Le 21 novembre nous avons assisté à une dégustation très intéressante dans le cadre de l’Ecole du Vin de CAVE SA. Celle-ci s’est déroulée à l’aveugle pour tous les participants et les intervenants, seules les appellations étant connues.
Si la viticulture existe ici depuis le VIIe siècle et le prestige du vignoble du Dijonnais établi depuis de nombreux siècle, grâce notamment aux ducs de Bourgogne et à l’abbaye de Bèze.
Dans son introduction historique centrée sur la différence entre le vin fin et le vin commun, directement issu de la Révolution française, Jacky Rigaux a montré comment les communes de Fixin, Couchey, Marsannay, prises dans l’orbite de Dijon et de l’industrialisation, sont devenues des sources de vin commun, alors que Gevrey-Chambertin avait déjà pris le virage du vin fin.
Plus tard, en 1936, au moment de l’organisation des AOC, Dijon avait perdu la moitié de ses vignes et, du coup, ni Couchey, ni Fixin, ni Chenove et ni Marsannay n’ont figuré au rang des impétrants de l’AOC.
La première, Fixin a réussi assez rapidement à obtenir, pour la moitié de sa surface viticole, l’AOC.
Jacky Rigaux a rappelé que, par la suite, c’est Charles Quillardet notamment qui a convaincu les vignerons de Marsannay de renouer avec la qualité et d’obtenir l’appellation Village. En 1987, Marsannay, la « Porte d’Or de la Côte de Nuits » obtient l’AOC.
Toujours selon notre invité, le débat en cours aujourd’hui est : où va commencer la côte dijonnaise de demain ? On est en plein dans l’histoire d’un réveil d’un vignoble. Le « Chapitre », qui est un vestige de Chenove, on ne sait pas dans quelle partie il va être ?
Pour Marsannay, on a le terroir de Marsannay, celui de Couchey et le Clos du Roy qui a pu ainsi échapper à l’urbanisation.
Avant d’aborder la dégustation géo-sensorielle proprement dite et après le rappel d’une anecdote concernant le regretté Robert Lautel, Jacky Rigaux a brossé le cadre géologique dans ses grandes lignes :
« Il y a une grande combe qui va organiser le vignoble à la bourguignonne, générant des colluvions argilo-calcaire jusque dans la plaine et, de chaque côté des coteaux plein est, avec la roche restée en place, versant Dijon, versant Fixin, deux ailes. Avec les coteaux sud sur des terrains moins pentus que côté nord. Le coteau nord est un peu plus pentu, avec moins de limons, il y a des grèzes lithées, des cailloutis calcaires qui sont présents ici.Si vous dégustez comme des gourmets, vous avez trois sens qui sont sollicités, le toucher, (notre bouche est capable de toucher, comme la main, la surface, la texture, l’épaisseur de la texture et l’ensemble de la texture). Le sens chimique du gustatif et le rétro-olfactif. Ne vous privez pas des trois coups de nez à la Jules Chauvet, mais je vous suggère de commencer par les bouches ! »
Ce qui fut fait et, pour ceux qui le pratiquent, changent considérablement la donne pour la perception des vins de lieux ! Les notes de dégustation ci-dessous sont celles de Jacques Perrin.
Gevrey-Chambertin 2012, Ostrea, Domaine Trapet
Cette cuvée « ronde » est issue de plusieurs parcelles dont la plus ancienne date de 1913. Placé en début de dégustation, ce vin aux notes raffinée de framboise et de ronce, au corps savoureux, au corps d’un relief vigoureux et équilibré, d’une belle profondeur, méritait que l’on s’y attarde !
Marsannay 2012 Champs de Perdrix, Domaine Huguenot
Style plus souple, plus immédiat que le précédent, sur un profil plus « argileux ». Il paraît déjà un peu évolué dans son aromatique et, surtout, n’offre par la même vibration que le précédent.
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Marsannay 2013 Clos du Roy, Sylvain Pataille
Corps souple, équilibré, sur un profil fruité, légèrement vanillé. Il offre une jolie texture, mais apparaît un peu linéaire. Sa finale est resserrée par un amer de bois.
Gevrey-Chambertin 1er Cru 2013, Domaine Mortet
Là on perçoit la race, floral, pivoine, fruits noirs. Belle percussion en bouche, avec un développement continu et une finale soutenue et finale stylée. A l’aveugle, on sent « parler » le terroir.
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Gevrey-Chambertin 2014, Mes Cinq Terroirs, Domaine Denis Mortet
Belle entrée en bouche, texture d’une belle consistance, dense, trame épicée, vraie dimension de profondeur sur ce vin. Développement ascendant. Très beau retour en bouche sur la finale. Excellent car il laisse une magnifique empreinte en bouche.
Marsannay 2014, Clos des Portes, Monopole, Domaine JM Guillon
Toujours à l’aveugle, il offre un profil plus souple, avec moins de trame que le précédent. Et surtout moins de persistance dans la finale. Il a un côté plus terrien, moins racé que le Gevrey et son élevage manque de précision.
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Fixin 1er Cru Les Arvelets 2014 Domaine Berthaut
Corps souple, rond, équilibré avec une finale sapide sur des nuances de baies sauvages. Très joli vin mais qui souffre de la comparaison avec celui qui suit.
Gevrey-Chambertin Les Evocelles 2014, Domaine Dugat-Py 2014
Robe profonde. Superbe entrée en bouche évasée, de la profondeur, plus de race et de profondeur que le précédent. Grande texture. Incontestablement, on se trouve sur un très beau terroir. Finale sur la violette.
Gevrey-Chambertin Champerrier 2015, Marchand-Grillot
Cette cuvée issue de l’une des vignes les plus vieilles de Gevrey (plantée en 1903) est vinifiée en vendange entière, sans soufre. Elle a beaucoup plu à une partie des dégustateurs par son naturel d’expression et son approche immédiate, tactile.
Marsannay Longeroies 2015, Version originale, Domaine Jean Fournier
Dans cette série, et toujours à l’aveugle, il apparaît comme le vin le plus ambitieux et le mieux fait, mais pas le plus grand terroir. Issu en grande partie de vieilles vignes, ce Marsannay se distingue par son fruité intense, encore un peu linéaire à ce stade, et son corps svelte, allongé, au tanin parfaitement découpé. Une très belle bouteille.
Gevrey-Chambertin 1er Cru Aux Combottes 2015, Domaine Arlaud.
Boisé encore un peu prégnant à ce stade, mais le corps révèle une vraie noblesse. Grande texture, trame millimétrique et finale d’une grande beauté. On a ici une évidence du terroir tout à fait perceptible.
Fixin 2015, Les Petits Crays, Domaine Jean Fournier
Belle entrée en bouche, sur la fraîcheur. Corps tonique, doté d’un très bel équilibre. C’est un vin très pur, au tanin légèrement poivré, avec du relief dans la structure et une finale soutenue. Le plus beau vin de la soirée, selon certains dégustateurs.
Gevrey-Chambertin 1er Cru Les Corbeaux 2015 Domaine Bruno Clavelier
Il faudra revoir ce vin dans quelques années. Pour l’instant, il apparaît encore un peu pris dans sa gangue boisée. En revanche, il se laisse déjà décrypter en bouche à travers son équilibre, sa finesse et son tanin merveilleusement sculpté.
Marsannay Clos du Roy 2015, Domaine René Bouvier
Belle robe profonde. Il offre beaucoup d’atouts : amplitude, sève, dimension terrienne noble avec de la complexité. Finale traçante. Si ce n’est pas un Gevrey – et c’est possible qu’il ne soit pas un Gevrey – il affirme un vrai terroir.
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