Toute l’histoire de la maison Gaja – qui fête ses 150 ans cette année – a défilé. Elle débute en 1859 avec Giovanni Gaja, producteur à Barbaresco. Ou comment naissent les légendes !
Clotilde Rey, la grand-mère intransigeante.
Dans la galerie des portraits dessinés par Angelo, l’un retient particulièrement l’attention, celui de Clotilde Rey, la grand-mère d’Angelo Gaja, qui a joué un rôle important dans l’essor de l’entreprise
Institutrice, venue des montagnes, parcimonieuse et dure à la tâche, elle s’est prise de passion pour le domaine et le vin et s’est montrée intransigeante sur la qualité.
Elle est morte en 1961, année où Angelo prend son essor sur le domaine familial. Incontestablement, certains traits de caractère de celle qu’on surnommait « Tildin » se retrouvent chez Angelo Gaja. Plus tard, celui-ci rendra hommage à l'aïeule disparue travers son cru de Barbaresco, le légendaire Sori' Tildin.
Institutrice, venue des montagnes, parcimonieuse et dure à la tâche, elle s’est prise de passion pour le domaine et le vin et s’est montrée intransigeante sur la qualité.
Elle est morte en 1961, année où Angelo prend son essor sur le domaine familial. Incontestablement, certains traits de caractère de celle qu’on surnommait « Tildin » se retrouvent chez Angelo Gaja. Plus tard, celui-ci rendra hommage à l'aïeule disparue travers son cru de Barbaresco, le légendaire Sori' Tildin.
L'esprit de géométrie et l'esprit de finesse
Héritier d’une tradition déjà longue, Angelo, fonceur et visionnaire, va faire accéder les vins de Gaja à l’empyrée.
« Le geometra nous demandait seulement d’apporter les raisins au chai. On vendangeait tout. Avec Angelo, la musique a changé. Nous ne prenions plus que les raisins mûrs. S’il le fallait, on vendangeait en plusieurs fois. » résume Luigi Cavallo, ancien métayer du domaine
« Le geometra nous demandait seulement d’apporter les raisins au chai. On vendangeait tout. Avec Angelo, la musique a changé. Nous ne prenions plus que les raisins mûrs. S’il le fallait, on vendangeait en plusieurs fois. » résume Luigi Cavallo, ancien métayer du domaine
Cette anecdote est rapportée par E. Steinberd dans Les vignes de San Lorenzo. Le geometra était le surnom du père d’Angelo…
La marque et le terroir
La fusée, désormais, était sur orbite. Rien ne pouvait l’arrêter. Peu à peu, Gaja, plus qu’un nom, va devenir un nom et la référence des grands vins italiens, le symbole d’un artisanat et d’un savoir-faire « haute couture ». Une marque ? Oui, mais – et c’est là le génie particulier de Gaja qui ne s’est jamais laissé enfermer dans le piège de la signature : cette marque est toujours au service des terroirs. A Barbaresco d’abord, l’épicentre de la saga familiale, son ancrage profond. A Barolo ensuite, comme un retour symbolique. Puis en Toscane. A Brunello di Montalcino d’abord ; à Bolgheri ensuite.
D’autres projets ? Sait-on jamais ?
Le mariage manqué de l'éléphant et du moustique…
Au passage, Angelo Gaja évoque la figure de Robert Mondavi, pour lequel il éprouve une réelle admiration. Il cite cette anecdote magnifique. Robert Mondavi propose un jour à Gaja de s’associer avec lui sur un projet, de créer une join-venture. Ce dernier se sent honoré par une telle proposition mais la trouve déséquilibrée.
Les deux hommes décident de se retrouver à New York pour en parler. Robert Mondavi arrive au rendez-vous en compagnie de ses avocats, certain sans doute de signer le contrat.
Angelo, étonné, prend la parole et dit ceci : pour qu’un mariage réussisse il faut à mon sens réunir plusieurs préalables :
1. Il faut que les partenaires aient des qualités complémentaires. Ce qui est notre cas.
2. Il faut partager le même idéal et la même éthique. Ce qui est également notre cas.
3. Il faut que le sexe soit possible entre les deux parties. "Or, par la taille de votre empire, vous êtes, dit Angelo Gaja à Robert Mondavi, un éléphant ! A côté de vous, ajoute ce dernier, je suis un moustique. Que pensez-vous qu’un éléphant et un moustique puissent faire au lit ? L’éléphant ne va en retirer aucun plaisir et pour le moustique, c’est très dangereux !"
1. Il faut que les partenaires aient des qualités complémentaires. Ce qui est notre cas.
2. Il faut partager le même idéal et la même éthique. Ce qui est également notre cas.
3. Il faut que le sexe soit possible entre les deux parties. "Or, par la taille de votre empire, vous êtes, dit Angelo Gaja à Robert Mondavi, un éléphant ! A côté de vous, ajoute ce dernier, je suis un moustique. Que pensez-vous qu’un éléphant et un moustique puissent faire au lit ? L’éléphant ne va en retirer aucun plaisir et pour le moustique, c’est très dangereux !"
Inutile de dire que le mariage n’a pas eu lieu ! Pour le bien des deux parties…
La nouvelle génération…
Assister à une conférence d’Angelo Gaja n’a rien de soporifique. Communicateur né, Gaja sait capter l’attention comme peu de gens sont capables de le faire, dans le vin ou ailleurs.
La séquence où il compare les mérites respectifs de John Wayne et de Marcello Mastrioanni, si elle prêche pour la paroisse piémontaise, est un véritable régal. Ne la manquez surtout pas ! Comme elle est anglais, les lecteurs francophones en trouveront ci-dessous une traduction libre …
"Ce gars, parce qu’il a été un grand acteur, il est entouré de jolies femmes et celles qui sont autour de le côtoient, il les embellit encore…"
"Essayez de travailler avec votre imagination pour comprendre l’élégance… Mais comment trouver les mots, comment expliquer ce qu’est l’élégance ?
J’ai donc dû créer une métaphore. Et cette métaphore est la suivante : le cabernet sauvignon est comme John Wayne. Imaginez que cette pièce soit tout à coup vidée de ses occupants et que John Wayne entre. Il va occuper le centre de la pièce. Pourquoi ? Parce que c’est un dominateur, une forte personnalité.
Si vous avez l’occasion d’aller dans un des lieux dédiés aux vins du Médoc, au cabernet sauvignon ou dans n’importe quelle autre région du monde où règne le cabernet sauvignon, le vin est fait pour agneau ou bœuf, bœuf ou agneau… Pourquoi ? Parce que l’agneau et le bœuf ont une forte personnalité qui nécessite comme répondant un vin au profil équivalent pour rivaliser avec eux.
Regardez ce gars, John Wayne ! Il sourit, très amical, à 360 degrés. Il est immédiatement compréhensible. On lit en lui comme dans un livre ouvert. Il est protecteur. On peut supposer que dans sa chambre à coucher, chaque soir, de 11 h à minuit, il accomplit son devoir d’une façon persistante, avec énergie, toujours de la même façon, lam and beef, lam and beef…
Si vous avez l’occasion d’aller dans un des lieux dédiés aux vins du Médoc, au cabernet sauvignon ou dans n’importe quelle autre région du monde où règne le cabernet sauvignon, le vin est fait pour agneau ou bœuf, bœuf ou agneau… Pourquoi ? Parce que l’agneau et le bœuf ont une forte personnalité qui nécessite comme répondant un vin au profil équivalent pour rivaliser avec eux.
Regardez ce gars, John Wayne ! Il sourit, très amical, à 360 degrés. Il est immédiatement compréhensible. On lit en lui comme dans un livre ouvert. Il est protecteur. On peut supposer que dans sa chambre à coucher, chaque soir, de 11 h à minuit, il accomplit son devoir d’une façon persistante, avec énergie, toujours de la même façon, lam and beef, lam and beef…
Marcello Mastroianni, c’est le nebbiolo. Il n’occupe pas le centre de la scène. Il se tient dans un coin. Vous devez trouver le chemin pour aller dans sa direction, pour l’atteindre, pour être proche de lui. Il ne vous souhaite pas la bienvenue. Il a un sourire énigmatique, ironique. Il vous tient à distance. Le livre est complètement fermé. Ce gars, parce qu’il a été un grand acteur, est entouré de jolies femmes et celles qui le côtoient, il réussit encore à les embellir !
Quel est le lien avec l’élégance ? Avec les nebbiolo et la nourriture ? Vous l’aurez compris. Le nebbiolo n’est pas en concurrence avec la nourriture. Il la sert. Il la rend encore meilleure !"
Tout était (presque) dit. Restait à déguster quelques joyaux de l'empire. Un Magari 2006 de Ca'Marcanda, fringant et stylé, quasi devenu un classique de la région de Bolgheri. Puis un merveilleux Brunello di Montalcino, le Rennina 2004 de la Pieve de San Restituta à la texture de velours. Pour finir, les participants, ont eu le privlilège de déguster le Barbaresco 2004 de Gaja, superbe de concentration et…d'élégance, sur une assise tannique certes ferme mais sans aucune aspérité. Dans ce grand millésime, ce monument figure une fois de plus parmi les meilleurs de son appellation. Nez sublime de réglisse, de ronce, de truffe, de rose et de goudron et corps mémorable, long, complexe, articulé sur une trame tannique impressionnante !
La célèbre étiquette imaginée par Gaja, sobre, classique, novatrice (en son temps), intemporelle aujourd'hui.
6 Comments
De la capacité de créer et utiliser des images pour faire passer des messages, et des vertus du rire (excipient génial) dans la communication.
Il parait que le charisme est une des dernières choses qui ne s’achète pas dans ce bas monde, tant mieux.
Savoir-faire, et faire savoir…
Ce n’est pas donné à tout le monde !
Une belle répétition du séminaire qu’il va tenir au Davos ?
En fait, ce devrait plus être une histoire du vin en Italie sous le projecteur de celle de Gaja.
Imperator est un mot qui lui convient assez bien, non ?
Imperator, si tu veux… Il y a quelque chose d’impérial en effet dans son geste et sa présence. Je pense qu’au Davos du vin, Gaja va intervenir sur le thème de l’alcool et, notamment, celui de la confusion (savamment entretenue ?) entre le vin (alcool naturel issu de la fermentation) et les spiritueux (alcool "artificiel" exacerbé par le processus de la distillation)….
Trouvé impérial son Sori San Lorenzo 1995 (merci, Lionel).
Dis donc Grand Jacques : il ne me va pas chambouler le programme par un sujet non prévu pour lui ?
La photo là en haut : de toi ? je peux la prendre pour mon catalogue ?
Bon, on survivra !
François, tu peux prendre la photo mais demande tout de même à Angelo ! et vérifie avec lui concernant le sujet de la conférence, j’ai l’impression que cette question lui tient à coeur…