Pendant que le téléphérique emporte sur les hauteurs mes collègues conseillers, je taille mon chemin dans la pente, coupant au plus court, et les rejoint à l’altitude 2300 m, face à un ciel imperturbable. Dominique Fornage a pourtant l’air soucieux. Nos amis quadrupèdes sont-ils bien traités ? L’air de la montagne leur convient-il ? Très vite, l’inquiétude fait place au soulagement. Ils sont là, les gorets, placides, merveilleux, dans leur enclos séparé. Il faut dire qu’ils bénéficient, par rapport aux autres cochons de l’alpage, de conditions particulières : régime minceur et spa privatif !

"C’est une bête solide et tout d’une pièce ; sans jointure et sans cou, ça fonce en avant comme un soc. Cahotant sur ses quatre jambons trapus, c’est une trompe en marche qui quête, et toute odeur qu’il sent, y appliquant son corps de pompe, il l’ingurgite. Que s’il a trouvé le trou qu’il faut, il s’y vautre avec énormité. (…) Il renifle, il sirote, il déguste, et l’on ne sait s’il boit ou s’il mange ; tout rond avec un petit tressaillement, il s’avance et s’enfonce au gras sein de la boue fraîche ; il grogne, il jouit jusque dans le recès de sa triperie, il cligne de l’œil. Amateur profond, bien que l’appareil toujours en action de son odorat ne laisse rien perdre, ses goûts ne vont point aux parfums passagers des fleurs ou de fruits frivoles ; en tout il cherche la nourriture ; il l’aime riche, puissante, mûrie, et son instinct l’attache à ces deux choses, fondamental : la terre, l’ordure."

 

On entame la descente. Emploi du temps oblige, j’embarque dans le 4 x 4 de Guy, le responsable de l’alpage. En route, nous croisons deux dames. L’un d’entre elles paraît exténuée. Nous la ramenons sur le plancher des vaches. Sauvée !

Toute l’équipe responsable de l’alpage s’est activée pour préparer d’exquises agapes. On termine avec une vraie tarte la crème « à la vaudoise » sur laquelle l’Ermitage 2004 de Rouvinez laisse un sillage profond.

 

Mais pour Dominique Fornage et moi, le moment est venu de regagner la plaîne du Rhône pour déguster  la production des liquoreux de la Charte Grain Noble Confidentiel. Qu’est-ce qu’il conduit vite, ce châtelain. Les Pontis sont avalés en quelques minutes, les virages de Niouc transformés en arabesques joyeuses. Voici enfin le château de Villa, son Sensorama où a lieu la dégustation. Il est 15.00 Les dégustateurs sont déjà là, piaffant d’impatience, venus d’un peu partout en Suisse et même de Bourgogne et du Jura. On peut commencer !

 

Trois heures plus tard, la dégustation prend fin. Le ciel est lourd, ça sent la pluie. Drôle de mois d’août !

Quant à moi, je repars en montagne. A pied ? Presque…

 

Le programme n’est pas terminé : le bisse de Savièse, Les Alpes à Orsières et la la traversée Petit Col Ferret et Grand Col Ferret par les crêtes.

En attendant, voici mes notes de dégustation pour ces liquoreux tous millésimes et cépages confondus, de la Charte Grain Noble. Pour chaque vin, j’indique ma note sur cent, ainsi que la note moyenne calculée sur l’ensemble des dégustateurs (15 ou 16). Comme souvent dans pareil exercice, on constate, sur certains vins, des écarts significatifs de notation, liés aux représentations personnelles de ce que doit être un grand liquoreux, à des sensibilités personnelles (à la pureté du botrytis, au passerillage, à notion d’équilibre), mais aussi à la difficulté de déguster des liquoreux encore en élevage.

Petite Arvine Tourbillon 2007, Provins Valais
La robe est ambrée. Nez ample, crémeux, fruits confits, frangipane. Grande opulence dans la chair. C’est un vin ample, continu, d’une superbe richesse de constitution, à la liqueur équilibrée. Malgré son caractère fastueux,  il conserve son équilibre.
Ma note : 92 – Moyenne des dégustateur : 91.06

Malvoisie 2002, Grain noble, Philippoz Frères
Belle robe à reflets ambrés. Le premier nez qui témoigne d’une certaine complexité. Fruits confits, mirabelle, crème brûlée, boisé présent. Très belle bouche, ample, superbe texture, c’est un grand vin d’avenir, consistant, d’une immense persistance. Pour l’heure, il ne se déploie pas complètement mais il témoigne d’une grande race.
Ma note : 92 – Moyenne des dégustateur : 87.24

Ermitage 2006 Marie-Thérèse Chappaz – vin encore en élevage !
(Il s’agit ici de l’Ermitage 240, un fût particulier d’un ermitage récolté à 240 Oe)
Superbe robe dorée. Notes fruits confits, notes mellifères, coing.  Immense liqueur, il a peu d’alcool, c’est un nectar, une essence de liquoreux, un peu hors norme. On a ici une recherche de la concentration presque extrême et les notes (qui vont de 77 à 96) témoignent de la difficulté à évaluer un tel vin.
Ma note : 92 – Moyenne des dégustateur : 89.93

Arvine 2008, Grain Noble, Darioli – vin encore en élevage
Robe à reflets dorés. Nez un peu sur le champignon. Difficile à goûter à ce stade mais il se précisera et gagnera en clarté à l’élevage En revanche, la bouche est très intéressante, grande liqueur avec un merveilleux dynamisme. Il finit sur des notes d’agrumes très pures et une impression de salinité. Un grand potentiel.
Ma note : 90 + –  Moyenne : 88.20

Cœur de Clos des Corbassières 2005, Cornulus, Grain Noble
C’est le vin de mise en bouche : le nez est fin, crème pâtissière, notes fleurs blanches. Très belle bouche, grasse, avec un léger manque de tonicité, belle liqueur. La finale est expressive, longue.
Ma note :  90 – pas de moyenne des dégustateurs (vin de mise en bouche)

Vent d’Ange 2008, Darioli – vin encore en élevage
Robe à légers reflets orangés. Notes boisées, le nez n’est pas expressif avec un léger côté soufré. Difficile à juger en l’état, ce vin, à la finale expressive, soutenue, offre une très belle trame dynamique. Il va donc « monter » à l’élevage.
Ma note : 90  –  Moyenne des dégustateurs : 89.8

Ermitage 2007 Merle des Roches, Domaine du Mont d’Or
Nez très typé marsanne, notes truffées, fleurs blanches, acacia.  Corps élégant, d’une liqueur mesurée, avec beaucoup de finesse dans l’expression. Une réussite !
Ma note : 90  –  Moyenne des dégustateurs : 90.06

Arvine 2008, Grain Noble, Cave la Liaudisaz – vin encore en élevage
Robe à légers reflets jaunes. Notes de vanille, pêche confite, verveine. C’est élégant, pur. Très fruits exotiques en attaque de bouche, il déploie une agréable vivacité qui contrebalance une liqueur assez importante. Belle finale expressive, assez longue. Du tonus et du potentiel sur ce vin.
Ma note : 89-91  –  Moyenne des dégustateurs : 87.07

Assemblage Polymnie 2008, domaine des Muses – vin encore en élevage
Le nez est discret, notes boisées. Il offre un beau dynamisme en bouche. C’est assez fin, nuancé. Il finit sur des notes d’agrumes, de fruits acidulés. Finale avec une certaine énergie.
Ma note : 89  –  Moyenne des dégustateurs : 90.33

Amigne Grain Noble 2008, Cave des Tilleuls – vin encore en élevage
Robe dorée. Nez très « champignon » à ce stade, mais il gagnera en définition. Grande liqueur. Très belle texture consistante. Sans doute, pourra-t-il être noté plus haut à la fin de l’élevage.
Ma note : 89  –  Moyenne des dégustateurs : 88.13

Arvine Noblesse 2008, Gérard Dorsaz – vin encore en élevage
Robe à reflets dorés. Le nez n’est pas très expressif. Belle bouche, avec du volume, une liqueur moins importante qu’attendue, très dynamique, très agrumes confits, il finit sur des notes citronnées, assez vives, avec un côté percutant. Le vin n’est pas encore totalement en place mais le potentiel est là !
Ma note : 89  –  Moyenne des dégustateurs : 89.80

Malvoisie 2006, Grain Noble, Domaine du Grand Brûlé
La robe offre des reflets dorés assez soutenus. Le premier nez est un peu lourd, toffee, caramel, côté confit ;  notes de fruits secs à l’ouverture ; la bouche est grasse, ample, avec du volume, mais un léger  manque de verticalité. Très belle richesse de constitution, il est assez explosif en finale sur les arômes.
Ma note : 89  –  Moyenne des dégustateurs : 87.82

Ermitage grain Noble 2008, Cave La Liaudisaz – vin encore en élevage
Le nez est intéressant, avec une certaine complexité. Très jus d’ananas à l’entrée de bouche, expressif, mais encore très primaire ; un peu linéaire à ce stade, il séduit par son côté presque exotique. Jolie finale. L’ensemble a beaucoup de charme,
Ma note : 88  –  Moyenne des dégustateurs : 87.33

Ermitage 2007, Grain Doux, Collection, les Fils de Charles Favre
Robe dorée. Beaucoup de bois, qui le masque un peu. Notes d’abricot, l’ensemble est assez linéaire. On a un certaine finesse au nez, davantage même de profondeur qu’escompté au nez, jolie bouche avec une liqueur bien intégrée. Un certain dynamisme apparaît sur la finale C’est pur, C’est droit.

Ma note : 88  –  Moyenne des dégustateurs : 86.59

Ermitage 2008, Volupté, Cave du Vieux Moulin
Jolie couleur à légers reflets dorés. Nez expressif, pur, floral ; belle bouche, notes d’abricot, amandes douces, très beau développement. On a une belle  richesse de constitution. C’est ample, généreux, avec une finale expressive.
Ma note : 88  –  Moyenne des dégustateurs : 85.44

Ermitage 2007, Valorine, Frédéric Varone
Robe dorée. Le nez ne s’exprime pas beaucoup de prime abord. Notes maltées, boisées, belle matière en bouche, il finit sur des amers soutenus, fleurs blanches.  Un peu fermé en l’état mais avec du potentiel.
Ma note : 88  –  Moyenne des dégustateurs : 83.25

Ermitage 2007, Grain Noble, domaine du Grand Brûlé
Robe dorée. Le nez paraît un peu « brouillé. » Sans doute est-ce dû à la prise de bois, qui n’est pas idéale. Corps ample, belle liqueur, le vin paraît à ce stade un tout petit peu brut de décoffrage mais sa finale est belle. Il a de la race.
Ma note : 88  –  Moyenne des dégustateurs : 87.69
Moyenne : 87.69

Assemblage, Les Grains Nobles, Rouvinez 2003
Belle robe dorée. Le nez est fin, notes florales discrètes, boisé présent. Un peu dominé par le bois à ce stade. Par une immense complexité. Attaque fine, élégante, c’est un vin d’un bel équilibre, un peu linéaire dans son expression, de facture classique, chaleureux (effet du millésime), avec une jolie présence sur la finale avec des notes d’amandes, d’abricot.  
Ma note : 87  –  Moyenne des dégustateurs : 83.29

Assemblage 2007, Ambrée, Montzuettes
La robe est d’intensité moyenne. Joli nez avec une certaine expressivité sur la mirabelle. Attaque ample, un peu brûlante à l’évolution. L’équilibre est satisfaisant, même s’il finit sur une pointe d’alcool.
Ma note : 86  –  Moyenne des dégustateurs : 88.18

Malvoisie 2008, Grain Noble, Cave des Tilleuls – vin encore en élevage
Robe dorée. Belle attaque, de la finesse, notes un peu exotiques, de la fraîcheur, style un tout petit peu variétal, plus confit que botryisé, et finit sur la sucrosité. Il manque un peu de complexité mais il faut le replacer dans son millésime.  
Ma note : 86  –  Moyenne des dégustateurs : 83.67

Assemblage 2007, Grain de Malice,  Provins
Robe dorée soutenue. Nez brouillé par un botrytis manquant de pureté. C’est gras, ample, belle matière, liqueur importante, notes d’épices orientales. Finit un peu pâteux, sur un sucre « collant ».
Ma note : 86  –  Moyenne des dégustateurs : 89.44

Johannisberg 2008, St-Martin, Mont d’Or
Joli liquoureux, suave, fondant. La bouche est équilibrée, stylée mais avec un léger manque de vibration finale.
Ma note : 87  –  Moyenne des dégustateurs : 86.56

Amigne Mitis 2007, JR Germanier
La robe présente des reflets dorés. Nez fin, floral, notes anisées, intensité et complexité moyennes. Très fruits exotiques à l’entrée en bouche, jolie texture, il ne se déploie pas complètement, c’est un vin équilibré, bien fait, mais manque de caractère et la persistance est moyenne.  
Ma note : 85  –  Moyenne des dégustateurs : 84.12

Johannisberg 2008, Larmes de décembre, Thierry Constantin.
Robe ambrée, manque de franchise au nez, volatile présente. Pas net. Un peu dissocié au palais, acidité/liqueur, manque d’unité. Finale sur l’abricot. On a une certaine vibration à ce moment-là mais il n’est pas exempt de défaut.
Ma note : 84  –  Moyenne des dégustateurs : 86.47

Ermitage 2007, Grain Noble, Philippoz – vin encore en élevage
Robe à reflets légers dorés. Notes maltées. Fruits confits. La bouche est très marquée par l’élevage avec une prise de bois asséchante. Difficile à juger en l’état. Il finit serré, sur la constriction.
Ma note : 84  –  Moyenne des dégustateurs : 82.13

Ermitage 2005 Grain Noble, Philippoz
robe dorée. Le nez est lourd, boisé, manque de finesse dans l’expression aromatique. Pointe ascétique. Très crémeux, très crème anglaise à l’attaque, notes de caramel, c’est entêtant. La liqueur est là mais il finit brûlant. Pas en place, un peu opaque.
Ma note : 84  –  Moyenne des dégustateurs : 85.71

Assemblage 2004, Cuvée d’Or Charles Bonvin et fils
Robe à reflets dorés. Le nez est étrange de prime abord. Notes de fruits jaunes au caramel. Pas absolument franc dans son expression : problème de bouchon ? Corps ample, très caramel lactique, la bouche n’a pas une grande forme. La matière est riche, opulente, mais le vin va un peu dans tous les sens.
Ma note : 84  –  Moyenne des dégustateurs : 85.06

Assemblage 2007, Marsaline, Cave Saint-Michel
Robe intermédiaire à reflets jaunes. Nez assez linéaire, pas beaucoup de profondeur. Jolie attaque, c’est équilibré, sans grand développement, peu de vibration sur ce vin, qui reste très simple. Finale quelque peu évanescente. Sucre pâteux.
Ma note : 84  –  Moyenne des dégustateurs : 82.35

Assemblage 2008, Lauberflôte, Weinschmiede
Robe un peu pâle. Le nez manque d’intégrité. Pas très excitant. La matière première est petite, avec du bois plaqué dessus, on a de la fraîcheur mais le profil aromatique n’est pas pur.
Ma note : 80  –  Moyenne des dégustateurs : 84.18

Assemblage 2008, Grain de Malice, Provins

Marqué par un mercaptan de bois, ce vin est difficilement dégustable. Deux bouteilles ouvertes présentent le même défaut. Dommage car la matière première est belle avec un corps assez ample, une agréable vivacité, même si l’ensemble paraît plutôt linéaire dans son expression finale.
Ma note : 80  –  Moyenne des dégustateurs : 78.59