De la finesse ?
Côtes-du-Roussillon Villages, Coume Marie, La Préceptorie de Centernach 2007 : Grenache 70%, carignan 10% et syrah 20%. Peu expressif et opaque au premier nez, c’est un vin foncé, à ce stade le bois serre un peu la bouche et les tanins. Il possède néanmoins un véritable fond, malgré son corps replié. Et surtout, il se dégustait mieux le lendemain, solaire, puissant, conforme à l'expression des terroirs de Maury.
Collioure rouge, Schistes, La Coume del Mas 2008 : Excellente définition aromatique du fruit, expression tannique douce, avec un « goût de schiste » affirmé. Un jus imposant mais frais, de belle texture. Vin de style, qui démontre que le travail en réduction et cuve peut être maîtrisé. Bravo !
Côtes-du-Rhône, La Mémé, Domaine Gramenon 2008 : Nez poivré, expressif, mais flirtant avec l’oxydation (et non l’oxydatif). Beaucoup de gaz, qui durcit les tanins juste mûrs. Bouche croquante et de demi-corps, allonge aromatique, qui porte le vin sur une finale aux notes un peu "limites". Le millésime était difficile dans la vallée du Rhône, et le domaine a sans doute fait de son mieux. Soyons indulgents, car en beau millésime, ce vin peut être prodigieux de grâce et race.

Cannonau di Sardegna, Giovanni Cherchi 2005 : Aromatiquement évolué, avec un style un peu "italien old-school" : vin assez avancé dans l'expression (goudron, épices, terre mouillée), vinifié et élevé sans doute avec les moyens du bord, mais manquant de précision, tanins granuleux. A boire sur une cuisine rustique.
Cannonau di Sardegna, Carnevale, Giuseppe Sedilesu 2007 : Nez profond, légère note de poudre de riz qui rappelle l'élevage, présent mais pas caricatural. Bouche riche, élevée, tanins serrés, ensemble solaire mais frais (les vignes sont cultivées en bio au point le plus haut du vignoble, 700 m. d'altitude). Vin sérieux et de garde !

Vacqueyras, Vieilles Vignes, Tardieu-Laurent 2007 : 85% grenache et 15% syrah. Nez fumé et boisé luxueux, plutôt touffu. Tanins lisses et travaillés, suavisés par le fût, corps massif, qui l'emmène sur une finale de jeunesse carrée et ferme. Il faudra l'attendre, mais il y a du vin !


Châteauneuf-du-Pape, Château Rayas 1998 (bouteille issue des caves du domaine) : Très « laurier » au premier nez, évoluant sur la menthe, le cèdre, les cerises à l'eau de vie et même la truffe. Bouche épicée, sans poids, profonde dans la saveur et l'expression. Elle n’est pas grande dans la corpulence, mais plutôt dans l’allonge aromatique, vin difficile à cracher. Sans toucher au grandiose (souvenirs des 1995 et 2000), c'est un très bon Rayas, pleinement lui-même, en fait.

Rivesaltes sur Grains, Domaine Boudau 2007 : Une bombe de fruit gourmande, sur la myrtille, la vanille (pas de bois) et la crème de mûre. Goût à la fois acidulé et riche, vin rond, croquant, pas trop chaud. Vinifié avec précision, voilà un très bon « grenat ». Et quand on connaît son prix…
Maury, Hors-d'Age, Domaine Pouderoux : Moins éclatant et défini dans les arômes que le précédent, il faut en fait se re-paramétrer l’olfaction pour apprécier à sa juste valeur une palette oxydative après une palette fruitée. La bouche est très intéressante, subtile, complexe, un peu vive mais goûteuse, sur la date et la prune. C'est long et séveux, très savoureux.
Un grand merci, pour finir, à tous les gens qui m’ont aidé à préparer ce cours, et notamment à Philippe Gard (Coume del Mas), Bernard Sapéras (Vial Magnères), Thierry Faravel (Domaine de la Bouïssière) et enfin mon collègue Serge Pulfer, qui nous a enrichi de ses connaissances sur la Sardaigne, une île à laquelle il est très attaché.
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Rayas 98 n’est pas exceptionnel (je veux dire, comparé à d’autres Rayas, et aussi en fonction de la réputation du millésime).
J’aime bien la saveur et l’équilibre des cuvées mutées de Pouderoux.
Un très bon vin bu récemment :
Cannonau di Sardinia Perda Rubia Rosso Classico 1985
Et une surprise agréable (dans l’esprit Reynaud) :
Barossa Valley Rusden "Christine’s Vineyard" Grenache 2006
Beaucoup aimé Les Cailloux Centenaire 90 (et aussi Gramenon Ceps Centenaires 90, ayant formidablement bien vieilli).
Merci Nicolas pour ces commentaires dans lesquels je me retrouve sur de nombreux points. Quelques remarques personnelles :
Cuvée centenaire 90, sans chercher à déjuger les commentaires élogieux qui ont été fait sur ce vin, je trouve que les perceptions rédhibitoires de « brett » écrasent la saveur et les arômes de la finale. Dommage, car en bouche sa plénitude et sa patine sont remarquables.
Sur Rayas 98, après les critiques que j’ai pu entendre ou lire de-ci de-là sur ce millésime, je dois dire que j’ai été très agréablement surpris par sa belle qualité. Ce vin serait’il en train de se réveiller ?
J’ai globalement bien apprécié la série des Cannonau, avec une mention spéciale pour Giuseppe Sedilesu. Une vision globale du grenache assez singulière, avec de haute acidité et un alcool peu perceptible.
Pour finir, l’équilibre sucre/acide/alcool/rancio du Maury de Pouderoux m’a transporté. Grande harmonie, douce onctuosité, fraicheur ciselée… une vraie gourmandise !
Oui, Pouderoux, grande harmonie (équilibre, gourmandise fruitée, n’en déplaise aux zélateurs de vintage portugais) …
Noter que Font de Tonin 1998 est probablement aujourd’hui dépassé (dégustation du 3/2/2010)
(65% Grenache, 25% Mourvèdre, 10% Syrah)
Le vin était meilleur plus jeune.
Je vous avait prévenu pour le Rayas 98 mais vous n’étiez pas à ce que je vous disais ! Il y a 4 ou 5 ans, Reynaud préconisait 36 heures d’ouverture et j’avais – déjà – goûté ça très bon.
Je ne connaissais pas l’historique de Rayas et je crois absolument que le millésime souffre fondamentalement de l’image mentale que certains se faisaient du passage de témoin et de ce qu’ils considéraient comme un premier millésime pour Emmanuel Reynaud.
Je n’irais pas jusqu’à souligner une certaine condescendance mais tout de même … Oubliaient-ils depuis combien de temps il se trouvait dans les pas de Jacques et les années passées à vinifier avec talent au Château des Tours.
Nicolas, tu me donne envie d’ouvrir un vieux Grenache. C’est donc réussi non ?
Paul,
Je pense que le neveu fait mieux que l’oncle, avec des vins encore plus affinés.
Clos des Papes 98 m’a également déçu à plusieurs reprises, carafé ou non.
Il y a peut-être une image mentale derrière l’idée que les CDP98 sont tous sublimes (idem pour les Languedocs 98, dont la sortie fut accompagnée de louanges disproportionnées).
Paulo,
J’ai parfaitement entendu ce que tu me disais sur le Rayas 98, je n’attendais plus que de le goûter. C’est toi qui doit être à ce qu’on te dit !
Peut être, sans doute, que dans une verticale, ce 98 dénote, et encore. Mais pris pour lui, c’est un très bon vin. Et encore une fois, j’apprécie surtout qu’on aie bien la personnalité et le style Rayas, dès ce faux "premier" millésime d’Emmanuel.
Laurent,
si tu trouves Tonin 98 fatigué, alors essaie plutôt un 2001. Jamais un Gigondas ne m’a tiré autant d’épithètes élogieux.
Bon, par grande honnêteté, Thierry avoue que par le passé, il a sans doute parfois péché par excès de zèle dans les maturités et le bois. Il en est beaucoup revenu et en revient encore. C’est un vigneron très intelligent, et qui se pose beaucoup de questions. Le rencontrer est précieux, tant son ouverture d’esprit et sa culture du vin est "nourrissant". Il faut le suivre, car c’est un des derniers à croire en la vendange entière sur l’appellation. Et quand il réussit, c’est très très beau. 2009 très prometteurs, et pas si chauds que l’on pourrait le penser.
Nicolas,
Gigondas n’est pas châteauneuf …
Ok pour le 2001 sachant que j’ai été bluffé récemment par un très beau Gigondas Piaugier 2006.
Laurentg dit
Nicolas,
Gigondas n’est pas châteauneuf …
Encore heureux ! Sinon je ne verrais pas le besoin de différentes AOC ! Les géologies et pédologies n’ont rien à voir, les micro-climats également, surtout en montant vers les dentelles pour Gigondas, zone tardive. J’aime les deux appellations, pas plus l’une que l’autre, très franchement.
Je trouve les châteauneufs en moyenne bien supérieurs aux Gigondas : des vins plus pleins, plus équilibrés, aux tannins plus fins, à la longévité accure.
Les Châteauneufs "en moyenne plus équilibrés" ?
C’est une blagounette du vendredi en avance ?
Si les Gigondas souffrent parois de défauts de matière en regard des élevages qu’on leur adosse, mais tant de Châteauneufs sont mangés par des boisés outrageants et des maturités putassières que je n’aurait jamais pensé entendre ça … Ca pour être pleins, ils le sont ! Ils débordent même …
Les cycle de maturation des Gigondas souvent plus étiré et les micros-climats si variés permettent de beaux assemblages et qq mises parcellaires de haute tenue. Concernant les durées de vie je n’ai pas l’expérience nécessaire pour en juger.
Paul,
J’ai goûté pas mal de vins des 2 appellations, plus ou moins jeunes, et je confirme mon point de vue.
Pour le boisé surdimensionné, la lourdeur sucrée et crémeuse (et en même temps une certaine et paradoxale sécheresse), la saturation aromatique (chêne, bourbon), je renvoie à nombre de vins de Priorat (il y a quelques exceptions heureusement, respectant une fraîcheur minimale).
Lu d’ailleurs avec intérêt le commentaire de Nicolas sur la production de René Barbier.
Les meilleurs vins issus de grenache (en vin rouge) sont dans mon expérience sur Châteauneuf (finesse de grain, qualité et variété aromatique, longévité).
J’ai moins de satisfaction avec les vins du Roussillon et surtout de Provence (ainsi que sur les appellations satellite de Châteauneuf).
Sur les grenache "séchés", au delà du bois, il faudrait peut-être voir également du côté de la porosité du bois neuf corrélée la propension naturelle du grenache à l’oxydation. A l’inverse de la syrah, cépage réducteur, il est fragile à l’air. Dans le fascicule que j’ai laissé aux participants du cours, j’expliquais justement – qu’un moût non protégé par le So2 brunit rapidement à l’air libre. Initialement, son jus présente une teinte plus jaune que la syrah, le mourvèdre et le cinsault. Après une saturation à l’air, la couleur jaune des moûts croît rapidement. Cette sensibilité est probablement due à sa composition particulière. Des analyses récentes réalisées par l’INRA de Montpellier montrent qu’il est faiblement pourvu en glutathion, un composé qui, dans le moût, joue un rôle antioxydant en « piégeant » les composés phénoliques et évitant ainsi les réactions en chaîne de brunissement (les oenologues diraient d’ailleurs des choses encore plus fines et détaillées sur le sujet que moi) -.
C’est aussi, et peut-être cette caractéristique qui a incité historiquement les producteurs de vdn catalans à privilégier les profils oxydatifs plutôt que réductifs (rimage) qui n’existaient pas ou très peu avant que le domaine de la Rectorie ne démocratise ce type fruité. Et, je signale, pour l’avoir vu en photos N&B chez Vial Magnères, que le foulage des raisins en comportes en bois transportées à dos de mulet commençait dans le vignoble, après cueillette. L’oxydation était donc hâtée !
C’était bien un grenache dégoupillé 🙂