent » :
« Nous faisons tous erreur de croire que nous sommes à peu près transparents à nous-mêmes alors qu’une immense énergie se déploie à nous rendre opaques à notre désir, à inventer des stratégies pour éviter de nous confronter à ce qui profondément nous anime, au risque de tout perdre jusqu’à l’envie de vivre même. »
Après celle de Mina Tauher, Anne Dufourmantelle relate d’autres histoires qui dénouent le fil de ce secret, creusent au cœur d’un silence qui n’a pas de nom encore. Afin que, ultimement, par la médiation de l’écoute, la vie se réinvente, si possible.
Car accueillir la parole de l’autre, la confier à l’horizon interprétatif, dans le cadre de la relation psychanalytique, c’est susciter un avènement, celui du sens qui est aussi amour.
Je l’ai mentionné au début : Anne Dufourmantelle est également philosophe. Tendance affirmation de la joie, pour faire vite. Ce qui, par rapport au champ d’investigation psychanalytique, élargit la perspective, disons à l’infini ?…
De quoi, désapprendre la mélancolie et toutes les tristesses (Nietzsche), affirmer la vie. Toujours.
« N’est-ce pas cela l’amour, au début ? Une certaine joie. Il ne faut jamais différer aucune joie (…). Différer, c’est notre névrose essentielle : penser que la vraie vie commence demain et, en attendant, éviter de penser, ignorer le présent. «
En cas d’amour n’est pas un livre joyeux. C’est un livre sur la joie. Un livre essentiel. Comme la vie avec ses frémissements, ses irisations, ses séismes.
Le livre Anne Dufourmantelle, En cas d’amour (psychopathologie de la vie amoureuse), Manuels Payot.
18 Comments
Merci, Jacques, pour ces réflexions essentielles, pour le yoga mental, pour le recul, …
L’amour ? … Donner ce qu’on a pas à quelqu’un qui n’en veut pas …
Merci, Jacques, pour ces réflexions essentielles, pour le yoga mental, pour le recul, …
L’amour ? … Donner ce qu’on a pas à quelqu’un qui n’en veut pas …
Après tout, vu la qualité du post, 2 félicitations ne sont pas de trop …
Et puis, ne jamais oublier que l’amour n’est qu’exceptionnellement durable (cf la superbe phrase de Pavese qui illustrait ce blog il y a peu), qu’il est dirigé par des forces intérieures complexes, qu’il n’est pas si philantrope que cela, qu’il évolue dans le temps (bref, l’amour, à Lourmarin ou ailleurs, Sammut !) 🙂
"Des scientifiques américains du National Institute of Neurological Disorders and Stroke qui sont à la recherche du "point Dieu", un point du cerveau censé contrôler la croyance religieuse, pensent qu’il n’y pas qu’un seul point mais bien plusieurs zones du cerveau qui forment les fondations biologiques de la croyance religieuse.
Les chercheurs estiment également que leurs découvertes accréditent l’idée selon laquelle le cerveau humain a évolué pour devenir sensible à toutes les formes de croyance susceptibles d’améliorer les chances de survie, ce qui pourrait expliquer que la croyance en un Dieu et dans le surnaturel soit si répandue dans l’histoire de l’évolution humaine."
Pour l’amour on est sans doute sur une même problémtique, sa durée moyenne 3 ans correspond à la pérode idéale pour assurer la reproduction de l’espèce.
Tout le reste les franfreluches c’est pour donner du boulot aux psychanalistes et à Elvis Presley
Pas dupe, Yves, …
Du sociologue italien : http://www.alapage.com/-/Fiche/L...
De la neurobilogiste américaine Lucy Vincent (qui travaille en France) :http://www.alapage.com/-/Fiche/L...
Et tant d’autres études concernant la monogamie, les mérites, les leurres et les souffrances de l’amour.
Urgence éducationnelle.
Parades ataviques.
Du philosophe français : http://www.twenga.fr/livres/theo...
Ouh, les stridulations castelnoviennes, samedi dernier, par 38° à l’ombre …
38° le matin:
Avec 38° à l’ombre ça ne m’étonne plus. Laurent JB dit vague 🙂
Bon, je vais sagement attendre le chapitre suivant…
Mais non, Armand, je lucide …
http://www.flickr.com/photos/hya...
pendant 3 heures il nous a parlé d’amour et pauis en sautillant comme Charlot, merveilleux lutin il s’en est allé
Grande ressemblance Cohen/Baschung …
Ce matin sur France Info, un beau débat sur l’amour vu par un anthropologue et un psychiatre : http://www.alapage.com/-/Fiche/L...
Beau texte :"Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour." disait Reverdy…
Et "l"amour c’est l’infini mis à la portée des caniches" je trouve ça romantique………
Antigone n’est pas romantique pour deux sous http://www.youtube.com/watch?v=B...
Etats d’âme et sérénité :
http://www.alapage.com/-/Fiche/L...
Très beau ce livre d’Anne Dufourmantelle …
Sans oublier : http://www.amazon.fr/Femmes-qui-...
http://www.toutpourlesfemmes.com...
La sauvagerie maternelle :
http://www.psychologies.com/Fami...
« … Une mère qui a du chagrin, même longtemps, n’est pas dangereuse pour son enfant, explique-t-elle. Mais les mères qui cachent leurs pleurs sous la rage, la faiblesse sous une trop grande rigidité, ces mères sont envahies d’un désir de mourir inscrite dans un héritage inconscient. »