25 septembre 1980 on déroule l’histoire à l’envers : John Bonham, le charpentier de Redditch, l’immense batteur du LZ, est retrouvé mort, à l’étage, étouffé.
Avant lui, il y avait déjà eu Jimi Hendrix, à mourir ainsi…
Est-ce cela, le destin ? Les étoiles doivent-elles finir de cette façon, une nuit ? Etouffées dans leur vomi…
Et finalement serait-il mort aussi de cela, Bonzo ? de cette fêlure qu’il creusa, patiemment, dix ans durant, dans la gloire inouïe, délétère ; d’avoir souvent franchi la limite, d’avoir voulu posséder les êtres et les choses comme s’il savait, Bonzo, que tout lui serait retiré très vite ; d’être allé là où même le chien noir se refusait à aller ? François Bon ne le dit pas, mais il s’attarde, un peu, sur la légende noire, cette scène originelle avec The Dog Act et la figure du squale sodomite.
Désormais, nous n’écouterons plus Black Dog. Plus de la même façon.
Désormais, nous n’écouterons plus Black Dog. Plus de la même façon.
Désormais, nous n’écouterons plus Black Dog. Plus de la même façon.
Dans la rage des seventies
« Les années soixante-dix on est déjà pile au milieu, nos dix-sept ans quand elles ont commencé et adultes, ou le croyait-on, quand elles finirent : c’est donc eux qui les incarnent, les quatre devant nous sous les projecteurs, dans cette pulsation lourde de batterie, Led Zeppelin. » (François Bon)
Et cette énergie, soudain libérée, décuplée parmi le feu des amplis – riffs rageurs, « you got so much, so much… », roulements de toms, raucité de la voix qui soudain vous vrille dans les aigus, au bord de la rupture, cette énergie, il semblait qu’elle ne dût jamais finir. Qu’elle irradiait même. Tous ceux qui vivaient dans sa plus grande proximité, mugissement des baffles. Et nous aussi qui, happés par cet orbe, tentions d’y revenir, laminés, parés d’une grâce et d’une écoute nouvelles :
« Assez connu. Les arrêts de la vie. Ô Rumeurs et Visions!
Départ dans l'affection et le bruit neufs ! » (Rimbaud)
Départ dans l'affection et le bruit neufs ! » (Rimbaud)
Comme la rencontre, sur une scène, du vaisseau incandescent et du jugement synthétique a posteriori..
Pourquoi Led Zeppelin est définitivement le plus grand groupe de rock de la planète ?
Prenez tous les grands groupes de rock : leur formation, l'armature, l’alchimie secrète qui, tout à coup, préside à leur envol, paraissent tellement marquées au sceau du destin qu’on rêve un instant sur la clarté des choses.
Comme cette étrange rencontre, à la fin, sur une scène (Berlin 7 juillet 1980), au moment où cesse la musique – quand on ne sait pas encore que ce sera la dernier concert – du vaisseau incandescent, entré dans sa propre légende, et du jugement synthétique a posteriori.
Pourtant, il n’y a rien de linéaire et de logique dans nos vies, dans la façons dont elles filent, s’infléchissent, se recoupent, se traversent, se perdent.
Juste cette évidence, après coup. Celle du biographe qui, dans les silences et l’indécision de l’ombre, retisse avec patience la toile où ce destin fut un jour capturé.
Trajectoires. Deux musiciens de studio, réputés, surdoués, John Paul Jones et l’énigmatique Jimmy Page, star déjà flamboyante des Yardbirds, palimpseste de l’imminent Led Zeppelin. Ils se croisent souvent, entre deux consoles, même si, peut-être, ils n’étaient pas fait pour se rencontrer. De l’autre côté, deux anonymes (ou presque), des inconnus, qu’on (Terry Reid) leur recommande : John Bonham, batteur implacable, charpentier de Redditch, énergie primaire, rampe de lancement et Robert Plant, archange des tessitures, félin en liberté.
Et puis, le cinquième homme, Peter Grant, omniscient géant et, aussi, démiurge d’un groupe dont il a, le premier, su déceler le potentiel et dont il façonnera l’image. Tout en la faisant juter. Au risque de jeter l’éponge.
Pour le reste, lisez absolument François Bon : tout y est. Les autres groupes sont fondés sur des déséquilibres, des luttes de clans ou d’egos, des factions, des dictatures (Lennon-McCartney, Jagger-Richard contre Brian Jones, Pete Townshend, etc.) Pas eux, pas le Led Zeppelin. Chacun tient ici un rôle clé. Même le secluded John Paul Jones qui des années durant a fait « hôtel à part ». A tel point que, Bonzo anéanti, le dirigeable a crashé, ne lui a pas vraiment survécu.
Destins de rock star, « Merci à toutes les filles d’Amérique… »
Cette vie-là, sincèrement, qui en voudrait ? La gloire, certes. Facile. Vaine.
Cette vie-là, sincèrement, qui en voudrait ? La gloire, certes. Facile. Vaine.
On s’aveugle à ses propres illusions. Jeunes dieux dans un monde en pleine mutation.
Ils allument des incendies, traînent des cœurs anonymes et laissent des déserts derrière eux, et dans leurs vies. Le sexe, bien sûr. Toutes ces nuits où l’on ne dort pas, ces corps vite oubliés, dans la litanie des villes et des hôtels que l’on traverse. Jouissance sans fin. « Merci à toutes les filles d’Amérique… »
Tandis que son corps a soi réclame juste un peu de silence, une minute de répit.
Tandis que son corps a soi réclame juste un peu de silence, une minute de répit.
Mais celui qui fait le guet, qui vous attend, frère de hasard, rencontré au fond d’une nuit, au moment de prendre le dernier verre ou le dernier shoot, serait-ce déjà l’ennui ?
Alors, s’inventer des chemins de traverse, découvrir de nouveaux jeux, sortir des fouets, franchir des frontières, vite, comme si ce monde était devenu trop petit !
Et si on devinait déjà que tout ceci pourrait un jour rejoindre sa fin ?
Et si on devinait déjà que tout ceci pourrait un jour rejoindre sa fin ?
Quand on a effleuré ces intensités, quand on a été marqué au rouge de ce fer, jamais on ne voudra redescendre, perdre de l’altitude. On continuera à tutoyer les dieux.
Peu importe la méthode. Seule compte l’illusion de demeurer dans ces hauteurs-là !
Peu importe la méthode. Seule compte l’illusion de demeurer dans ces hauteurs-là !
Demeurer dans ces hauteurs-là… Kashmir, vers la fin. Bonzo est grandiose.
« Et nous, pendant ce temps-là, on lisait Nietzsche dans nos chambres d’hôtel. »
Et pourquoi Robert Plant, le chanteur feulant, voudrait nous faire croire à cette fiction d’une vie studieuse, à des sagesses d’après concert alors qu’une partie de ses amis, déjà, dansaient au bord de l’abîme et que nous, pauvres mortels, Grecs pétris dans la glaise de l’hubris, devinions confusément que, pour nos conforter dans nos pauvres vérités, le vaisseau un jour s’embraserait définitivement ?
Cet épisode pourrait s’intituler «on achève bien les rock stars». La liste est longue. Comme un tribut payé à d’invisibles forces.
Et pourquoi Robert Plant, le chanteur feulant, voudrait nous faire croire à cette fiction d’une vie studieuse, à des sagesses d’après concert alors qu’une partie de ses amis, déjà, dansaient au bord de l’abîme et que nous, pauvres mortels, Grecs pétris dans la glaise de l’hubris, devinions confusément que, pour nos conforter dans nos pauvres vérités, le vaisseau un jour s’embraserait définitivement ?
Cet épisode pourrait s’intituler «on achève bien les rock stars». La liste est longue. Comme un tribut payé à d’invisibles forces.
Le livre de François Bon précise cette mythologie ; il revient en détails sur cette accélération prodigieuse d’une histoire, certes anecdotique, mais où se lisent les grands thèmes de notre temps ; il décrit ce prodige de la naissance et de l’envol du Led Zeppelin, cette mémoire partagée avec celles et ceux qui ont eu vingt ans dans les seventies.
On peut entrer dans ce portrait de Led Zeppelin par le milieu ou par la fin. Peu importe.
François Bon ne cède pas à l’illusion, celle d’un temps chronologique, linéaire et bien ordonné.
Le temps du Led Zeppelin, c’est d’abord ce souffle, énorme, devant les baffles, cette énergie tout entière condensée dans la vie démultipliée, temps pulsé comme une houle au milieu des corps.
Ecrire, c’est capter ces blocs d’intensité, restituer ces aspirations ; rameuter cette mémoire qui file dans le bruit assourdissant, ces vitesses et ces éclats, ce qui s’estompe lorsque les projecteurs s’éteignent.
Et c’est cela également la passion du livre de François Bon. A lire avec les musiques qui vont avec.
Et c’est cela également la passion du livre de François Bon. A lire avec les musiques qui vont avec.
Le livre François Bon, Rock’n roll, un portrait de Led Zeppelin, Albin Michel
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Kashmir … ascendant, lancinant, himalayen …
J’ai le souvenir d’avoir fu un film montrant les débuts de Led Zeppelin, dévoilant leur nouveauté à un public u
familial un brin médusé, ressemblant comme 2 gouttes d’eau à celui d’une après-midi de Jacques Martin.
Hallucinant, médusant, anachronique !
Et cette musique à nulle autre pareille, intemporelle !
Et voilà Kahsmir pour vous Laurentg, il suffisait de le demander !
Et beh Grand Jacques : je me prends à rêver aux textes que tu aurais écris du temps du grand jean Sébastien Bach si, en sus, tu aurais eu pour lui 10 % de cette passion pour ton Graf des synthé !
Jacques
Kashmir version Mime Marceau ? 🙂
Ah, non, c’est un peu plus haut …
Merci
Pink Floyd, Led Zep, Lou Reed …
Je ne sais pas ce que cela aurait pu donner François. Cela dit, j’écoute souvent Bach et je l’ai pratiqué, un peu, au piano. Mais voilà, je suis né au milieu de ce tumulte et je suis tombé dans la marmite du rock quand j’avais quinze ans…
François,
Très loin des décibels du Rock n’Roll, …
J’ai un tuyau en or massif pour un concert de Gustav Leonhardt le 28 avril prochain à 100 m de chez moi seulement.
Laurent
Laurent,
Bach ne fait peut être pas très Rock’n’roll comme ça sur le papier…
…mais il a quand même eu 20 enfants issus de deux mariages successifs ! Un créateur au sens le plus poussé du terme.
Sa musique et le niveau technique nécessaire pour la jouer (notamment pour les diverses formes de claviers : orgue, clavecin, etc) étaient sans doute très avant gardistes et exigeants pour l’époque, à la manière des musiciens Rock qui – pour les meilleurs – sont souvent de très grands techniciens avant d’être des artistes au sens le moins stable du terme. D’abord maitriser à la perfection le conventionnel avant d’ouvrir des brèches inconnues. Un peu comme Picasso avant de devenir ce qu’il a été, pour donner dans le parallèle pictural.
Bach est le compositeur qui a inspiré entre autres Mozart et Beethov, rien moins (même s’il semble qui se soit lui même inspiré du génial et fantasque Vivaldi, une autre « grenouille de bénitier hors classe » – je le dis avec respect -). Bref, un précurseur, comme les Hendrix et consorts l’ont été en leur temps.
La boucle est bouclée. Ou presque ?
Jacques, y’a t-il des exemples de dévots géniaux « habités », dans le Rock ?
Laurent :
mon mail : [SPAM: proposer son adresse aux robots collecteurs est imprudent]
Si je ne suis pas au Japon à cette date, je serai là !
Nicolas :
C’est tellement juste tout cela : et Coltrane qui vient de sortir un superbe CD Bach.
Jaquounet : tu as des lecteurs et intervenants *** !
Mais, un de ces jours, faudra que je t’explique pourquoi le Floyd est de loin autre chose, ailleurs que tous les autres réunis.
Tu as raison de le souligner, François, ils sont *** et je les en remercie.
Je suis heureux de voir que, comme Jim Morrison, Coltrane (pour moi le modèle absolu en terme de jazz) n’est pas vraiment mort, puisqu’il sort des CD ! euh… tu veux parler de Raphaël Imbert ?
Faudrait comment même pas pousser et oublier Miles Davis qui a révolutionné le jazz comme personne avant lui (ni après d’ailleurs). N’oublions pas non plus la parabole du mythe d’Orphée: en art, il ne faut jamais trop regarder en arrière, la comparaison ne fait pas toujours sens.
François-René Simon dans le hors série de Jazz Magazine d’octobre 1991 consacré à Miles Davis : « "Jazzman de la fin qui approche" comme l’appelle Jacques Réda, maintenant qu’elle est là pour lui cette fin, soudain une angoisse : qui pour faire reculer la fin du jazz, désormais ? »
Je suis dingue de Miles Davis ! Il me semble que rarement un musicien – et avant tout un artiste – aura traversé les époques et les courants (quand il ne les pas créés !) avant autant d’avant-gardisme et d’instinct, des débuts de be-bop à son dernier album, posthume, aux accents "hip-hop groovy". Un type qui savait s’entourer, inventer, et qui produisait un grain de son unique, fragile et décadent, génial… les rebondissements de ses relations avec Coltrane feraient un bon bouquin, si ce n’est déjà fait !
Pour réconcilier tout le monde : http://www.dailymotion.com/relev...
Mais on s’éloigne de plus en plus de Led Zep, non ?
Pourquoi ai-je entendu plein de promo sur un CD Coltrane et Bach ? Les extraits étaient superbes : on ressuscite un vintage ?
De ce point de vue, le David de Michel Ange est-il plus "original" que celui de Donatello?
Oh well
François Bon celui du Tiers Livre??
Oui, François Bon du Tiers Livre : il a plus d’une corde à sa Fender cet homme-là. Et en plus il nous lit !
François, il s’agit de Raphaël Imbert avec le Quatuor Manfred et Jean-Luc di Fraya, disque intéressant sorti en décembre 2007, je crois. Je préfère Coltrane dans l’original et les partisans de Bach donneront leur avis, je l’espère.
He He! nous aussi on le lit!
Merci et bravo pour cet article! Led Zep, Pink Floyd, Uriah Heep et j’en passe, années bénies des dieux du rock! Le grand frisson au même titre qu’un lever du jour au sommet d’une montagne ou qu’un verre d’Yquem.
A nouveau, jusqu’au bout http://www.youtube.com/watch?v=I...
Plus de FAI QUEL BONHEUR!!! la lecture :Le grand Pavese………Xingjian "la montagne de l’âme" et Coetzee
François Bon que pense-t-il des poèmes de jeunesse du grand Zim qui viennent d’être publiés
entertainment.timesonline…
message à laurentg interrompu de longtemps: quitte à lire quelque chose de l’infâme Gobineau plutôt que "nouvelles asiatiques" ses "lettres à la princesse toqué" adressées de Perse à sa fille (celle dont nous parle Alberto Savinio dans un des ses bouquins "La baronne Güldenkrone, fille du comte Gobineau et femme du ministe plénipotentiaire de Norvège………." c’est mieux!!
Bon c’est pas le tout mais y faut que j’aille faire mes excuses à ce bon M Mauss pour un post un peu sec sur son blog sur François Simon mais bon dès que je lis son nom je suis comme Peillon lorsqu’il croise Fabius!
Cheap thrills http://www.youtube.com/watch?v=P...
Duo rock
youtube.com/watch?v=i00WC…
http://www.google.com/hostednews...
Comme Yves, je me méfie des classements … mais bon … 🙂
Providentiel
http://www.evene.fr/cinema/films...