C’est l’un des très grands terroirs français, qui depuis très longtemps fait rêver le monde entier. Interprétés par des vignerons de grand talent, les meilleurs quartiers sont mis en valeur via des sélections parcellaires ou des assemblages, selon les domaines et autres maisons. Nicolas Bon nous proposait donc dernièrement, dans le cadre de l’Ecole du vin, de faire le point sur l’histoire de l’appellation, son découpage parcellaire et ses meilleures cuvées, récentes et anciennes ! Aussi, afin de ne pas simplifier la présentation exhaustive et didactique à laquelle nous avons eu droit, nous préférons vous en faire profiter en mettant à votre disposition gratuitement l’Etude de terroir et la Présentation des domaines.
Ces bases posées, il ne restait donc plus qu’à passer à la dégustation géo-sensorielle. Et ce fut fait à l’aveugle, comme il se doit !
Les blancs :
Domaine Marc Sorrel « Les Roucoules » 2011 : 95% marsanne, 5% roussanne. Quartier des Rocoules. Elevage 18 mois en fûts non neufs. Couleur jeune, notes épicées, citron confit, agrumes, mentholé, très beau dans le développement aromatique. Attaque enrobée, bouche de forme évasée, vin gras, à l’élevage très intégré, avec des amers nobles qui relèvent la finale. Beaucoup d’énergie en fin de bouche, de jeunesse et de pureté. Seul l’alcool en rétro-olfcation se fait sentir à ce stade de la vie du vin, mais il est bien possible qu’il assurera aussi un potentiel de garde non négligeable et s’harmonisera avec le temps.
Domaine Jean-Louis Chave 2000 : 80% marsanne, 20% roussanne. Quartiers de Péléat, Rocoules, Maison-Blanche et l’Ermite. Elevage 18 mois en fûts non neufs. Magnifique nez de miel d’acacia, de pétrole, de fumé, très belle évolution aromatique, sans basculer vers un oxydatif lourd : le vin est dans le registre aromatique secondaire et sans aucun début de tertiaire. Bouche fraîche, structurée, très élancée. Vin fondant mais également incisif, les amers sont plus civilisés que sur le précédant à ce stade. C’est très beau et nous remercions Jean-Louis pour son conseil d’ouvrir cette bouteille aujourd’hui car il était très inspiré.
Les rouges :
Dard & Ribo 2014 : Quartiers de Varogne (granite) et Muret (argiles rouges). Elevage de 12 mois en demi-muids. Robe légèrement trouble. Nez floral quasi sucré au nez, tirant sur le poivre et le muguet, grande netteté aromatique pour un vin vinifié « nature ». On retrouve ce style en bouche avec un léger gaz carbonique, une saveur acidulée tirant sur l’olive noire. Vin « filant », souple et léger, à peine acide et « picotant » dans le tanin, facile à boire. Mais possède-t-il le fond que l’on est en droit d’attendre d’un vin de l’appellation ?
Domaine Alain Graillot 2013 : Quartier des Greffieux. Elevage en barriques bourguignonnes de 1 à 3 vins. Production minuscule pour cette cuvée. Robe peu intense. Superbe nez de fruits rouges, de poivre de Madagascar, d’agrumes, de fruit de la passion, qui est tout ce que l’on aime dans les grands vins de syrah, Hermitage ou pas. Et il continue de prendre de l’ampleur à l’aération. De même que la bouche, ample et fine, structurée. La vinosité est enrobée, le vin est doté d’une forte personnalité mais sans une once de brutalité. Très juste et surtout très beau !
(PIRATE) Domaine Gonon 2011 : Assemblage de plusieurs lieux-dits du Saint-Joseph historique (granite et loess). Élevage en demi-muids Seguin Moreau de 600 litres non neufs. La robe la plus sombre des trois, comme le nez, « noir », riche, goudronné, quasi impénétrable. En bouche le vin se goûte ferme, puissant, plein de mâche. Très corsé, il semble être entre deux âges et demande un peu de patience aujourd’hui. A noter que nombre de dégustateurs du soir ont reconnu ici le pirate.
Maison Chapoutier « l’Ermite » 2007 : Quartier de l’Hermite, autour de la chapelle (granite). Elevage en fûts neufs de 18 à 20 mois. Premier nez profond et soigné dans l’élevage, s’ouvrant sur du cassis et de la réglisse, mais sans caractère ample ni entêtant. Il évolue juste un petit peu lactique à l’aération. On retrouve ce caractère lactique sur l’attaque (impact de la FML ou du bois ?) mais la texture est peaufinée et très enrobée, le vin luxueux dans sa présentation, suave et gras. On peut juste s’interroger sur l’absence de caractère « granitique » au nez et en bouche à ce stade, mais l’élevage en fûts neufs induit sans doute un peu de patience. L’ensemble est très sérieux.
Domaine Bernard Faurie 2006 : Quartiers des Bessards et du Méal. 18 mois d’élevage en pièces et demi-muids non neufs. Ouvert la veille, comme tous les vins « jeunes » de la dégustation, il est celui qui le plus gagné à l’aération, quittant un premier nez impénétrable pour aller vers un océan de poivre noir, de réglisse et de violette, qui éclate littéralement. On retrouve ces parfums dans une bouche elle aussi poivrée, cendrée, avec une sensation métallique noble (corrélation d’un terroir granitique et d’une vinification en grappe entière). Vin touchant de justesse et de pureté, le vigneron s’efface derrière son terroir et ses raisins.
Domaine Marc Sorrel « Le Gréal » 2006 : Quartiers des Greffieux et du Méal. Elevage en fûts non neufs pendant 20 mois. Nez gavé d’acétate et c’est dommage car il y a de belles choses derrière. Il faudrait regoûter une autre bouteille pour écarter les défauts de la première. Jugement malheureusement réservé et c’est dommage car à son meilleur, cette cuvée peut être un des meilleurs rouges de l’appellation.
Maison Delas « Les Bessards » 2001 : Quartier des Bessards. Elevage de 12 à 18 mois en fûts neuf et d’un vin. Nez élégant, racé, avec un côté bourguignon très floral dans le boisé, chatoyant, qui séduit. Bouche de demi-corps, légère, acidulée, relâchée et fine, soyeuse et facile d’approche, avec un goût noble. Mais on pourrait rêver plus de vinosité. Posé cela, la race du grand terroir est quand même là.
Domaine Jean-Louis Chave 2001 : Quartiers des Bessards, de l’Hermite et des Beaumes. Elevage 18 mois en fûts non neufs. Vraie profondeur et complexité aromatique, quasi insondable. Il faut le « remuer » pour extraire ce qu’il a dans le ventre : une grande complexité apparaît (fruits noirs, goudron, cendre froide). La bouche est dans la continuité, mais le vin se laisse approcher avec un caractère séveux, une grande densité tannique et une allonge encore réservée. Entre deux âges, il laisse présager d’un potentiel de garde impressionnant.
Maison Chapoutier « Le Pavillon » 2001 : Quartier des Bessards. Vignes de 90 à 100 ans. Elevage de 18 à 20 mois avec 30% de fûts neufs. Beau nez évolué avec un début de tertiaire, tirant sur la tomate séchée, le pot pourri, le fumé, le lardé et un soupçon d’animal. La bouche est comme le nez, fondue, un peu décadente, confortable en son centre et légèrement sèche en finale. Une belle bouteille, juste un rien évoluée pour son âge.
Paul Jaboulet Ainé « La Chapelle » 1985 : Quartiers des Bessards, Greffieux, le Méal et Rocoules. Elevage de 15 à 18 mois. De teinte acajou, il offre un très beau nez complexe et délicat tirant sur le moka et les fruits noirs. Il possède une vraie présence aromatique, qui précède une très belle bouche fine et gourmande, plus vineuse que le Bessards 2001 de Delas. Les tanins son tissés, entremêlés finement, c’est élégant et délicieux, avec un parfum extra de bois de cèdre et de havane en finale. Un vin superbe pour son âge et qui rend pleinement hommage à cette étiquette de légende. Comme l’a dit un des participants en fin de dégustation ce soir-là : « il a tout et il ne lui manque rien ! »
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