A la place, je dirai un jour l’estime que je porte à Point Omega, le dernier Don DeLillo, sur lequel la critique franco-française piétine en silence.
Donc, voilà, je n’ai pas déjeuné chez Westermann, au Drouant, où, paraît-il, Edmonde Charles-Roux a été bousculée… On a même renversé un verre de blanc sur le chèque (symbolique) de 10 euros que l’on remet au lauréat. Dites, il a dû s’en passer des choses pour que l’on se souvienne de pareille algarade !
J’étais loin de là, au calme, à la campagne. Avec Floriane et Eloi Dürrbach pour un déjeuner limpide et ensoleillé chez Bernard Livron. Nous n’étions pas loin de l’écriture puisque l’intitulé était un menu autour de la plume. Pas certain que le père Pivot n’eût préféré être ici et savourer ces délices qui n’étaient pas de Capoue mais de Certoux :
Petit pâté chaud de canette des Dombes au foie gras de canard frais, sauce rouennaise aux airelles

Salmi de perdreaux rouges, châtaigne, cèpes, raisins et pommes

Grouse d’Ecosse rôtie au genièvre, la cuisse en crépinette, choucroute, compotée de griottes.
Les vins Marsanne 2007 Excelsus, Jean-Claude Favre & Humagne rouge 2008, vieilles vignes, Philippe Darioli

Quelques heures plus tard, point de dépression post-prandiale après un déjeuner aussi abouti ! Avec allégresse, nous avons attaqué une verticale des vins de Trévallon après que Eloi eut rappelé les grandes lignes de forces du domaine. Tout est parti d’un lieu, magique, tellurique, sur le versant nord des Alpilles. C’est d’abord le père d’Eloi, sculpteur, qui en a eu l’intuition puis Eloi qui, après ses études d’architecture, a pris le relais. Trévallon, comme Daumas Gassac, est donc une « création » totale d’un domaine viticole sur un terroir, jusque là ignoré, mais dont la haute vocation qualitative apparaît clairement avec le temps. Aujourd’hui Trévallon compte 17 ha de rouge et 2 ha de blanc.
Trévallon 2007 très belles notes aromatiques, légèrement grillées, caractère d’essence de pin maritime, mentholé, notes épicées, ; le corps est svelte, athlétique, doté d’une grande énergie interne. Bouche est d’une grande élégance, finement articulée, très beaux tannins frais, vibrants. Une des réussites majeures de la propriété !
Eloi Dürrbach: l’été a été normal. Rien n’annonçait que ce serait aussi grand mais quand on a commencé à goûter le raisin, on s’est dit qu’on tenait là quelque chose d’exceptionnel !
Eloi Dürrbach: l’été a été normal. Rien n’annonçait que ce serait aussi grand mais quand on a commencé à goûter le raisin, on s’est dit qu’on tenait là quelque chose d’exceptionnel !
Trévallon 2006 Servi avant le 2007, pour ne pas le pénaliser. Manque un peu de précision dans l’expression aromatique au début. A l’aération, le profil se fait plus précis. Notes de moka, d’olive, de garrigue. Souple à l’attaque, la bouche évolue vers une assise tannique assez ferme, moins enrobée que sur le 2006. Finale expressive sur des notes de feuille de cassis et de mûre.
Trévallon 2005 Le nez est actuellement un peu fermé et s’ouvre progressivement. Notes de cuir, cendre, tabac, puis très beau profil floral sur la violette. C’est un vin d’une très belle densité, assez austère actuellement mais avec un gros potentiel de vieillissement.

Trévallon 2003 les vendanges ont été terminées le 10 septembre, ce qui est très précoce pour Trévallon. Le nez est à peine marqué par le caractère solaire et généreux du millésime. Notes de cachou, menthol, laurier, thé fumé. Corps savoureux, ample, évasé et finale chaleureuse, réglissée, aux tannins encore un peu stricts.
Eloi Dürrbach: dans ce millésime, c’est spectaculaire de voir à quel point les vieilles vignes avaient pris le dessus. Nous avons pris le parti dans ce millésime de raccourcir le temps de cuvaison à six jours alors que d’autres ont pris l’option contraire. L’avenir dira qui a eu raison !
Eloi Dürrbach: dans ce millésime, c’est spectaculaire de voir à quel point les vieilles vignes avaient pris le dessus. Nous avons pris le parti dans ce millésime de raccourcir le temps de cuvaison à six jours alors que d’autres ont pris l’option contraire. L’avenir dira qui a eu raison !

Trévallon 2001 Un peu de réduction au nez puis surviennent, comme un miracle annoncé, les arômes de prune confite, de cuir, d’iris, de moka avec une touche de truffe. L’entrée en bouche est souple, glissante avec un côté chaleureux mais la finale a conservé beaucoup d’énergie. Superbe tannicité, dense et fraîche. Remarquable !
Eloi Dürrbach: nous avons eu beaucoup de pluie le 15 août et, tout de suite après, un mois et demi de mistral. C’était très mûr avec un raisin presque confit. Nous avons dépassé les 14 degrés.
Eloi Dürrbach: nous avons eu beaucoup de pluie le 15 août et, tout de suite après, un mois et demi de mistral. C’était très mûr avec un raisin presque confit. Nous avons dépassé les 14 degrés.
Ce millésime rappelle les Twin Towers et les attentats terroristes. La discussion glisse vers ce trauma collectif et la fameuse question :" Et vous, que faisiez-vous le 11 septembre 2001 ?" A la fin, l'un des participants s'adresse à Floriane et Eloi :"Vous faites des vins de rebelles. Forcément le 11 septembre revient comme une confrontation entre un monde hyper-technique et une nécessité de comprendre. L'expert s'interdit la nécessité de comprendre…"
Trévallon 2000 robe un peu plus légère que le précédent, plus évoluée également. C’est un peu l’antithèse du 2001 au niveau style. Le nez est d’une très jolie finesse d’expression, frais, mentholé, avec une touche épicée et un rappel de truffe. La bouche, tonique, fuselée, en léger déficit de chair, est toutefois étonnante de sapidité.
Eloi Dürrbach : c’est un classique. Le vin fait à peine 12.5. Le cabernet était à 12 et la syrah à 13. Il a fallu attendre que ça mûrisse. Aujourd’hui, je suis surpris : le vin se présente bien, dans son début de dépouillement.
Eloi Dürrbach : c’est un classique. Le vin fait à peine 12.5. Le cabernet était à 12 et la syrah à 13. Il a fallu attendre que ça mûrisse. Aujourd’hui, je suis surpris : le vin se présente bien, dans son début de dépouillement.

Trévallon 1999 robe avec un peu d’évolution, légèrement brunie. Grande noblesse d’expression dans le nez. La complexité commence à apparaître : herbes sèches, truffe, café torréfié, havane. Très belle bouche, tendue, avec une finale sur des notes iodées, une salinité très percutante.
Eloi Dürrbach : ce furent des vendanges assez tardives. Le vin titre à peine 12 degrés. Pendant longtemps, ça a été très austère avec des tannins très présents.

Trévallon 1998 notes de Havane, cuir, café. Belle entrée en bouche, grasse. Belle continuité avec un milieu de bouche qui offre une bonne densité et une finale qui a gardé une certaine fraîcheur mais un peu effilée.
Trévallon 1995 beaucoup de fraîcheur et de plénitude dans l’expression. Un des nez les plus profonds de la série. Il « sent » le calcaire. Encre, tabac, fumé. Il évoque presque un vin de Pessac. Corps exemplaire, très droit, énergique, un épitome de Trévallon et, sans doute, avec le 2007 la deuxième plus grande réussite de cette verticale.
Trévallon 1990 robe en phase d’évolution. Superbe complexité aromatique. Notes d’épices, cannelle, encre de Chine, truffe. Grande fraîcheur. C’est ample, merveilleusement texturé. La finale est longue, épanouie, sereine. Un vin d’une grande plénitude sur des tannins noblement réglissés. Parfait à déguster aujourd’hui sur… un gibier à plumes !
Trévallon 1989 il a gardé une belle couleur. C’est un vrai nez de parfumeur. Il est presque oriental dans son approche, sur des notes également de pétale de rose. Bouche d’une grande élégance dans la texture, fondante, glissante. Mais il ne reste pas uni jusqu’au bout et n’a pas la magie du 1990.
Eloi Dürrbach : 1990 et 1989 ont été vendangés très tôt mais en 1990 les vignes s’étaient en quelque sorte habituées à la sécheresse. Le 1989 faisait à peine 11.8 !
Eloi Dürrbach : 1990 et 1989 ont été vendangés très tôt mais en 1990 les vignes s’étaient en quelque sorte habituées à la sécheresse. Le 1989 faisait à peine 11.8 !
Merci à Floriane et Eloi Dürrbach et à Trévallon, merveilleux vin idiosyncrasique, unique, dont nous prolongerons la lecture tard dans les nuits qui viendront, chaque fois qu’il nous prendra l’envie d’arrêter un instant le temps et de fixer des saveurs !
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On verra notamment dans le lien une comparaison en séance avec Daumas-Gassac 2005 et 1998 (ainsi que Chinon de Lenoir et Bel Air Marquis d’Aligre (élevage long en grands contenants inertes).
Il aurait fallu avoir Grange des Pères sous la main, également.
Visiblement, extension du domaine de la trève, pour changer.
L’impossibilité d’une vente …
Bravo (et tu peux en effet te passer de la lecture du dernier Goncourt, qui ne casse pas trois cuisses à une grenouille).
Ainsi que de "3 jours chez ma mère" et de "Syngué Sabour".
Les 2007 avant assemblage étaient magnifiques. Ainsi que quelques vieux millésimes, dont 90 et 88, pleins de classe.
Verticale en photos, pour ce vin de garde personnel : http://www.invinoveritastoulouse...
L’Art est aussi bien présent au Domaine de Trévallon.
Pour apprécier la manière touchante des Dürrbach à la mémoire du grand artiste que fut René Dürrbach, ami de Picasso et bien d’autres grands artistes, nous vous recommandons la lecture du livre numérique,
"L’Art au Domaine de Trévallon".
47 pages richement illustrées au lien :
fr.calameo.com/books/0000…
Bonne lecture !