Je sillonne cette région depuis pas mal d’années. Toujours avec la même passion, un certain enchantement même. Oui, j’aime ces gens, leur sobriété, leur amitié distante et, surtout, le rythme du temps, pulsé différemment, un brin hallucinant peut-être, mais profond. Sans vanité. Juste cette durée palpable. Son côté aérien aussi.
Jacques Puffeney, Montigny-les-Arsures, le 30 janvier 2009. Photo Armand Borlant
Vin anachronique, vin d’éternité
De toute façon pour produire de tels vins, il faut vivre dans cette durée. Imaginons cette fiction : un jeune vigneron réussit à faire l’acquisition d’une parcelle vierge située sur l’AOC Château-Chalon (89 ha au total). Il plante sa vigne, effectue ses premières vendanges. Le décret d’appellation l’autorise, si la vendange satisfait aux conditions fixées par ce dernier (rendement, degré minimal, etc) à revendiquer l’appellation Château-Chalon dès la deuxième année. Mais notre vigneron a d’autres ambitions et préfère attendre encore quelques années. Viendra ensuite la période de l’élevage sous voile (6 ans et 3 mois minimum). Dans le meilleur des cas, il ne pourra commercialiser sa première bouteille de Château-Chalon avant une bonne dizaine d’années…
De toute façon pour produire de tels vins, il faut vivre dans cette durée. Imaginons cette fiction : un jeune vigneron réussit à faire l’acquisition d’une parcelle vierge située sur l’AOC Château-Chalon (89 ha au total). Il plante sa vigne, effectue ses premières vendanges. Le décret d’appellation l’autorise, si la vendange satisfait aux conditions fixées par ce dernier (rendement, degré minimal, etc) à revendiquer l’appellation Château-Chalon dès la deuxième année. Mais notre vigneron a d’autres ambitions et préfère attendre encore quelques années. Viendra ensuite la période de l’élevage sous voile (6 ans et 3 mois minimum). Dans le meilleur des cas, il ne pourra commercialiser sa première bouteille de Château-Chalon avant une bonne dizaine d’années…
Une (petite) partie du GJE chez Jacques Puffeney. Photo Armand Borlant.
Nous avons été sidérés par son Vin Jaune 1988 Long élevage mais aussi par son extraordinaire Vendange tardive de Savagnin 2003 !
Les affres du banquier de Château-Chalon
Et que fera son banquier pendant ce temps ? Il aura traversé cinq fois la planète, en long et en large, se sera énervé à de multiples reprises parce que la liaison wifi est instable (surtout dans la région d’Arbois), aura changé de BlackBerry, de modèle économique et (peut-être) de femme. Tous, nous espérons toutefois qu’il connaîtra une autre forme de révélation, voire de rédemption, en dégustant, un jour, beaucoup plus loin dans le temps, le Château-Chalon de son jeune « protégé » !
Cave du domaine Jean Macle, Château-Chalon.
J’y pensais, lors de la très belle dégustation que nous avait préparée Jean Macle. Lumineuse matinée d’un dernier jour de janvier.
Nous goûtons le Château-Chalon 2000 (toujours aussi sublime, quasi perfection), le Château-Chalon 1999, élancé et légèrement miellé, d’une remarquable profondeur également, le Château-Chalon 1987, plus réservé, avec moins de noblesse, « minéral » se prononce Jean Macle qui semble crainte que cette « minéralité » n’augmente à l’avenir sur ce vin. On poursuit sur un très joli Château-Chalon 1982, très délié dans sa texture, généreux, assagi, mais avec moins d’extrait sec que les meilleurs. Puis cet autre vin sublime : le Château-Chalon 1983, fruits secs, épices orientales, grandes notes ambrées, carbonifère, cédrat confit, agrumes. On revient plus près de nous avec le Château-Chalon 1988 sur des notes de créosote, livèche, curry doux et noix et un corps sphérique, presque accompli.
On termine ce voyage initiatique avec le Château-Chalon 1976. Grand millésime, grande garde. Le vin a somptueusement évolué. Notes finement miellées, pain d’épices. Grande texture dans un style opulent, généreux et une finale qui demeure parfaitement tranchée malgré sa richesse de constitution.
Nous goûtons le Château-Chalon 2000 (toujours aussi sublime, quasi perfection), le Château-Chalon 1999, élancé et légèrement miellé, d’une remarquable profondeur également, le Château-Chalon 1987, plus réservé, avec moins de noblesse, « minéral » se prononce Jean Macle qui semble crainte que cette « minéralité » n’augmente à l’avenir sur ce vin. On poursuit sur un très joli Château-Chalon 1982, très délié dans sa texture, généreux, assagi, mais avec moins d’extrait sec que les meilleurs. Puis cet autre vin sublime : le Château-Chalon 1983, fruits secs, épices orientales, grandes notes ambrées, carbonifère, cédrat confit, agrumes. On revient plus près de nous avec le Château-Chalon 1988 sur des notes de créosote, livèche, curry doux et noix et un corps sphérique, presque accompli.
On termine ce voyage initiatique avec le Château-Chalon 1976. Grand millésime, grande garde. Le vin a somptueusement évolué. Notes finement miellées, pain d’épices. Grande texture dans un style opulent, généreux et une finale qui demeure parfaitement tranchée malgré sa richesse de constitution.
38 Comments
Asperge au thé, bouillon Yunnan d’or
Château Chalon 1995 J. Macle
Un beau plat (merci JPh !) et un grand vin (agrumes, froment, pain d’épices, gentiane, gingembre), encore très jeune.
Elle est belle cette cave voûtée …
In ne devait pas y faire très chaud.
Jean Macle, l’homme au collier de barbe
Vous semblez avoir définitivement troqué votre stylo contre un Power book en toutes situations …
laurent
Tant que personne ne lui renverse du vin dessus !!
Et oui ! Très pratique le Mac dans les caves (enfin, ça dépend où…) : les notes de dégustation sont tout de suite utiiisables mais ça peut être dangereux si quelqu’un le confond avec un crachoir (ça m’est déjà arrivé à Bordeaux !).
( … La truffe, la truffe. Ils n’ont que ce mot à la bouche. Rien ne vaut la "tête de nègre"(les goûts et les couleurs)).
Toujours un plaisir de parcourir ce blog très enrichissant.
Merci Jacques.
Rencontré – hier au salon des vins de Loire – Marc Olivier, du domaine de la Pépière, en Muscadet : une sorte de chêne barbu façon « force tranquille » qui ne ferait pas pale figure à coté de J. Puffeney.
Un grand monsieur au top de sa région, mais bourré d’humilité et de simplicité. Parait il qu’il offrait à ses bons clients, en lousedé derrière le « comptoir », une fameuse terrine de bécasses. Je dis ça je ne dis rien.
Mais si un jour il prend au GJE la folie d’aller traîner ses guêtres en pays nantais, je tiens à la dispo de Jacques ou de Monsieur Mauss quelques adresses vigneronnes pas piquées des hannetons.
Car là bas aussi, on sait vivre et se tenir fort. (et accessoirement ils n’ont jamais autant produit de grand blancs qu’à ce jour… oui j’ai bien écrit « des grands blancs »… que celui qui a envie de sourire tente l’expérience de la dégustation à l’aveugle, je m’occupe de sélectionner les bouteilles).
Mais bon, un rdv en beaujolais est déjà prévu, et je ne l’oublierai pas. (je dis ça pour le président – lorrain – du GJ… toujours rafraîchir les mémoires, c’est très sain parait il).
Le Château-Chalon 99 dégusté à la percée 2007 reste un grand souvenir.
Le 2000 est-il encore plus sublime encore?
Il y aussi de grands Xeres de derrière les fagots dans les bons bars de Séville.
Nicolas,
Bu pendant le tempête un vin bluffant :
Muscadet de Sèvre et Maine sur Lie : Domaine André et Michel Bregeon « Gorgeois » 1998
(tir groupé à 16/20 pour 6 dégustateurs).
Imaginé un Sancerre Monts Damnés de Cotat, c’est dire !
Il y avait aussi un beau Granit 2006 de Bossard.
Souvenir aussi d’un scintillant Muscadet 1982 de Luneau-Papin bu aux Pesked à St-Brieuc en 2004 (judicieux conseil du sommelier).
Laurent, si tu me lisais plus souvent tu "saurais" pour les vins de Michel Brégeon. Goûte son 93 ou son 96, tu m’en diras des nouvelles, ça "meursaulte" sévère.
Sinon, si tu trouves les grandes cuvées de Jérémy Huchet, dont sa vigne de 1914 sur amphibolite ou son Granite de Château Thébaud, tu ne devrais pas rester… de marbre.
Les vins de Pierre Luneau sont bien faits mais un peu trop bridés par le soufre à mon goût dans la jeunesse. Toutefois, un grand L d’Or de 10 ans reste quelque chose de marquant.
Nicolas,
Je te lis quand toi tu ne me réponds pas (sur gje) 🙂
Dans une série de muscadets 2002, pas aimé le 2002 de Brégeon, encombré de soufre. Il est sur Gabbrot, roche éruptive non volcanique (3,4 euros !).
Aimé en revanche Landron (ce n’est pas un scoop), les frères Couillaud clos du petit château 1ère cuvée du clos, Claude Branger les gras moutons (mais pas la cuvée Haute-Févrie), Pierres blanches VV Hermine d’Or de Luneau-Pain, Gadais VV).
Si cela meursaulte à la Coche, cela me va !
Bonjour à toi Daniel qui hante l’Espagne ! Le Château-Chalon 1990 est remarquable également, avec un peu moins d’éthanal, quoiqu’un tout petit cran (mais très léger) au-dessous du 2000, franchement sublime.
Bravo pour ton article sur "Escuchando la piedra" et sur Eduardo Chillida. On peut rêver de ceci : contempler ces sculptures et déguster un grand Château-Chalon accompli !
Nicolas,
Appparement, tu as contribué à affoler Jérôme Perez, qui semble vraiment rassuré par les compartiments … 🙂
(et qui reste toujours aussi donneur de leçons, allant même jusqu’à se sentir obligé de donner des conseils de maniement des âmes à Jacques : philantropie inversée :-))
Au passage, si l’on est intéressé par des commentaires détaillés et récents sur les vins de Stéphane Tissot (sur 2004 et 2005), voir ici :
http://www.invinoveritastoulouse...
http://www.invinoveritastoulouse...
Et pour Marie et Fredi, j’ai même ceci (qu’ils veuillent bien me dire ce qu’ils pensent de la qualité de la traduction) :
66.102.1.101/translate_c?…
Jacques,
Abordé Lacan hier soir (et aussi Ibsen, Bergman et quelques autres) lors d’une conférence sur le drame des sexes (Sylvian Agacinzki).
J’hésite à me lancer dans un rebond terminologique.
Merci pour cet espace de liberté où souffle l’hédonisme, la culture, la transversalité, le doute aussi, …
Au fait, cela donne quoi en allemand (avec photos) ?
74.125.77.113/translate_c…
PS : Nicolas connaît bien ces zones et en a sa propre analyse.
Gentiment : les Kapos de pacotille, qui vous reprochent une digression en omettant de donner leur propre avis sur la question ! 🙂
(Lavaux son pesant de cacahuètes, dirais-je !).
Cela dit, LPV reste une zone où interviennent de nombreux passionnés passionnants (et aussi quelques spécialistes de la spécialité qui tragiquement pères sévères !).
Laurentg,
Ne mettez pas trop d’espoir en ces outils de traduction automatique. Prenez par exemple la phrase "Nicolas connaît bien ces zones et en a sa propre analyse" que vous ferez traduire en anglais. Puis récupérez le résultat de la traduction que vous ferez traduire à nouveau en français. Vous comprendrez toute de suite les limites de tels systèmes.
Ah oui, Laurent ? Et elles sont dispensées où ces leçons de "maniement des âmes" ? En taxi parisien ? J’ai connu cela du vivant de Lacan. Les deux Jacques (lui et moi) fûmes d’ailleurs associés dans un article paru dans le Monde. Mais Lacan, même s’il adorait les grands restaurants, ne prisait guère les vins du Jura ou le Muscadet. On peut le dire aujourd’hui car il y a prescription : il préférait largement la "petite eau". Allez savoir pourquoi !
Laurent, laisse Jérôme P. où il est, il y est bien, dans son jus, il baigne… 😉
L’important c’est ce que tu penses toi !
La vie est trop courte pour se focaliser sur des « ralentisseurs » et autres « dos d’ânes »…
Trouve toi les Muscadets de J. Huchet et M. Olivier et goûte les !
Jacques, dirait-on de Jospin qu’il est le Monsieur Agacinsky à la ville? Pourquoi le dire? Cela n’apportes rien.
Jacques,
Impasse de l’amour …
Onfray en parle à sa façon, n’est-ce pas Nicolas ?
Il faut voir par ex les récents films : two lovers de James Gray ou Les noces rebelles de Sam Mendes …
Ce doit en effet être étrange de partager la vie de Lionel ! 🙂
Deleuze n’a pas été abordé.
Conférence courte, forcément limitée, abordant le thème au théâtre et au cinéma (cf en particulier le dernier film de Bergman, sarabande, sur la vieilleisse) et échouant à aborder les aspects temporels (c’est quoi l’instinct maternet au 18è siècle ?) et culturels (l’amour dans l’Islam ?).
En revanche, il suffit de regarder autour de soi pour obtenir un diagnostic assez juste, pessimiste, mais lucide (Char !) du lien amoureux dans la durée.
Lucy Vincent en parle bien également.
Nicolas,
Je reconnais bien là ton style. 🙂
Je sors d’une petite sauterie toulousaine où des bordelais présentaient leurs vins : Poyferré 2004 tjs bon, comme lors du GJE, Clinet, Latour-Martillac, Beychevelle, Clos Haut-Peyraguey, ….
Oh là Armand, une mouche invisible t’aurait-elle piqué ? Qu’est-ce qui provoque cet agacement ? Et pourquoi ne le dirait-t-on pas, ça serait même très drôle ? Comme si on se mettait à parler de Madame Carla Sarkozy ? Sauf qu’à choisir entre les deux, je préfère infiniment la brillante Sylviane et si je souligne le lien, c’est parce que pense que la contribution théorétique de S.A. à la pensée de son mari a été sans doute très importante.
Oh rien, juste un peu de lassitude qu’on dise qu’elle est Mme Jospin, alors qu’elle est quand même beaucoup plus intéressante que son mari.
Laurent, toujours cette question de la lucidité. Impasse de l’amour ? Voire… Réécoutez Walk On the U2. Une des plus belles chansons.
Bono le disait à sa façon :
And love is not the easy thing
And I know it aches
And your heart it breaks
And you can only take so much
Walk on, walk on…
Léoville-Poyferré bu 5 fois en 2 ans à 17/20, voilà ce que j’appelle être lucide, Jacques … 🙂
J’aime beaucoup ceci :
http://www.youtube.com/watch?v=Z...
"A celles qui sont déjà prises,
Et qui, vivant des heures grises,
Près d’un être trop différent,
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant."
C’est fulgurant !
L’intro devrait plaire aux amateurs d’Audiard (dont je suis).
C’est exactement mon avis, Armand… Un phare contre un falot…
http://www.youtube.com/watch?v=9...
Comment alors expliquer son choix ?
( http://www.youtube.com/watch?v=h... )
J’aime bien Sylviane Agacinski (Mme Jospin à la ville). Altérité, identité, étrangeté, énigme… Mais pourquoi le drame des sexes ? Comment était la conférence ? A-t-elle parlé de Deleuze dont elle fut l’élève lorsqu’il enseignait à Lyon ?
Oui, Heeter
"L’un est l’autre" et "l’amour en plus" …
Un phare et un falot dans un couple c’est déjà pas si mal, voyez chez Hollande/Royal, que des falots, …
Fiat lux, fiat lux !!
laurent
Laurent,
François et Marie-Ségolène, probablement tombés (vois la sugestivité de ce terme) en amour sur les bancs de l’ENA, sont désormais séparés !
Décidément la lucidité, Laurent… à quelle enseigne va-t-elle se loger ? A Poyferré désormais ? Est-elle dans la note ? La constance ? L’itérabilité des sensations ? Et pourquoi faudrait-il tomber en amour. Rêvons d’un monde où l’on puisse dire : s’envoler en amour. C’est possible, si, si…
Et oui, mais l’expression a la peau dure, précisément …
Vous aviez récemment une magistrale citation de Pavese sur l’amour …
PS : Marrant comme ce Poyferré 2004 est constamment satisfaisant : je m’en suis livré à Mme Cuvelier.
Pour l’envol, tout est question de durée : Sacha Guitry en a brillamment peaufiné ses aphorismes, non ?
En parlant de Sylvianne JOSPIN..: "Le sexe est ce qu’il y a de plus profond dans l’homme… euh, dans la femme".
Laurent FABIUS.
"Le sexe, c’est ce qu’il y a de profond chez l’homme et la femme", plus précisément, Donzelle !
Laurent Fabius est divorcé de la productrice Françoise Castro, psychosociologue de formation.
"Pourquoi dans toutes nos langues occidentales dit-on «tomber amoureux»? Monter serait plus juste. L’amour est ascensionnel comme la prière. Ascensionnel et éperdu".
Nicolas Bouvier – le poisson scorpion
Laurentg; sorry for my late reply…The Spanish translation of the tasting is so and so :0) You get the meaning out of it (with a little bit of creative thinking :0) which I believe is the most important, right?
(But then again, my Spanish is not perfect either!)
Merci, Marie
J’espère que nos analyses en Français sur les vins et le style de Tissot sont assez claires … 🙂
A propos des problèmes d’étanchéité du clavier du mac sous l’agression du breuvage de Bacchus (dont coût, pour moi, 1100 euros, suite à un jet d’Amarone, à Vérone), je signale l’existence d’un couvre clavier en silicone, qui répond au doux nom de skin, et qui protège ma nouvelle "bête".