« On est ici pour se faire plaisir, on a le temps. Ces vins nous ont attendus. Nous allons tout goûter à l’aveugle… Dans le vin, il n’y a aucune vérité définitive, juste des impressions que nous échangeons, n’hésitez donc pas à vous exprimer ! » déclara notre symposiarque aux quelques convives privilégiés, membres du C.A.V.E., qui avaient pris place dans le salon privé du Chat Botté.
Laurent Vialette (troisième depuis la droite)
Et la conversation de s’engager autour d’un magnum de Lanson Brut rosé (fin des années 70), doté d’une belle alacrité. Avec de nombreuses questions : à quelle température conserver son vin ? comment déboucher de telles bouteilles ? avec quel type de tire-bouchons ? combien de temps à l’avance ? faut-il décanter en carafe ?
Le Foie gras de canard des Landes pressé, gelée et mangue Thaï, tagliatelles de gingembre confit
Sur cette très jolie première entrée, tout à fait au « goût du jour », un premier flight de deux vins. Le premier aux nuances « grasses », beurrées et grillées et le second, antithétique dans son expression aromatique et sa forme en bouche, plus élancée, plus tonique, plus vibrante aussi. Avantage donc à la Coulée de Serrant qui révèle de belles harmoniques sur ce foie gras fusion.
Meursault 1er Cru 1964 Louis Jadot
Coulée de Serrant 1964
Coulée de Serrant 1964
La Grenouille de Vallorbe en gigotin et tempura, mousseline de pousses d’épinards, crème d’ail
On retrouve ici – et c’est le « piège » amicalement disposé par notre commensal – le même couple antithétique, dans des millésimes plus récents.
Meursault Perrières 1991 Pierre Morey
Coulée de Serrant 1983
Coulée de Serrant 1983
Dans ce millésime irrégulier le Meursault-Perrières de Pierre Morey tire parfaitement son épingle du jeu, même s’ il souffre un peu de la comparaison avec la Coulée de Serrant 1983, fuselé, complexe, doté d’une grande énergie interne. Un vin cristallin, tendu, qui affiche une présence hors normes. Pourtant, sur ce (superbe) plat, c’est finalement le Meursault qui l’emporte.
La Langoustine du Cap en kadaïf, vinaigrette aux agrumes, chiffonnade de basilic
Finement « pétrolé » sur des notes d’agrumes, encore beaucoup de vivacité dans l’expression fruitée, un peu exotique. Très bel équilibre. Ce vin tonique traverse avec une aisance déconcertante ce plat exceptionnel de Dominique Gauthier. Jeu sur les textures, séquences aromatiques et gustatives qui se relancent. Tout y est. Et cette vinaigrette aux agrumes qui accompagne la Langoustine : jus d’orange, safran, huile d’olive, tomates confites et une chiffonnade de basilic. Tout est en place, serein, évident. Une magnifique illustration de la lumineuse cuisine de Dominique Gauthier.
Le Cabillaud Skrei des mers du nord, en tranche épaisse dorée sur épices, lait de coco en infusion de thé vert, spaghettis de papaye verte
Château Desmirail 1928 Margaux
Château Léoville Las Cases 1937
Château Léoville Las Cases 1937
Un bon Desmirail, ample, généreux qui se surpasse parmi ces rivages exotiques, mais la surprise provient ici de l’étonnant Las Case que l’on n’attendait pas à ce niveau. Un participant lui trouve des notes de thé vert. Comme si elles répondaient à l’infusion coco-thé vert qui souligne d’un trait léger le Skrei miraculeux, frotté d’épices.
Dominique Gauthier, le chef du Chat Botté et Jean-Christophe Ollivier, chef-sommelier
Je rappelle ici que Skrei vient de skrida (migrer) : après les premières années de sa vie dans la mer de Barents, au nord de la Norvège et de la Russie occidentale, le cabillaud articque, au moment de se reproduire, vient frayer à proximité des îles Lofoten. Là, dans les fjords labyrinthiques, son alimentation se modifie, sa chair se transforme, devient translucide, nacrée. C’est la magie du Skrei que les pêcheurs attendent au contour, de janvier à mars, le coeur battant.
Désolé pour les conditions d'éclairage : la prochaine fois, j'amènerai ma lampe-torche !
L’entrecôte de Bison roulée au poivre, jus épicé, pomme fondante et foie gras
Château Branaire 1953
Château Pape Clément 1953
Château Pape Clément 1953
Ce flight de deux vins issus d’un millésime contrasté (été chaud mais pluies à la mi septembre) tourne nettement à l’avantage de Pape Clément dont les notes de cendre froide, de thé fumé sont bien présentes et auraient tout de suite nous mettre sur sa piste. Sa texture, son caractère suave me l’ont fait prendre pour un rive droite. « Fumé = Pessac. Truffe = Pomerol ! » – « Mais bon sang, c’est bien sûr !…)
La sélection des fromages frais et affinés
Château Perle Blanche Cuvée Florentine 1990
Château Perle Blanche Cuvée Florentine 1990
Cette cuvée prestige de Mähler-Besse est issue majoritairement de sémillon (en provenance d’un cru classé de Barsac). Joli vin, un peu linéaire, mais qui se marie parfaitement avec les fromages présentés.
Nage de fruits frais et granité
Sorbets Citron / Framboise / Noix de coco
Sorbets Citron / Framboise / Noix de coco
Avec ce dessert Laurent Vialette avait choisi un Château Raymond Lafon (millésime ?). On déguste en semi-aveugle ce vin de demi-corps aux nobles amers, aux notes d’agrumes confits, de quinquina. L’accord avec le dessert est parfait, même si on ne saura jamais quel est le millésime exact. LPV penche pour la fin de la seconde décennie du 20ème siècle, « un 1918 peut-être… » Peut-être un 1920 ? Who knows ?
Une chose est sûre : il ne s’agit pas d’un 1921…
8 Comments
Peccato non esserci….
Vialette tu est un grand!!
Chaque bouteille une sourprise!!
a bientot
Gabriele
Quels beaux produits avez-vous gouté, vous avez dû vous régaler.
Mais une question me turlupine. Pourquoi il ne s’agit pas d’un 1921 à coup sûr ?
C’est vrai ça : énigme bizarre. Info lue sur le bouchon le lendemain matin, hors des brumes qu ne manquent jamais d’apporter les flacons si particuliers du Petit Laurent ?
Voilà des expériences à renouveler : bravo !
Bob Parker says :
"Le vignoble de Raymond-Lafon, contigu à D’Yquem et entouré des premiers crus de l’appellation, fut créé au XIXe siècle par Raymond Lafon. C’est en raison de sa création récente qu’il ne fut pas classé en 1855, mais il jouit d’une excellente réputation. A l’heure actuelle, il occupe une superficie de 16 ha, la plupart des parcelles étant regroupées autour du château, sur les communes de Sauternes, Bommes et Preignac. On considère même qu’en 1921, grand millésime s’il en fût, ce cru (que je n’ai pu goûter!) surpasse le plus célèbre et le plus prestigieux des Sauternes – D’Yquem (que j’ai goûté !)."
Ce vin est une légende mais quasi personne ne l’a bu. Peut être le père Audouze ?
😉
Raymond Lafon : s’il y a un cru liquoreux où le safran domine de la tête et des épaules : c’est lui.
Mon préféré. Point.
Pour une fois 😉 Je suis d’accord avec toi, François
Grand Jacques :
Avec photoshop elements tu peux sans souci corriger le manque de lumière, sans y apporter trop de grain. Teste.
Mine de rien, un grand menu ! Bravo.
Pfff…y en a qui on de la chance!
Pour les vieux millésimes, je sais pas mais pour les nouveaux je préfère nettement Tour Blanche, sorry