Non, s’il est une ferveur dans ce lieu, c’est la joie, qui excède toute limite, y compris celle du territoire qui l’abrite. Tout est emporté. Tout est excédé. Les vents, la fureur, les digues, le frémissement des lames hors du fourreau, tous auront beau se contraindre, s’allier, composer un étrange et contradictoire paysage, rien n’y résistera !
Eux se contentent d’en sourire. Libres de toute peine, ils ont le cœur gros, dilaté (cum dilastati cor meum), ils chantent et leurs voix se confondent exactement avec la joie qui les étreint.
Ils avaient le culte du bonheur, diront avec une pointe de regret ceux qui viendront après eux.
S’ils viennent.
13 Comments
Je préfère cette joie là à celle, ridicule et vénale, vantée par un gros constructeur automobile.
Ton premier paragraphe ne peut que rappeler un livre sensible d Raspail :
"Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l’Ouest qui n’était plus gardée"
Mais tu es jeune , Grand Jacques : garde les livres de Raspail pour des moments improbables et oubliés avant d’être vécus.
Laurentg : coupe ta TV !
François, j’ignorais jusqu’au nom de cet auteur. Sur ton amicale recommandation, je suis allé voir de plus près ces cavaliers de l’Apocalypse. J’ai lu ceci mais je trouve plus belles les images de la BD qui en a été tirée par Jacques Terpant.
Bon, je cite un extrait parce que moi, ça me rappelle les Bob Morane de ma jeunesse :
"C’est alors que Silve fut frappé par l’extraordinaire perfection sauvage de ces lieux.
Deux pics jumeaux flanquaient de part et d’autre le col du Nord, tours cuirassées de neige gelée, polies par les vents comme un miroir où étincelait le soleil. Recouvert de lichen vert sombre, le haut plateau ressemblait à un océan d’où émergeaient comme des îles magiques quelques rochers noirs isolés. Tout cela d’une pureté glacée, à l’image d’une vierge frigide insensible à la chaleur de la vie, et Silve se prit à penser que le brigadier Vassili, enseveli au milieu de cette majesté glacée, n’était peut-être pas mort pour rien. Que Dieu existe ou non, l’âme d’un chrétien mort irradie, et c’est pour cela que les pays chrétiens, par le poids de leurs milliards de défunts enfouis dans la terre depuis tant de siècles, offrent une douceur incomparable quelle que soit la rudesse de la nature. Vassili et son capitaine, mort lui aussi au col du Nord… Deux âmes ne font pas le printemps, mais tandis que Silve de Pikkendorff songeait, le paysage devenait imperceptiblement moins pesant, moins oppressant.
François,
Coupe les blogs (RP, Leve et tout ce galimatias pour les pies).
Laurentg : ici tu es chez le Grand Jacques.
Sur mon blog, c’est destiné, ce billet en américain, à mes potes de Nesquehoning. Oublie.
Grand Jacques :
Oh que oui que j’ai la BD. Mais, comme pour beaucoup de livres qui ont connu une variante "film", on se rée un tel imaginaire entre lecture et images qu’on en sort très souvent (trop souvent ?) déçu !
Mais quel beau texte !
Et Raspail a écrit tant d’autres belles choses… que n’aime pas du tout ABM : mais ça, c’est une autre histoire…
Jacques, une question me brûle les doigts : pourquoi ce tableau peint pendant une période si tourmentée de la vie du grand Vincent pour illustrer ce billet sur la Joie ?!
Nicolas,
Il y a des pistes chez Nietzsche, assurément.
Une autre question, Jacques: ton billet est une devinette.
Qu’elle est cette contrée, un livre, un mythe, ou réellement une contrée ( du pacifique sud, ….?), ou un mirage de ta belle imagination?
Concernant cette "contrée", chacun pourra y projeter son pays intérieur, Michel. Et pour répondre à ta question, Nicolas, concernant le tableau de Van Gogh, il est, je crois, lié à deux motifs, celui de la giration de la terre autour du soleil (même si ici la lune et les astres ont pris sa place : ils ont l’air d’éclairer comme en plein jour) et, surtout, ce paysage "tourmenté" est un paysage de dilatations, métaphore du phénomène de "joie spacieuse" (dilatatio cordis) qu’évoque déjà l’anthropologie biblique.
Je comprends mieux ainsi, merci !
Ce tableau fut en son temps un des points d’ancrage de l’expressionnisme, manifestation ici par le mouvement, la couleur et la simplification/déformation des traits et perspectives de l’état tourmenté et du regard sur les choses de VVG lorsqu’il était à St Rémy de Provence.
Je trouve cela passionnant…
http://www.liberation.fr/livres/...
François:
Je ne connais qu’un Raspail, celui qui avait pour devise:
"N’embrasser jamais la cause d’un homme, mais toujours celle de l’humanité."
et qui a publié en 1845 son premier almanach : "Manuel de Santé à l’intention des milieux populaires", dans lequel il y donnait la recette d’une Liqueur hygiénique de dessert : la liqueur de Raspail dont la recette est:
pour 1 personne: 4 doigts de Cognac (ou Armagnac)+ 2 doigts de crémant de Loire. Verser directement dans une flute, le Cognac puis le crémant. Agiter doucement avec une petite cuiller. Savourer très lentement.
Le reste c’est pipo(le)
sinon à Angoulème, que s’épanouissent, cent fleurs Laurentg