Ils avancent. Masque en lambeaux sur leur visage.
Ils marchent privés de visages. Ils sont deux. Le petit et son père.
Avec un caddie qu’ils traînent derrière eux. Symbole dérisoire.
Ils avancent dans l’obstination lente de l’errance. Sans but.
Dans l’ignorance de ce qu’ils fuient.
S’ils fuient autre chose que la peur de mourir.
Entre eux, peu de mots échangés.
Sur la peur, la faim et le froid qui ne les abandonneront pas, qu’échangeraient-ils ?
Quelques paroles comme un refuge où s’abriter encore, où trouver parfois un repos.
Quelques paroles pour se convaincre que l’on ne ressemble pas à ces morts croisés sur la route.
Pour redire que l’on fait partie des gentils, que l’on est d’accord d’être ensemble sur la route. D’accord de préserver en soi ce lien, cet part d’humanité révolue. Que l'on n'a pas d'autre choix que d'être ensemble. Pour toujours.
Même si Dieu paraît s’être retiré de sa propre création.
"On est encore les gentils ? dit-il.
Oui. On est encore les gentils.
Et on le sera toujours.
Oui. Toujours.
D’accord."
Graver des mots à la place de ce qui a disparu. Sur le rien, la désolation. C’est la tentative (réussie) de La route de Cormac McCarthy qui vient de paraître en français et qui, l’an dernier a obtenu le prix Pulitzer fiction.

Sur un mode incantatoire, apocalyptique, ce livre suit l’errance d’un père et son enfant parmi les décombres d’un pays anéanti. Faisant son objet de la fascination du rien, le livre s’installe dans vide, entre réel et langage, substituant peu à peu l’un à l’autre, dans une thématique qui n’est pas sans rappeler celle de Beckett dans En attendant qui vous savez…
"Le monde se contractant autour d’un noyau brut d’entités sécables. Le nom des choses suivant lentement ces choses dans l’oubli. Les couleurs. Les noms des oiseaux. Les choses à manger. Finalement le nom des choses que l’on croyait être vraies. Plus fragiles qu’il ne l’aurait pensé. Combien avaient déjà disparu ? L’idiome sacré coupé de ses référents et par conséquent de sa réalité. Se repliant comme une chose qui tente de préserver la chaleur. Pour disparaître à jamais le moment venu. "
Voilà pour l’anecdote, très mince. En réalité, La route constitue avant tout une interrogation profonde, vitale, sur un certain nombre de thèmes contemporains essentiels, la vie (la survie, plutôt), l’errance, la filiation, la solitude, le sens, la déréliction, au milieu desquels, flotte, espoir dérisoire dans l’obscurité, le sursis, que nous ignorons et qui nous est accordé. Celui du temps, du monde et de nos propres larmes.
Cormac McCarthy, La route, Editions de l’Olivier, 245 p.
Donnez votre avis
"La route", en fait, c’est l’antithèse de "bienvenue chez les chti’s"
McCarthy est une légende aux States. A cause de son oeuvre et de son caractère énigmatique. Né à Providence, il vit au fin fond du Texas. Il aime les loups, la solitude. Médite, dit-on, plusieurs heures par jour en contemplant ses chaussures. Déteste, dans le désordre, Proust, la bière, les universitaires, les bavards et les ennemis du loup. Aussi majeur que DeLillo !
son coté télévangéliste apocalyptique et déjanté, son coté bush junior puissance 100 shooté à la coke, son coté c’était vachement mieux avant ça ne vous a pas interpellé?? plus réac tu meurs! dans le temps il a écrit nettement mieux [déjà no country for…. c’était limite, limite] mais ça lui prenait plus de temps mais il ne vendait pas 2 millions d’exemplaires de "suttree" au STATES!!
A continuer dans cette direction, Bush junior va finir en sauce pour le barbecue… S’il avait autant de talent d’écriture et de vision, oui de vision, que McCarthy, ça se saurait et on ne vous aurait pas attendu pour nous le faire savoir !
C’est effectivement un grand roman même si la thématique est déjà connue mais, diable, qu’y voyez-vous de réac ?
la route: vous l’avez tous les jours au 20 heures dans les rues de Bagdad ou d’Islamabad ou dans les orphelinats des gamins solats de Sierra leone aux mains coupées alors le texte apolcalyptique de Mc Carthy écrit à la va-vite où les bons sont cultivés et les méchants…Tiens ça donne envie daller lire Paolo Coelho-)-)-)
Le film est intéressant mais contestable.
Jamais vu cela dans "les cahiers" : film cité sans une ligne de texte.
Dans le genre grande gueule, érémitique, best-seller absolu, je suis dans la lecture de l’attrape-coeur de Salinger (je n’en avais jamais entendu parler avant sa mort, à 91 ans, cette semaine).