C’est d’ici, juste à côté, de St-Malo que partirent durant deux siècles les corsaires dans le ravissement de la mer et l’attrait du grand large. « c’était un temps déraisonnable/on avait mis les morts à table ! » On échangeait une vie contre une cargaison. Nombreux sont ceux qui revinrent les bras chargés d’ors et d’épices, la mine féroce, l’œil tendre de tant de beautés amassées. J’ai longtemps cru que le corsaire avait affaire avec la Corse : en fait, ce dernier est d’abord un coureur des hauts fonds. Avec son équipage et sa frégate carénée comme un oiseau de proie, il course les autres navires, les arraisonne pour s’emparer de leur butin. En « toute légalité »…Sous le règne de Louis XIV, qui prélevait allègrement sa dîme, 900 bâtiments quittèrent St-Malo pour s’emparer de près de 7000 navires sur les mers du globe. En tenir le registre fut, pour ces pirates autorisés, ces traiders des portulans, la manière obligée de s’en dédouaner. C’est ainsi qu’on en connaît le registre. D’autres, dès le XVIème siècle, partaient chaque année de ces côtes, sur de solides goélettes, les flancs lestés de sel, rejoindre Terre-Neuve pour y embaquer la morue. Des paysans de la terre malouine qui, quatre mois l’an, se transformaient en marins-pêcheurs, se guidant aux étoiles, aux cris des oiseaux, aux risées de l’eau, à la boussole aussi parfois. La mer sait se montrer généreuse à ces dos courbés vivotant sur leur lopin de la vallée de la Rance. Plus prodigue en tout cas que la terre ingrate.
La baie de Cancale continue à dispenser ses prodigalités à toute une flottille de pêcheurs et cueilleurs de l’estran et des vasières, sans parler de l’ostréiculture et de la culture des moules. C’est un moment privilégié pour l’amateur, que je suis, des produits de la mer.
Nous dînons ce soir au château de Richeux, splendide manoir qui surplombe la baie à quelques km de Cancale. Le lieu fait partie des maisons de Bricourt de Jane et Olivier Roellinger et propose dans une ambiance très détendue et pas du tout chichiteuse un « grignotage de la mer » au rapport prix/plaisir absolument impeccable. On ne s’y trompe pas et l’on s’y presse nombreux par larges tablées pour goûter au grand choix de la baie :
Tartare de daurade aux herbes du potager (selon une recette de Paul Minchelli)
Palourdes persillées sous le feu
Petites pommes de terre nouvelles et lieu fumé au jardin (une découverte !)
Douze huîtres creuses de la Baie
Tartelette de tomates et sardines au vinaigre celtique
2ème service
Blanc de barbue sur les braises et mousseline estragonnée
Solettes dorées, pommes de terre écrasées et citrons confits (la pêche des solettes n’est autorisée que dans la baies de Cancale)
Beignets de seiches à la fleur de sel et chutney de tomates
Moules au curry corsaire
Les classiques petits farcis de crabe gratinés (si vous aimez le crabe, courrez-y !)
Le tout accompagné d’un Anjou blanc 2004 Clos des Rouliers de Richard Leroy, vin riche, notes de coing, mirabelle, beaucoup d’extrait sec avec une belle ligne de fraîcheur.
Je vous passe la description de la "Roulante des gourmandises" : les becs à sucre y trouveront certainement leur compte. Compter 58 euros par personne.
5 Comments
Très beau déjeuner pour moi (mais à marée basse) il y a quelques jours (tartare de daurade, bar au bouillon à la cuisson et aux saveurs parfaites, chariot de desserts dont un Paris-Cancale à la pistache succulent).
Le tout arrosé d’un superbe Sancerre Culs de Beaujeu de F. Cotat 2006 (47 euros, je crois).
Et un verre gourmand sur le dessert : VdT René Mosse Achillée 2008 (Cabernet franc et sauvignon, Grolleau gris et noir et Gamay), rosé proposé par le sommelier avec un soupçon de sucre (le vin, pas le sommelier), intéressant avec ses goûts de prune rouge et de grenadine.
J’aime ce lieu magnifique.
On pourra toutefois regretter que le salon de thé et la boutique aux épices de Cancale soient fermés les mardi et mercredi, en pleine saison (noter que certains produits peuvent en ce cas être achetés au manoir Richeux).
Laurentg, ce paysage, ses embruns, la cuisine de Roellinger me manquent… Bref, j’adorerais retourner dans le beau pays maloin !
J’y vais moi 2 fois par an …
Ce fut cette fois l’occasion de jeter un oeil à une exposition artistique :
kougibo.blog.lemonde.fr/2…
Et le gastronomique n’existe plus.
Sera-t-il repris ?
http://www.slate.fr/story/8991/l...