Où ? Mais au domaine Belluard, à Ayze, tout près de Bonneville. Il y a quelques années déjà que je vis une véritable histoire d’amour avec Le Feu, cette cuvée de gringet (celui qui se souvient de sa molette de Seyssel…) que je déguste régulièrement. Récemment encore, au Fantin-Latour à Grenoble, Le Feu 2005 a rutilé !
In vitis veritas ! Il n’y a que ça de vrai. Je commence toujours par la visite des vignes. Je veux voir le Feu ! Où est-ce ? je demande à Dominique Belluard, longiligne, athlétique, qui nous emmène dare-dare sur les hauteurs d’Ayze, dans un lieu tellurique.
Ayze, Le Feu.
Pentu telle une marmite glaciaire, voici le toponyme, avec son terroir si particulier, des sédiments de cascades glaciaires et des argiles rouges riches en bauxite. A peine 2 ha mais quelle force, quelle énergie dans ce lieu ! Dominique Belluard y possède 1.5 ha qu’il travaille entièrement à la main, tout en biodynamie. Certaines parcelles, plus haut, ne sont accessibles qu’à pied. Une vingtaine de cm à peine de terre arable et nous voilà sur la roche !
Quelques sarto (un « sert tout » en savoyard) donnent l’envie de se poser là, un moment, face au Buet et au Pic de Tenneverge.
Je voulais comprendre. J’ai compris !
On fait le tour des autres parcelles, celle d’Aubeterre, qu'éclaire le premier soleil (marnes, sédiments glaciaires), où Dominique Belluard a planté de l’altesse, plutôt que la roussette d’Ayze qui est une descendante de l’altesse. C’est d’ici que provient la cuvée Grandes Jorasses.
Et, enfin, la plus grande parcelle du domaine, 7 ha, à proximité du domaine, sur des éboulis calcaires du Môle. Au total 11.5 ha sur la vingtaine d’ha que compte encore l’appellation Ayze. A peu près trente fois moins qu’avant le phylloxéra ! Le cépage gringet est un peu l’emblème de cette appellation peau de chagrin presque entièrement dévolue au Ayse, un vin effervescent dont le domaine Belluard, avec sa méthode traditionnelle (trois ans sur lattes) ou son Brut zéro – Mont Blanc
(issu d’une sélection parcellaire sur le terroir d’éboulis calcaire), est la référence !
(issu d’une sélection parcellaire sur le terroir d’éboulis calcaire), est la référence !
Des vins de funambule
Nous dégustons quelques vins dans la réplique de sarto aménagée dans la cave, juste à côté des œufs cossus de M. Nomblot. Les Alpes 2009 sur des notes d’agrumes, de citronnelle, de pêche, tendu, lumineux, légèrement perlant, à la finale d’amande douce. Les Grandes Jorasses 2009 aux notes mellifères et d’ananas frais, qui se cherche encore (mise récente) mais au potentiel remarquable. Le Feu 2009, aérien, poudré, mentholé dans ses arômes, à la finale irradiante, cristalline ! Magistral !
Et puis, avant de partir vers les vignes du Seigneur, un Pur Jus 2007, un gringet vinifié en amphore, sans soufre, qui affiche une très belle tenue. On retrouve ce côté menthol, herbes fraîches que l’on a sur le 2009 mais le vin est moins précis. Le sans soufre ? "C’est un exercice de style. En 2008, je ne l’ai pas fait, et en 2009, c’est parti en sucette…"
J’écoute Dominique Belluard parler. De la vie des plantes, de l’énergie qui est à 80 % dans le végétal, de la reine des prés, de la prêle, de la consoude, de l’ortie, de l’achillée millefeuille, des vertus antifongique de la bardane, la seule plante qui ait inventé le velcro… Avec sa passion à fleur de peau.
Il se dit cartésien mais, au fond, il a une âme de funambule. J’adore les funambules. Eux seuls savent ciseler des vins capables de vous faire traverser des abîmes !
Vertige de l'amour !
Mais voilà, vient le temps de prendre congé de ce viticulteur admirable qui, à lui seul, sauve une appellation. Et nous, qui nous sauvera donc ?
Une autre visite, une autre passion, nous attendent, à une demi-heure de route d’ici, dans l’un des endroits les plus secrets de la région. Un lieu de beauté pure, édifié dans le haut désert de Béol, il y a 860 ans. Nous sommes en Haute Savoie, au Reposoir, sous le Bargy et la Pointe Percée. Les Chartreux y ont longtemps vécu.
Aujourd’hui, une vingtaine de carmélites (mais pas de rouquine hein ?) y vivent. Entre les deux Thérèse, celle d'Avila et celle de Lisieux. Vertige de l'amour…
Un film consacré au grand guide Patrick Gabarrou (« l’homme au mille premières ») avait attiré mon attention sur ce lieu : le Gab, qui a arpenté les cimes de l’Himalaya, disait n’avoir peut-être jamais rien vu d’aussi beau, même au Tibet ou au Népal ! Je ne suis pas loin de lui donner raison.
Même si je ne suis jamais allé au Tibet ou au Népal…
13 Comments
Superbe, Jacques !
Disons que le tour des Annapurnas, ce n’est pas mal quand même (avec notamment la Kaligandaki, la vallée la plus encaissée du monde), en moins cossu toutefois.
On s’y sent bien minuscule :
http://www.travel-images.com/pht... (et j’ai bougrement envie d’y retourner
Sans doute, Laurent, mais pour la préparation, on peut commencer par le Tour des Aravis (Ayze et Le Reposoir constitueront deux superbes étapes !)
Quel plaisir de lire votre blog et regarder les photos de ces magnifiques paysages…
Une vraie thérapie, zen je suis !!
Merci.
Jacques,
Bien sûr, avec une pause casse croûte à l’auberge de l’Eridan ! 🙂
Merci Franck !
Laurent, "sois à ce qu’on te dit" : es-tu certain que le meilleur endroit pour une pause casse-croûte soit l’Eridan ?
Oui, en effet tout cela fait rêver. Vins et Paysages, je prends tout!
Et le Tour des Aravis, cela se fait à pied? En combien de jours? Quel est le point de départ?
Une pause casse-croûte au Cozna Vera me semble peut-être plus approprié !
Magnifique reportage,merci Jacques
Il existe un Tour des Aravis, à pied, en 7 jours mais il ne passe pas par Annecy, hélas. Donc c’est raté pour le Cozna Vera. Cela dit on peut toujours essayer de demander le couvert aux petites soeurs de l’Enfant Jésus au Carmel du Reposoir : elles ont un jardin potager magnifique !
Voici les étapes du Tour des Aravis :
Jour1 : Sallanches – Burzier – refuge de Doran
Jour2 : refuge de Doran – refuge de Mayere
Jour3 : refuge de Mayere – Chalet de Coeur
Jour4 : Chalet de Coeur – Col des Aravis
Jour5 : Col des Aravis – lac des Confins – La Bombardelle
Jour6 : La Bombardelle – col des Annes
Jour7 : Col des Annes – Le Reposoir
Pas d’Eridan, pas de Cozna …
Il reste la chasse à l’écureuil et ces jolies recettes :
missglouglou.blog.lemonde…
Goûté les lasagnes aux légumineuses de Cozna Vera … autant certains produits sont bons (j’ai pas dit au niveau de leur prix hein ?), autant celui-ci était un étouffoir. Peu convaincant.
Pas convaincu non plus de la nécessité de cet endroit pour trouver de bons produits sur Annecy, les prix y sont astronomiques pour qq tisanes, pommes, carottes ou autres fruits secs.
Le feu terroir du Mont Blanc 2007 est un vin tonique qui devrait plaire à Olif …
Probable que l’effet contexte …
J’ai préféré le 2008, plus complet.
Nous préférons quant à nous le ragondin ou la marmotte vus par l’ami Benoît Viollier, c’est beaucoup plus sérieux que ces blog-buzzers !
http://www.opusculinaire.com/cha...
Merci pour l’itinéraire du Tour des Aravis. Je le garde dans mes tablettes pour l’été 2011. Mais vu la confusion des avis, je prendrai mon casse-croûte!