Redouté, il aime vivre dangereusement, d’une ville à l’autre, entre plusieurs femmes. Il sillonne Paris à vélo, le regard perdu dans les cieux, les pieds au ras du bitume, l’oreille aux aguets.
Il connaît les rhumbs et les rumeurs, les lieux fétiches, les adresses de demain, les parfums et les formules à l’emporte-pièce pour jivaroïser un monde aussi profus qu'excitant.
Pétrel des villes, il se conforme, quoi qu’il en ait, au goût de son époque, annonçant tempêtes, mélancolies et chute des étoiles.
Parfois, lassé par tant d’agitation, il s’évade, s'évapore dans les profondeurs et les secrets d’un temps qui n’existe plus. Il file à grande vitesse, seul ou accompagné par le steward, vers d’improbables auberges de campagne où le menu, forcément sublime, est à 15 euros.
Il ? Le critique masqué dont j'ai lu le dernier livre : Dans ma bouche.
Abécédaire succinct du dandy
Addition
Certains disent la «note » ou la "douloureuse". Elle est au grand repas ce que le bilan est à la gestion financière. D'autres les les font encadrer et les affichent, dit-on, dans leur cabinet de lecture.
Les critiques la demandent parfois, au risque de contrevenir aux lois de l’hospitalité, d’indisposer le chef, voire de déprécier leur art (littérature) : jamais, ils ne la reçoivent !
»Les grands cuisiniers bénéficient d’une littérature d’accompagnement, d’autant que les additions de leurs restaurants sont hors d’atteinte des budgets des rédactions. Ils invitent donc à tour de bras, et attendent ainsi des journalistes un travail de liftiers, d’assureurs, de porteurs de chaises, de valets, de préposés. »
Bad Boys
Ils sont terrifiants, les amis du critique. « Remontés comme des coucous tyroliens, » infréquentables, assez mal élevés. Ils mélangent les vins nature, la coke et le MDMA, adorent la bécasse et le lard de cochon. On voudrait les connaître. Histoire de se camphrer la ruche un soir avec eux sur les midnight à moitié verre. Où ? Du côté de Sancerre évidemment.
Bouche
Organe principal d’appréhension, d’exploration et de connaissance du monde chez notre auteur. La bouche est le lieu d’une quête et d’un combat incessants : »boire, saisir, happer, rester en contact, adhérer, gagner des terres inconnues, élancer des mots, pincer une virgule. »
Impérieuse, futile, versatile, la bouche vit sa vie et « n’en fait qu’à sa tête » (sic !). Bref, la bouche réclame son dû. A charge aux entrailles et à la mécanique rutilante du désir de définir ensuite leurs territoires. Tzara l'avait vu :"la pensée se fait dans la bouche…"
Corps
Jouissif, éclaté, laminé ou sur la défensive. Pris dans un devenir anorexique lorsque la saturation est en ligne de mire : »Lorsque le soir, il y a un gros dîner, mon corps se herse. » Voir aussi Désir
Côte Rôtie
Inséparable du pigeon dans l’imaginaire gustatif du dandy, elle est le sésame de la vraie vie. Celle d'avant, d'après ? Jasmin, Rostaing ou Gérin ? Qu'importe le nom…
« Je me souviens juste des volontés que je fais répéter à mes enfants : être réduit en cendres. Dispersées sur les coteaux d’Ampuis (Rhône) sur la Côte Rôtie (berceau de mon vin préféré). Qui sait, peut-être qu’un jour, réincarné, je coulerai dans le gosier d’une créature. »
Désir
Quelle est la recette d’un critique gastronomique pour rester mince ? Il picore ou il baise ! Apparemment, notre auteur a beau détester les menu-dégustation, les « concerto joués par un quatuor de fourmis », il a choisi de pratiquer les deux.
« Le désir est le meilleur des régimes. C’est un chaudron. Il ne s’embarrasse guère. Il brûle tout ce qui lui tombe sous la main : le plancher, le toit, les fesse, les hanches. L’ennui l’enrobe. Alourdit les songes et les corps."
Femmes
Manuela, Gudrun, Flore, Rebecca, Grazia, Kate, Clarisse, Chantal, Hiroko, Fang, Claudia, Soo… Les passantes, les partantes, les revenantes, les expertes. Elles sont toutes là. Couchées sur les pages, entre les lignes, tapies dans l’ombre. Elles aiment le carotte-cumin ou le lièvre à la royale, les encornets ou la calligraphie, le boudin noir ou le triolisme.
Elles sont belles. Outrageusement belles. Et désirables, car s’il brûle, le désir est sans faim, il s’alimente à sa propre combustion. Intranquille. Comme notre auteur.
Style
Il y a un vrai style chez notre auteur. Pas uniquement parce qu’il est un adepte des Pelikan et des plumes indigo de Styl’Honoré, mais la musique et là, le rythme aussi. C’est percutant, décapant et leste. Quand le continent féminin est abordé, on croirait même lire du Sollers sans les digressions et le foisonnement des citations. C’est tout dire.
Vous en voulez plus ?
« Non, tout est une voix et tout est un parfum ;
Faut-il le lire ?
Oui, pour les amuse-bouche et le reste.
Le livre : François Simon, Dans ma bouche, Flammarion
11 Comments
"Les dandies sont des enfants de concierges enrichis ou de ducs déchus. Ils ont une revanche de chic à prendre. Le dandysme est le fils de la honte.
Elle fait les dandies se hisser sur les talonnettes d’un génie imitatif qui se croit singulier.
…….
Ce sont des originaux stériles, et je connais peu de sorts plus tristes…."
prétend Charles Dantzig
On peut dire que vous avez touché juste.
J’avais pas tout lu… par paresse, bref, ça m’avait échappé, mais bon sang INTRANQUILLE faut oser!. puisque ce mot n’existe pas laissez le donc à Pessoa, faut pas mélanger les génies avec les torchons
Ah, ah ! S….. qui siffle sur nos têtes nous régalerait de sa culture ! Dantzig se gaussant des dandies « fils de concierge » ? Mais c’est l’Hôpital qui se fout promptement de la Charité ! Quand à l’adjectif « intranquille », il est dans le texte, c’est-à-dire dans la bouche de notre auteur.
Pour le reste l’aveu de votre paresse vous honore.
Donc, votre théorie c’est "la culture c’est comme la confiture, moins en a…. etc etc" . chic! à notre age se retrouver dans la cour d’école . merci M Perrin!.
allez soyons gamin "c’est le premier qui-l’ dit qui l’est!"
François, en plus, est assez inventif. Habile aux entrechocs des mots-idées. Ainsi quand il parle de la "bonté" de la cuisine italienne. Une idée que j’adore absolument. Ajoutons le plaisir, la gourmandise de son style. Et laissons S trois petits points à ses rancœurs.
Je ne puis que plussoyer le commentaire de Nicolas. Il y a une vraie gourmandise avec la dose d’acidité qui donne le petit plus. Un livre qui sera mien, assurément.
Le site de Jehan est remarquablement bien fait
"François, en plus, est assez inventif."
comme coup de pied de l’âne, venant de de rouyn surnommé sherlock holmes aux petits pieds depuis l’affaire bourguignonne ça ne manque pas de sel
Drôle de coco, ce simon et courageux avec cela,! enfin le voila revenu acteur central du suicide de Loiseau
http://www.lepoint.fr/gastronomi...
FR Gaudry est un petit con et c’est bien que Mme Loiseau ne se laisse pas faire… le niveau des journalistes gastro français actuels est effrayant…
Tu a 100% raison, Nicolas. En 1945, A la Libération, il n’ y avait pas besoin de carte de presse pour être critique gastronomique, comme critique de cinéma d’ailleurs. Beaucoup de critique gastronomique et de cinéma, ayant eu une attitude réprouvée pendant l’occupation ont donc remplit ces fonctions. Rebatet comme Courtine, ont donc travaillé, dans la presse, dans ces domaines. Viansson-Ponté alors directeur du Monde appelait Courtine "notre collaborateur". Cette génération ayant pour l’essentiel disparue, l’héritage idéologique est un peu lourd à porter.