Cette spécialiste des langues, des religions et des civilisations de l’Iran avant l’Islam a, dit-elle, consacré 25 ans de sa vie à penser ce livre et 15 ans à l’écrire. Ce livre met en parallèle trois naissances fabuleuses et, à plus d’un titre, énigmatiques même si elles sont très éloignées l’une de l’autre. L’écriture de la langue d’abord – la parole rendue visible – que C. Herrenschmidt situe entre 3300 et 3100 avant notre ère à Uruk dans le sud de l’Irak, peu après l’invention de l’agriculture dans le Croissant fertile ; l’invention de l’écriture monétaire arithmétique dans la Grèce ionienne – en un raccourci saisissant Claire Herrenschmidt montre la solution de continuité entre ces débuts et la fin d’une histoire sémiologique de 26 siècles, au moment où le 15 août 1971, Richard Nixon, « prophète sémiologique » intempestif, tranche le cordon ombilica qui unissait encore le dollar américain à l’étalon or ! Enfin, le troisième volet de son livre est consacré l’invention de l’écriture des codes (toute l’informatique et internet naissent ici) dont on trouve à la fois le mythe fondateur et les prémisses chez Alan Turing (1912-1954), génial Théétète de l’époque contemporaine. Vaste et passionnant programme auquel je me suis attelé depuis quelque temps déjà. J’avance. Pas à pas. Je savoure cette érudion prodigieuse mise au service de l’intelligence. « A partir de l’union entre le signe, le langage et le monde que représente le premier univers cunéiforme, en passant par l’énigme du mot dans les alphabets consonantiques, puis par l’illusion sonore de l’alphabet grec, l’écriture s’est lentement introduite dans le contexte et l’a entamé, pointant la distance qui sépare les choses du langage des choses du monde. » (op. cit. p. 16)
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