Longue bande étroite qui court de Vaumarcus au Landeron, sise entre lac et Jura, le vignoble neuchâtelois couvre une superficie de 600 ha. Bénéficiant d’un climat relativement sec, bien ventilé, ensoleillé, avec le lac comme régulateur thermique, cet endroit est particulièrement favorable au pinot noir, unique cépage rouge autorisé en AOC et majoritaire dans le vignoble 56 % de la surface totale du vignoble. Les sols caillouteux et calcaires du jurassique du littoral conviennent tout particulièrement à ce cépage qui peut trouver ici quelques-unes des expressions les plus subtiles du pays. Pourtant près la moitié de la production de pinot noir du vignoble neuchâtelois est vinifiée en rosé (Œil de Perdrix). Quelques producteurs ont pris conscience depuis un certain temps du potentiel du pinot noir.
Parmi eux, un viticulteur atypique : Jacques Tatasciore dont les pinots noirs sont aujourd’hui de classe internationale. J’ai rencontré ce dernier lors d’une dégustation de… grands Bordeaux que je commentais pour les clients d’une banque helvétique. Nous avons sympathisé en parlant de la Bourgogne, de ses climats, de ses domaines mythiques.
A ce moment-là, c’était il y a une quinzaine d’années, Jacques Tatasciore était en quelque sorte un business angel qui, par goût du paradoxe mais, surtout, par amour pour le vin, avait décidé d’investir dans un domaine viticole. L’aventure a démarré par la reprise d’une cave bien connue de Cressier, le domaine de la Rochette.
Depuis, notre économiste dévoyé s’est pris au jeu. Il a mis la barre très très haut en terme de qualité. Avec l’ambition avouée de produire des pinots noirs d’exception. Les clés du succès ? Un travail important de sélection massale, de surgreffage, d’isolation parcellaire des meilleures vignes, une viticulture de pointe, des rendements minuscules. Des vendanges à la carte, le jour J, avec un tri méticuleux à la vigne, par une équipe de passionnés. Même intransigeance dans la vinification, la plus naturelle, la plus respectueuse du raisin, avec une hygiène irréprochable à tous les stades.
L’élevage est un autre élément clé de la vie du vin : après de nombreuses recherches, Jacques Tatasciore a acquis une science particulière du bois : il a remonté la filière jusqu’à la source, procédant à des achats de chêne merrain sur pied dans les forêts de Tronçais et de Jupille pour produire ses propres fûts. Et quels fûts ! Personnellement, je n’ai jamais trouvé meilleurs fûts pour l’élevage du pinot noir.
C’est la première fois que j’en parle d’une manière détaillée sur mon blog : dès le premier millésime, Jacques Tatasciore m’a demandé de l’assister au niveau du suivi des vins en cours d’élevage ainsi que dans la sélection destinée à réaliser les différentes cuvées confidentielles dont le volume de chacune n’excède jamais quelques centaines de bouteilles : Vieilles vignes, Margiles, Rissieux et Chanez. Travail passionnant de consultant et, surtout, joie d’assister à la naissance de très grands crus qui ont en une dizaine d’années accédé au rang de vins cultes au niveau helvétique !
Envie de découvrir ce personnage, de mieux connaître ses vins ? Ne nous emballons pas : Jacques Tatasciore ne reçoit pratiquement personne dans sa cave de Cressier. Trop occupé par ses vignes et sa cave ! Quant à ses vins, vous devinez sans doute où les trouver…
Dégustés récemment, les 2010 se situent à un niveau exceptionnel, tant la cuvée Vieilles Vignes que les fameux Rissieux. Ainsi qu’une cuvée spéciale, issue de l’ultime récolte d’une vieille vigne située sur Les Chanez au-dessus de Cressier. Un lieu si dans cette terre qui fut autrefois bourguignonne, l’étage « grand cru » existait, devrait y figurer à coup sûr ! Cette cuvée, qui n’est pas disponible pour l’instant, est un vin magique, d’une profondeur, d’une vinosité et d’une longueur incomparables ! C’est dit ! Ce vin est unique dans tous les sens du terme : la vieille vigne qui a donné en partie naissance à ce vin vient d’être replantée. Promis, on en reparle avant dix ans !
Après la visite de cave et la vigne, un détour par la Maison du Prussien s’impose. Jean-Yves Drevet présentant le Porc laineux de Vaumarcus
2 Comments
Cher Jacques
« Die Botschaft hör ich wohl, allein mir fehlt der Glaube… »
J’en ai le plaisir d’être an possession de quelques flacons de Pinot noir « Les Rissieux » 2001, 2002 et 2003, mais hélas, malgré les efforts inouïes de M Tatasciore, ces fleurons de la viticulture hélvétique ne se sont pas développés de façon espérée: En dégustation comparative à l’aveugle avec d’autres Pinots suisses et bourguignons de référence les vins sont resortis avec leur volume mais également avec leur nette empreinte de barrique. En plus le Rissieux millésimé 2003 montrait des traces d’une évolution prématurée. Or M Tatasciore aura certainement fait des changements depuis ses premiers millésimes – une hypothèse a vérifier – prouvée si le prix de vente serait le critère unique!
Effectivement, même constation sur un Rissieux 2004 qui présente déjà des notes d’évolution.
Ces vins restent remarquables, mais comme déjà constaté, une forte concentration n’assure pas une bonne tenue dans le temps