Sacrifice des étoiles.
Signe des temps : certains chefs décident un beau jour de jeter la poularde avec la sauce Périgueux et restituent en grande pompe leurs étoiles. Désacralisation. Comme l’a fait récemment l’intransigeant Olivier Roellinger ou, plus près de nous, Jean-Maurice Joris (Les Alpes à Orsières).
Ce dernier est apparu, hier soir, dans une séquence de Mise au point intitulée Etoiles filantes. Bonne émission. Centrée sur deux chefs démissionnaires (Joris et Bouilloux qui, il y a plus d’une décennie donna le ton de la sécession). Avec, dans le rôle de l’herméneute, le critique masqué, François Simon sifflant son café sans avoir touché au dessert. « Moi, je pense que le Michelin, ça fait partie du décorum ; c’est comme les mauvaises émissions de télévision, on se plaint, c’est nul, mais on les regarde. Moi, je pense la même chose du Michelin… »
Signe des temps : certains chefs décident un beau jour de jeter la poularde avec la sauce Périgueux et restituent en grande pompe leurs étoiles. Désacralisation. Comme l’a fait récemment l’intransigeant Olivier Roellinger ou, plus près de nous, Jean-Maurice Joris (Les Alpes à Orsières).
Ce dernier est apparu, hier soir, dans une séquence de Mise au point intitulée Etoiles filantes. Bonne émission. Centrée sur deux chefs démissionnaires (Joris et Bouilloux qui, il y a plus d’une décennie donna le ton de la sécession). Avec, dans le rôle de l’herméneute, le critique masqué, François Simon sifflant son café sans avoir touché au dessert. « Moi, je pense que le Michelin, ça fait partie du décorum ; c’est comme les mauvaises émissions de télévision, on se plaint, c’est nul, mais on les regarde. Moi, je pense la même chose du Michelin… »
Jean-Maurice prenant congé de l'un de ses clients, Frédéric Borrini : c'était au repas de Noël du CAVE, il y a 3 ans !
La veille, dans le Temps, un article surfant sur la vague de la mort annoncée/incertaine de la gastronomie, signé par la pétillante Véronique Zbinden, avait précédé cette émission. Toujours le même thème mais vu à la fois des coulisses et des strapontins, façon consumériste. Certains prix himalayens sont-ils justifiables ? Deux restaurants romands réputés sont épinglés pour leurs prix au forceps. La grande gastronomie est-elle condamnée ? La mode du bistrot conceptuel et ses avatars multiples finira-t-elle par tout emporter sur son passage ? Ou, alors, les molécules savantes introduiront-elles de telles distorsions que, comparées à elles, la physique quantique et la théorie des cordes apparaîtront bientôt comme des loisirs de dilettantes ? On peut toujours rêver…
Une image superbe : Eckart Witzigmann et Shuzo Kishida (restaurant Quintessence, Tokyo). Eckart a reçu le titre de "cuisinier du siècle" en compagnie de F. Girardet, J. Robuchon et Paul Bocuse. Shuzo est un des plus jeunes *** au monde.
Que se passera-t-il après Paul Bocuse et le Michelin ?
Déjà, l’axe s’est déplacé en direction du Japon, véritable terra incognita qui reste encore à défricher et qui, soit dit en passant, question tirage, cartonne… Encore plus d’étoiles à Tokoy dans le Bibendum 2008. Et ce n’est pas fini ! Pourquoi ? Une des réponses, que personne n’ose, s’appelle « main d’œuvre malléable et corvéable à merci ». On peut discourir à l’infini. La grande cuisine coûte cher. Les produits, certes, pèsent dans le budget. Mais, surtout, beaucoup de petites mains. Pour laver, éplucher, éplucher, touiller, mouliner, saisir, atteler, sangler, dresser le tout ! Ceux qui survivent, en France ou ailleurs, sont soit des entreprises familiales à l'économie rodée depuis plusieurs générations, soit des structures intégrées dans un groupe, véritable multinationale du goût, aux enseignes mondiales, au savoir-faire et au faire-savoir très codifiés (versus Ducasse ou Robuchon).
Déjà, l’axe s’est déplacé en direction du Japon, véritable terra incognita qui reste encore à défricher et qui, soit dit en passant, question tirage, cartonne… Encore plus d’étoiles à Tokoy dans le Bibendum 2008. Et ce n’est pas fini ! Pourquoi ? Une des réponses, que personne n’ose, s’appelle « main d’œuvre malléable et corvéable à merci ». On peut discourir à l’infini. La grande cuisine coûte cher. Les produits, certes, pèsent dans le budget. Mais, surtout, beaucoup de petites mains. Pour laver, éplucher, éplucher, touiller, mouliner, saisir, atteler, sangler, dresser le tout ! Ceux qui survivent, en France ou ailleurs, sont soit des entreprises familiales à l'économie rodée depuis plusieurs générations, soit des structures intégrées dans un groupe, véritable multinationale du goût, aux enseignes mondiales, au savoir-faire et au faire-savoir très codifiés (versus Ducasse ou Robuchon).
Une chose est certaine, un certain modèle de restaurant gastronomique a vécu. Et avec lui, sans que les intéressés eux-mêmes n’en mesurent exactement le séisme, une forme de critique gastronomique et les guides qui l’accompagnent. Reste à inventer la trajectoire et le rythme qui l’accompagne.
33 Comments
1/2. Pour parler d’un milieu que je connais un peu, et de choses que j’ai vécues par procuration ou entraperçues via des proches, les parallèles entre le métier de comédien de théâtre (j’insiste sur le "de théâtre") et celui de grand chef étoilé en exercice sont saisissants ! Trac avant le service, tension continue sur « scène », besoin de plaire à son public, de le surprendre, etc.
Je ne peux m’empêcher de penser que ce « laboratoire » haut de gamme qu’est la haute gastronomie est nécessaire à l’évolution de la cuisine, tout comme la haute couture est nécessaire et utile au prêt-à-porter. Mais peut être me trompe-je ?
Quand Jacques interroge quant à la possible disparition de certaines « formes » de restauration, je ne peux m’empêcher de penser que l’approche la plus juste de la chose est sans doute celle qui voit le phénomène gastronomique de façon dynamique, dans le temps. J’ai relu cet après midi le grand (au sens propre et figuré) article « Histoires du goût » publié dans le Vinifera de Novembre 2006 (N°34) : il est formidablement intéressant de reprendre la mesure du « glissement », de l’enchainement des phénomènes au fil des siècles ; des façons de cuisiner certes, mais aussi du service, des techniques, des thèmes, des préceptes et approches gastrosophiques, tout cela.
2/2. Je ne pense pas que les brasseries « hype » mangent les grands étoilés à la longue, que le moléculaire fasse table rase définitivement du passé et du produit,. Tout n’est que mouvement, évolution, changement, mais dans une logique de transformation, de re-modélisation. Rares sont les brisements soudains qui cassent tout et font table rase. Tout est connecté, lié.
Nous voyons souvent les choses avec notre échelle (humaine) du temps, à court ou moyen terme, rarement à long terme (forcément !). Mais dans 50 ans, les vivants se retourneront sur notre période gastronomique actuelle avec sagesse et verront peut être à quel point l’on a su intelligemment garder les apports bénéfiques du moléculaire et autre modernité dans le « connaître » et donc la transmission du « savoir » pour « faire » encore mieux, meilleur, plus précisément, plus justement.
Ah oui ! Si je peux me permettre : le beaujolais nouveau est sur une pente très savonneuse, je ne souhaite pas au Michelin de dévaler là même, elle risque d’être encore plus terrifiante que la Combe d’Enfer et le Grand Chavalard…
TECHNIQUE – Gr. technikos, qui concerne un art.
1 – Principalement, de nos jours: ensemble de procedes, fondes sur des connaissances scientifiques et non plus empiriques, mis en oeuvre pour obtenir un resultat determine. Les techniques ainsi entendues sont des applications de la science; mais le but de la technique est la production, tandis que celui de la science est la connaissance.
"L’essor de la pensee scientifique dans ses formes contemporaines se revele comme une solidarite du genie et de la technique. La nature est alors vaincue deux fois, vaincue dans son mystere et vaincue dans ses forces. L’homme ordonne la nature en mettant a la fois de l’ordre dans ses pensees et de l’ordre dans son travail."
Bachelard, L’activite rationaliste
(…)
2 – Par opposition a scientifique et a esthetique: qui consiste en certains procedes de travail ou de production supposant un savoir-faire developpe par l’apprentissage, mais non un savoir theorique ou des dons artistiques particulierement developpes.
"J’appelle technique ce genre de pensee qui s’exerce sur l’action meme, et s’instruit par de continuels essais et tatonnements. (…) Quel est donc le propre de cette pensee technique? C’est qu’elle essaie avec les mains au lieu de chercher par la reflexion."
Alain, Humanites
Il y a une photo de la Combe d’Enfer dans le dernier numéro de Vinifera ?
Laurent
Très beau titre, Grand Jacques et texte méritant une analyse détaillée.
La grande cuisine s’est toujours adaptée aux circonstances économiques, et là, pas de doute, ce qui nous tombe sur le paletot, aura de sévères répercussions sur la table… et ses additions démentes.
Certes, il restera un petit carré du très grand luxe, style le V du George V pour accueillir les nantis qui ne dépendent pas de placements "pourris" (et il y en a).
Camdeborde est un peu l’exemple de ce qu’attendent les parisiens, non ?
Il fut un temps où, pour travailler chez un ***, l’arpète devait payer !
Va t’on revenir vers une cuisine bourgeoise discrète ? Probablement qu’elle aura sa clientèle fidèle.
Verra t’on la fin des maisons à la mode, style BON que critique avec sa faconde habituelle François Simon ? Probablement que non car il y aura toujours de jeunes yuppies – moins qu’avant – pour qui voir et se faire voir sera plus important que ce qu’il y a dans l’assiette.
Naret est loin d’être idiot, et comprend bien cela, notamment quand il évoque les "bibendum" qui eux, sont franchement une bonne info.
A suivre…
Fontenelle vécu centenaire et avec un copian ils adoraient les asperges: Fontenelle les aimait au beurre son ami cuite à l’eau. Au cours d’un repas s’écroulela tête dans l’assiette: alors Fontenelle fonce en cuisine en hurlant "toutes au beurre toutes au beurre!!" je l’ai peut être déjà racontée
L’ami s’écroule …….scusi……
Yves, le copain de Fontenelle s’appelait Voltaire!
Pin parasol ou ombrelles?
Armand je crois qu’il avait DEUX copains car Voltaire n’a pas fini la tête dans une assiette que je sache et puis lorsqu’on disait à Voltaire qu’il passerait M De Fontenelle dans l’art de vivre longtemps il répondait "Ah Monsieur, Fontenelle était Normand; il a trompé la nature" je cours relire mon Jean Orieux!
Oui. Comme disait l’autre, ‘ils meurent tous dans leur lit’
Er c’est dailleurs un sacré manque de savoir-vivre, Heeter!
Bien d’accord. j’admire votre sens de l’economie.
Là:
orlandoderudder.canalblog…
le beurre s’est transformé en huile avec Terrasson.(confirmé par ailleurs par Alexandre Dumas, grand amateur de Montrachet)
Ici:
http://www.humanite.fr/1996-03-2...
c’est avec la Pompadour.
Vertigineux progressisme / Implacables tourbillons
Agitation culinaire ?
madame.lefigaro.fr/cuisin…
caviar ?
madame.lefigaro.fr/cuisin…
Mon Dieu…… ayez pitié de nous!!!!!!!!!!!!
Grand Jacques: une décade c’est dix jours et non dix ans (soyons impitoyable!!!)
Quelle horreur ! C’est corrigé. Je devais penser à ce film avec Orson Welles, La décade prodigieuse. Merci Yves. Vous êtes prodigieux.
Les tables de l’année (Le Figaro) :
http://www.lefigaro.fr/scope/art...
Mon dieu……… ayez pitié de nous!
http://www.lefigaro.fr/vins/2008...
Dans lequel LPV et BB vous aideront à acheter du vin …
http://www.lefigaro.fr/scope/art...
Boulangeries, poissonneries, boucheries …
(tout sur Paris, hein !)
Mon dieu …….. ayez pitié de nous!
Yves, êtes-vous bien certain que tout le monde comprend bien le sujet de vos appels à la pitié divine ?
Très Saint Père: chaque fois que Laurentg évoque une feuille parisienne que je ne citerai pas (le seul "journal" pour lequel Edouard Balladur qui est quand même un connaisseur jugeait utile d’enfiler des gants de soie)je me signe, j’invoque la bonté divine, peut être cela l’aidera-t-il à retrouver un peu de lucidité et élargir ses sources!
Yves,
Etes-vous au moins allé voir le site du CIRET ? 🙂
(je n’ai pas d’estime particulière pour le goitreux …)
Merci Yves pour ces précisions théologiques. J’avais cru comprendre autre chose, une animosité à peine rentrée face au cardinal FS…
http://www.ladepeche.fr/article/...
Pendant ce temps: http://www.rollingstone.com/rock...
Fontenelle pour la vie
http://www.fyma.ucl.ac.be/files/...
Justement Grand Jacques "y avait d’la pomme mais y avait d’ça aussi!!"
– "Tout cede et rien ne tient bon" Heraclite, fragments
Quatre cliches pour un triptyque resolu: http://www.tierslivre.net/spip/s...