L’Angelus
Deux bouteilles très différentes. La première visiblement entachée et une deuxième impeccable avec un vin d’une grande noblesse d’expression, très tactile, suave, avec une trame épicée de grande classe. Et une finale complexe. Nous l’avions déjà « vu » hier, au cours d’une mini-verticale, cette fois-ci en aveugle intégrale. Les deux fois, j’ai très bien noté ce vin.
Ausone
Superbe dans son expression stylistique. Même s’il est encore un peu sur la retenue, la complexité aromatique est là. Superbe assise tannique, très ferme, très droite mais que cache une chair onctueuse. Selon Philippe Bourguignon, il s’agit là « d’un des vins les plus sensuels de la dégustation. »
Cheval Blanc
Ce vin a davantage divisé. Quelques-uns ont mis en exergue sa finesse et son style très délié. D’autres, dont je faisais partie, lui trouvant un côté plaisant mais une complexité limitée.
Etrange, car il s’agit là d’un Cheval Blanc très réussi, qui nous avions eu le grand plaisir de déguster à plusieurs reprises lors de notre voyage au Japon dans lequel, un soir à Tokyo, LPV, inspiré, avait vu "un toucher de bouche à la Victor Pecci : du rebond dans l'herbe et du diamant dans l'oreille…"

Olivier Poussier est emballé par son côté « lardé et fumé » de ce vin. Ce Cos offre du gras et une belle amplitude. C’est bon mais il évolue vers des notes animales et la maturité du raisin ne me paraît pas idéale. J'avais émis quelques doutes sur ce vin lors des dégustions en primeur. Dix ans plus tard, je demeure mitigé.
Le vin se présente sur des notes vanillées entêtantes et un côté fruit cuit, presque blet. Il paraît prématurément usé. Une première bouteile a suscité le doute lors de la dégustation de contrôle opérére par François Mauss. Une seconde bouteille, exactement pareille, ne dissipe pas le doute. Etrange…
Haut-Bailly
Très belles notes épicées et balsamiques et profil de fruits rouges, d’une belle fraîcheur, à l’ouverture. La bouche est élégante, stylée, « très classique » mais il paraît manquer un peu de densité en milieu de bouche. Très merlot sans doute. « De l’essence de Bordeaux » note un dégustateur. On rappelle ici que c'est une année-charnière dans l'histoire de la propriété. C'est le premier millésime vinifié sous la responsabilité de Véronique Sansers et, également, le premier millésime où intervient Denis Dubourdieu.

De la noblesse au nez, notes fumées, goudron. Corps savoureux, charnu et équilibré. Certains dégustateurs soulignent toutefois un côté un peu fluide. C’est très joli mais, aujourd'hui, il est un peu en retrait.
Haut Condissas
Beaucoup de présence aromatique, notes florales et fruitées.
Belle chair qui délivre des sensations tactiles proche de l’onctuosité. Un vin baroque, opulent, très chatoyant. Une fois de plus, il crée la surprise et confirme, si nécessaire, son rang de grand outsider !
Faut-il le répéter à tous ceux qui se plaignent du prix des grands Bordeaux, qui adoptent à la fois la posture du rebelle (Bordeaux, c'est trop cher…) et du légaliste (ne touchez pas au sacro-saint Classement !) : voilà une des vraies belles aubaines de Bordeaux en terme de rapport prix/plaisir !

Quelle belle bouche, sphérique : élégant et racé, il ne brille pas autant que le précédent mais, comme le souligne l’esthète René Millet (invité à la dégustation) « J’y vois que du bien sur ce vin… » Nous aussi, même si ses qualités sont moins évidentes, plus cachées, que sur d’autres.
Latour
Belle robe sombre. Nez dense, minéral, de la profondeur. Note de figue, de violette. Entrée en bouche, précise, belle densité, de la fraîcheur, trame serrée, c’est un vin dense, superbement architecturé, encore très jeune dans son expression. Jolie longueur. Sans doute a-t-il un grand avenir devant lui !
Latour Haut—Brion
Le corps est bien dessiné. Il est souple et élégant mais d’un développement limité.
Léoville-Las-Cases
Belle robe. Beaucoup de race et de finesse dans l’expression aromatique.
Corps dense, structuré, campé sur de solides tannins, légèrement épicés. Notes de graphite, fruits noirs, suie.Très belle trame et finale d’une grande noblesse. Un des mes favoris !
Beaucoup de finesse et de subtilité dans l’expression aromatique. Notes fruitées et florales. Touche d’eucalyptus. C’un charmeur de grande race, vraisemblablemen un Rive Gauche. Bouche pulpeuse. Seule la finale demeure sur la réserve.
Mission Haut-Brion
Beaucoup de raffinement dans l’expression aromatique. Notes florales et épicées.
Superbe entrée en bouche, belle maturité du fruit, expressif, un vin sensuel, sphérique avec un très joli grain de tannin, profond, savoureux.

Marqué un peu par le bois, le nez s’ouvre ensuite mais paraît linéaire. Notes épicées, havane. Sans doute un potentiel très intéressant mais en dépité d’une chair ample, il finit pour l’instant un peu asséchant.
Pavie
Expérience intéressante sur ce vin. Deux bouteilles ont été présentées. L’une en position no 16 et l’autre en position no 23, tout en fin de dégustation. La première provenait d’une cave privée et la deuxième directement du château. La plupart des dégustateurs ont noté une différence sensible entre les deux bouteilles. Personnellement, j’ai préféré la deuxième.
Philippe Bourguignon le décrit comme « sombre , nez puissant, un peu viandé ». Je l’ai trouvé très mûr, presque exotique, sur des notes de mûre, de cassis, très présentes. Texture très caressante et bonne persistance finale mais la magie n’est pas au rendez-vous.
Pétrus
Beaucoup d’originalité et d’exubérance dans l’expression aromatique sur des notes nobles de cacao et de fruits noirs. Corps suave, caressant, d’une très belle amplitude. Très belle maturité, très rive droite… « Ca, c’est un vrai Pétrus ! » s’exclame Michel Bettane, visiblement subjugué.
D’aucuns l’ont trouvé un peu vieilli. Notes de prune, d’herbes sèches, de violette. Il est intéressant à l’ouverture, finement mentholé. La bouche est souple, élégante, un peu fluide. Tannin caressant. Il est presque alangui sur la finale et manque un peu de gnac.
Reignac
Tabac, épices, vanille, léger fumé, truffe. Il y a tout de même un effet boisé !
Entrée évasée ; jolie trame, style assez ferme, un peu strict avec un milieu de bouche très merlot. Tannin ferme, un peu anguleux. Un vin avec du caractère mais qui n'offre pas le raffinement des meilleurs au niveau de l'assise tannique, ai-je noté pour ma part.
Rollan de By
Belle robe profonde. Le nez est ouvert, précis. On sent le beau raisin bien mûr, avec une pointe d’onctuosité .On est sur un rive droite, parfaitement accompli… me disais-je à l'aveugle.
« Harmonieux mais manque de relief », note un dégustateur.
Trotanoy
Une première bouteille est marquée par des notes d’évent. La deuxième est beaucoup plus précise : fleurs séchées, touche épicée, mine de crayon.
Belle attaque, ronde, caressante, il monte lentement en puissance, belle trame tannique, finale dans une explosion d’épices. Incontestablement un beau caractère. J'ai beaucoup aimé – c'était déjà le cas en primeur – mais ce vin ne paraît pas avoir fait l'unanimité.
Belle couleur. Epices orientales, bois de santal, cèdre. il paraît un peu marqué par son boisé. Poivron noble. Strict, belle trame, serrée, de la fraîcheur.
Belle finale, très longue. Racé mais austère
« Un des raisins les plus mûrs de la dégustation » souligne Michel Bettane.
A en juger par les commentaires, Valandraud figurera sans doute parmi les vins de la dégustation.
Les caractéristiques de 1998 à Bordeaux (synthèse tirée de Vinifera no 18)
Le millésime en bref Floraison précoce. Eté contrasté, frais et sec et en juillet ; août très chaud (phénomènes de grillage et d’échaudage). Quelques orages début septembre. A la veille des vendanges la maturité est bloquée sur de nombreuses parcelles. Les pluies, bienvenues au début, se prolongent mais n’affectent que très peu la qualité des raisins.
Les vins rouges les peaux épaisses des raisins se sont traduites en 1998 par une charge importante en polyphénols, à l’extractibilité rapide. Un tel millésime réclamait beaucoup de doigté et de douceur dans la conduite des macérations. A priori ce millésime a donc davantage favorisé les merlots et les cabernets francs que les cabernets sauvignon dont la maturité fut plus hétérogène. On comprend pourquoi de nombreux vins comportent un pourcentage de merlot plus élevé que la moyenne.
Merci à tous ceux – ils se reconnaîtront – qui ont permis la mise sur pied de cette session !
Donnez votre avis
Bien sûr, c’est là une opinion parmi 14 Membres permanents du GJE présents.
Cela reste toujours fascinant d’assister au debriefing tant il se forge, durant un bref oment, pour chaque vin, une sorte d’opinion commune à partir de points de vue initiaux parfois assez éloignés.
En fait, les calculs le montreront : devant un tel aéropage de noms majestueux, les "petits" présents (Rollan de By, Haut-Condissas, Reignac), dans un millésime qui approche sa pleine maturité, se tiennent mieux que bien et par là confirment les résultats de la session des 2001.
Il y a manifestement de nouveaux propriétaires comme Jean Guyon et Yves Vatelot qui sont capables de mettre sur le marché, à des prix plus qu’intéressants, des crus qui damment le pion, en double ou simple aveugle, à quelques très grands noms du vignoble bordelais.
Mqaixs bon : attendons les calculs de Burtschy. En brut, croyez moi, les surprises sont bien présentes !
J’aurais aimé votre avis sur pavie-macquin 1998, que j’ai eu beaucoup de mal à cerner.
Un excellent Angélus 1998 dans notre verticale (17/20 – à peine un peu moins bon l’am) : cossu mais pas crémeux.
A noter une belle surprise il y a peu avec un remarquable d’Yquem 1998 (que je n’attendais pas à ce niveau de raffinement).
Je ne me lasse pas d’admirer les St-Jacques d’Alain Pégouret.Un plat luminescent.Moi qui n’ait point encore visité Le Laurent,cela me donne une furieuse envie d’y aller.
Je boirai moins grand c’est sûr!
Pas sûr, Pascal, pas sûr du tout !
Philippe Bourguignon n’a pas son pareil pour dénicher les vins de l’école vagabonde. En cherchant bien, Pascal, je suis sûr que tu trouveras, entre autre, le meilleur du royaume disparu de Piémont et de Savoie ! Et puis, who knows ? des fois que tu t’avancerais sous l’escorte du président Mauss, il y aura quelques grands Beaujolais, maintenant que le voilà converti à la religion du gamay !
… et dire que Michel m’assure que quelques autres vignerons sont facilement au niveau de mon nouveau pote (merci Nicolas et Paul) JMB.
Oh que oui que Philippe et Patrick peuvent trouver au Laurent (sans même piocher dans la section GJE) des crus qu’ils affectionnent particulièrement mais qui ne sont pas à la mode 🙁
Grand Jacques : le requiem de Duruflé (surtout le sanctus) par Herreweghe : un accompagnement quasi parfait à plusieurs pages resplendissantes de ton opus. Faudra un jour que tu nous écrives pourquoi on peut être serein et joyeux à l’écoute d’un tel requiem. Bizarre la nature humaine, non ?
Un peu déçu ce soir (en verticale) par Figeac 1998.
Ton (nouveau) pote JMB, aujourd’hui, il était avec Paulo, mézigue-pâte, et d’autres "intimes" dans les vignes et granits de Cornas, et je peux te dire qu’il ne semblait pas malheureux !
Par contre il attend avec une incommensurable impatience un rapport en bonne et due forme sur l’ouverture de ses nonante deux.. qu’il nous en a rebattu les oreilles toute la journée, de savoir ce que ses topettes avaient provoqué… ou pas. Normal, c’est quand même des flacons de son année de naissance vigneronne !
Michel a raison (une fois n’est pas coutume, on dit) : des vins de ce calibre, il y en a un moulon, en tout cas plus que ce qu’on l’on pourrait croire. Faut-y encore s’y intéresser ! Tu es sur la bonne voie François, c’est bon pour ton carma. T’iras p’têtt au paradis, finalement….
(y’a quand même encore du boulot, rêve pas !…)
🙂