Début des vendanges en Côte de Beaune, en Côte Chalonnaise et en Côte de Beaune dès la fin du mois d’août, derniers raisins coupés vers le 20 septembre aux domaines Charlopin, Pierre Damoy, Ponsot en Côte de Nuits ! Laurent Ponsot avait prévu de commencer le 20 septembre, mais avec les fortes chaleurs de l’été, il fixa son départ en vendanges au 18. Derniers raisins coupés dans le Chambertin le 21 septembre ! Vendanges étalées sur un mois donc dans les Côtes bourguignonnes. Certains sont-ils partis récolter trop vite, d’autres trop tard ? Les dégustations après les mises en bouteille le diront !
Quoi qu’il en soit le millésime 2015 s’annonce très bien en Bourgogne, en particulier pour les rouges. Ce sera sans doute plus délicat pour les blancs quand ils auront été récoltés trop tôt et arrangés par l’œnologie… Certains rouges, récoltés également un peu vite, subirent sans doute le même traitement… Le choix de la date de cueillette est déterminant en vignobles septentrionaux, et la parole d’Henri Jayer aux jeunes vignerons dans les années 1980 de grande actualité : « Vivez avec votre temps, apprenez l’œnologie, mais pour apprendre à vous en passer ! » Goûtés le 20 septembre sur pied, les raisins de la dernière parcelle à récolter en Chambertin étaient savoureux. Aucune trace de pourriture à déplorer, de belles grappes aérées, avec beaucoup de millerandage… Pas d’interventions œnologiques intempestives à prévoir donc !
En goûtant les moûts du Marsannay Clos blanc et du Chambolle le 21 septembre chez Bernard Bouvier, installé à Gevrey, mais également président de l’ODG de Marsannay, il avait un large sourire aux lèvres. « 13° dans le Clos avec un PH de 3, 15, c’est parfait ! Pour les rouges il n’y avait pas grand-chose à faire sur la table de tri, les peaux étaient mûres, les raisins parfaits. Après 100 jours, les peaux sont moins épaisses. Il ne fallait quand même pas trop attendre pour vendanger. Cependant, sur Marsannay il fallait quand même attendre la mi-septembre. Inutile bien sûr de chaptaliser, d’acidifier ou de tannifier ! Peu de pigeages seront nécessaires, simplement des remontages… Laissons faire la nature ! Seul problème, ce sera encore une petite récolte.» Les moûts sont délicieux, laissant pressentir la future grande sapidité du millésime.
Même satisfaction chez Yan Charlopin qui terminait le 20 septembre. « 13° dans tous les Grands Crus, de bons PH, c’est superbe ! » Seul bémol, une partie des raisins de son vignoble de Chablis furent sérieusement touchés par la grêle. Grande joie également chez Christophe Roumier qui étala la récolte de sa douzaine d’hectares sur 6 jours. « Les raisins étaient d’une grande qualité aussi bien sur le Clos de la Bussières (monopole) sur Morey que sur les Bonnes Mares et Amoureuses sur Chambolle. Quand on voit un raisin si parfait et homogène, on aimerait qu’il y en ait plus ! »
Remarquable qualité de ce millésime 2015 donc, mais quantité inférieure à la moyenne. Les raisons de cette faible quantité ? Elle est sans doute due à la sécheresse de l’été, débutée en juin et qui se prolongea jusqu’aux pluies de la mi-août, arrivées un peu tard. « Si l’eau était tombée avant la véraison, on aurait eu plus de récolte », constate Bernard Hervet qui ne boude cependant pas son plaisir : « On tient un très grand millésime, en blanc comme en rouge, et dans toute la Bourgogne, et c’est l’essentiel ! » Cependant, s’interroge Christophe Roumier, « C’est peut-être aussi l’année qui n’a fourni qu’un petit rendement ? Et la sécheresse va apporter du caractère au millésime ! »
Emmanuel Rouget et ses fils Nicolas et Guillaume sont partis en vendange le 11 septembre. « Ce n’était pas mûr avant cette date » reconnaît Emmanuel qui, comme son oncle Henri Jayer, recherche la maturité physiologique optimale des raisins qui ne se révèle environ cent jours après fleur passée. « C’est bien sûr toujours difficile de repérer la fin totale de fleur dans chacune de mes vignes, mais cette année elle s’est faite avec une vitesse jamais vue, sur quelques jours ! La sécheresse a ralenti le processus de maturation, et accentué la puissance des tannins. Heureusement la pluie d’août nous a évité une présence tannique excessive, comme en 1995. On aura donc des vins structuré, comme ce millésime, mais moins fermes, des vins très équilibrés et qui seront sans doute très aromatiques. On n’a pas à beaucoup intervenir en cuverie avec seulement des remontages. Les pigeages en fin de fermentation seront doux, un à deux par jour tout au plus ! Laissons tranquillement faire la nature avec cette vendange remarquable… » Et Guillaume d’ajouter : « Quant-aux degrés d’alcool potentiels, ils sont excellents, de 11,8° dans les Hautes Côtes à 14° 1 dans les Beaumonts. Nos vignes en appellation « Village » vont de 12°5 à 13°, c’est parfait ! Beaux équilibres avec des PH allant de 3, 12 à 3, 23. »
Quant-à Bruno Clair, le vigneron emblématique de Marsannay, qui possède par ailleurs une belle parcelle en Clos Saint-Jacques, des Cazetiers et du Chambertin Clos de Bèze, il reconnaît que ce sera une année qui consacrera l’excellence de l’appellation Marsannay qui retrouve tout son lustre d’antan, avec une dizaine de grands vignerons qui ont eu la sagesse de vendanger à maturité optimale.
En vignobles septentrionaux, la vigne a besoin d’une année plutôt chaude, plutôt sèche et très ensoleillée. C’est ce qui s’est produit pour le millésime 2015. Il a sans doute fait un peu trop chaud et sec au moment de la floraison qui s’est passée début juin sur une très courte période. Trois ou quatre jours, ce qui est rarissime ! Cependant la différence de température jour/nuit à ce moment-là a fait qu’il y a eu beaucoup de millerandange, ces petites grumes à un pépin minuscule ! « Dans les vieilles vignes j’ai isolé ces raisins millerandés exceptionnels et les ai mis en cuve intacts », explique radieux Arnaud Mortet. Du coup, certaines cuvées seront issues de grappes entières millerandées dans une proportion importante ! Peu de travail à la table de tri, avec la consigne d’isoler toutes ces merveilleuses petites grappes bien millerandées… Le Lavaux-Saint-Jacques récolté le 10 septembre sera de toute beauté !
Bruno Clavelier, un des plus grands vignerons de sa génération, connait tous ses climats au millimètre près ! Il est un observateur infatigable, et un puriste serein… Remarquant que les 9 et 10 septembre étaient des « jours feuilles » selon le calendrier des bio-dynamistes, il proposa à sa petite équipe de vendangeurs de se reposer et de revenir couper le vendredi 11 septembre la Combe Brûlée. Chaque parcelle fut ainsi récoltée à maturité physiologique optimale, en commençant par son Corton, sa vigne la plus méridionale. « 2015 est un millésime précoce. Ce n’est plus une rareté maintenant, à l’inverse des années qui allèrent jusqu’au début des années 1980, où il n’était pas rare de vendanger fin octobre ! Dorénavant, tous les 3 ou 4 ans on a une année précoce : 2003 avec une récolte fin août, 2007 avec une vendange fin août-début septembre, 2011, 2015, en début de septembre »…
Au domaine Bruno Clavelier, on fait un double tri, à la vigne avec des vendangeurs experts, et à la table de tri en cuverie. « Cette année, c’était facile ! J’avais fait un petit effeuillage au-dessus de la grappe, ce qui rendait le travail encore plus facile. Il y avait beaucoup de millerandage, gage de grande qualité. Associé à cet été très sec, il y avait une concentration extraordinaire en sucres. Il s’agit d’une concentration du fruit, avec de l’acide tartrique en abondance. Ainsi les raisins n’ont pas souffert de la sécheresse. Il y a un excellent dosage de l’acide tartrique. Les pinots sont d’un rare équilibre ! Vendanges en toute sereinité, dans la bonne humeur avec des vendangeurs motivés. Des vendanges «carte postale ! »
Ambiance détendue également au Domaine de la Romanée Conti qui rentrait la Romanée Conti le jeudi 10 septembre matin et les premières vignes de la Romanée-Saint-Vivant l’après-midi. Sous la houlette de Bertrand de Villaine la douzaine de trieurs s’affairaient pour ne retenir que le meilleur… mais c’était très facile ! Et Bernard Noblet, l’œil sur ses chères cuves soigneusement préparées pour accueillir cette vendange exceptionnelle, avait le sourire des grands jours !
Jacky Rigaux
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Merci pour cette revue bourguignonne du millésime. Il semble assez évident que la Côte de Beaune a dans sa grande majorité coupé ses raisins blancs trop précocement et surtout sous une chaleur de plomb. Sans doute est-elle passée à coté d’une année exceptionnelle. De passage entre Chassagne et Meursault le 26/08 j’ai pu observer des coupeurs dans les premiers et grands crus et deguster des raisins verts et pas murs…alors que les opérateurs de crémants n’avaient pas encore débutés leurs récoltes! Georges