1961 est une année importante, non seulement pour les corps célestes qui, par résolution de l’ONU, peuvent désormais être explorés par tous les Etats, mais aussi pour les crus de Barolo : cette année-là, il est fait mention pour la première fois d’un cru sur une bouteille de Barolo. Le cru, c’est Bussia et le producteur s’appelle Prunotto. Dans un temps plus reculé, on peut mentionner le Cannubi 1752 de la famille Manzone mais peu de personnes vivantes en ont la mémoire…
Plus tard, au milieu des années 80, le journaliste Véronelli a beaucoup œuvré pour que les producteurs se lancent dans l’isolation parcellaire et fassent mention du cru. C’est dire à quel point la « philosophie » du Barolo, dominé par les grandes maisons, était proche jusque-là de celle d’un vin d’assemblage.
La véritable délimitation de provenance des crus commence au début des années 1990 et a pris beaucoup de temps. Pourtant, il existe quatre étapes antérieures importantes, selon Alessandro Masnaghetti, qui sont comme des jalons dans l’histoire des crus de Barolo :
1. Le livre de Lorenzo Fantini sur la vitiviniculture de la région de Barolo (1879) : Monografia sulla viticoltura ed enologia nela provincia di Cuneo
2. La carte du Barolo établie par Vignolo Lutati en 1929
3. La carte du Barolo établie par Renato Ratti en 1976
4. L’Atlas de Slow Food
Alessandro Masnaghetti
Avec la dernière délimitation et hiérarchisation établie par Alessandro Masnaghetti, on entre dans une nouvelle ère pour les 170 crus répertoriés de Barolos. Plus fine, plus précise, étayée par un vrai travail sur le terrain et corroboré par la dégustation, la hériarchie d’Enogea, si elle suscite la discussion, a au moins le mérite de secouer un peu le cocotier. De toute façon, précise Alessandro, « nous ne sommes qu’au début, car nous n’avons pas encore de connaissance spécifique du sol… »
Au sommet de son panthéon (*****S), A. Masnaghetti place quatre crus : le Brunate et le Cerequio à La Morra, le Rocche di Castiglione à Castiglione/Monforte) et le Vignarionda à Serralunga. Et le Cannubi ? Trop vaste et hétérogène dans ses expositions, rétorque Masnaghetti. Et il faudrait distinguer le Cannubi, le Cannubi Boschis, le Cannubi Valletta, le Cannubi San Lorenzo.
« Ne goûtez pas les vins en pensant au style du producteur. Il faut essayer d’oublier ça. A ce stade, c’est mieux de ne pas trop analyser le nez : quand il est vieux, le nebbiolo est un cépage de parfum ; quand il est jeune, c’est un cépage de tanins. Goûtez la qualité des tanins, et les différences ! » prévient AM.
Pour se procurer la Classification des terroirs de Barolo, voir ici :
Les vins de la première soirée :
Barolo 2008, Monvigliero, Fratelli Alessandria Fin et floral dans son expression, il se distingue par son corps souple et délié, articulé sur la fraîcheur caractéristique du millésime. Tout en finesse, le Monvigliero, cru de Verduno, est illustré ici par cette très jolie bouteille.
Barolo 2007 Serra dei Truchi, Osvaldo Viberti Ce cru de La Morra est ici saisi à travers ce vin, assez puissant, au corps généreux, encore un peu brut de décoffrage.
Barolo 2007 Monfalletto, Cordero di Montezemolo Situé sur La Morra, ce cru est célèbre pour le cèdre du Liban qui le surmonte. Selon Masnaghetti, la partie Gattera est un peu moins qualitative que le Monfaletto proprement dit (classé ****). Beaucoup de race sur ce vin avec des arômes de goudron et de pétale de rose et une architecture précise sur une finale séveuse. « Ce vin a beaucoup changé ces derniers mois » précise AM.
Barolo 2008 La Serra, Marcarini Superbe finesse d’expresion pour ce vin issu de l’un des meilleurs terroirs de la Morra (classé ****). Le tanin est ferme mais apaisé sur une forme de bouche fuselée.
Barolo 2007 Brunate Oddero L’apparence du vin est quasi « bourguignonne ». Belle bouche énergique, avec une pointe d’austérité, « caractéristique du Brunate, surtout quand il est jeune » ajoute AM. Beaucoup de profondeur sur ce vin.
Barolo 2008 Cerequio, Roberto Voerzio Un grand terroir et un vrai vin d’artiste ! Superbe complexité aromatique pour ce vin encore en devenir. On trouve ici la parfaite conjonction de la complexité et de la profondeur. « Roberto est revenu à des vins plus nets, plus précis » ajoute AM. Un sommet !
Aldo Vajra
Barolo 2007 Bricco delle Viole, GD Vajra Un cru d’ »altitude » au-dessus de Barolo, vinifié par un autre artiste : même dans ce millésime plus solaire, le vin garde son délié et son caractère aérien, serti dans des tanins d’orfèvre. Une des plus belles trames taniques de cette soirée.
La région de Barolo en hiver, une mosaïque de terroirs
Barolo 2008, Castellero, Barale Fratelli Ce cru est également situé sur Barolo, en face du Cannubi. Ensemble dense, serré, un peu sur la retenue avec des tanins frais, poudreux et une nuance d’écorce d’orange et de moka.
Barolo 2007, Bartolo Mascarello Issu des crus Cannubi, San Lorenzo, Rué, Rocche de la Mora, ce vin n’a droit qu’à l’appelation Barolo, mais quel vin ! Encore fermé au nez, il révèle un corps complexe, athlétique et fin, avec beaucoup de vitalité et une finale de grande race. « C’est le style de Maria-Theresa Mascarello, dit AM, qu’on ne trouvait pas dans les millésimes plus anciens. » Une réussite !
Barolo 2008, Cannubi, G.B. Burlotto Ce Cannubi provient de la zone de Valetta, qui jouit d’une exposition un peu moins favorable que le cœur historique du cru. Un peu fermé au nez, il offre un corps vif, tendu, un peu effilé, mais avec une certaine grâce et ce, en dépit d’un boisé lactique un peu envahissant. Selon AM, « ce vin a deux qualités que l’on ne trouve pas toujours dans le Cannubi, un parfum floral et une structure très équilibrée. »
Barolo 2008, Ravera, Elvio Cogno Ce cru provient de la commune de Novello. A propos du millésime 2008, très frais et élégant, Alessandro Masnaghetti le situe sur le même plan qualitatif que le 2004 par exemple. Le vin est fin, nuancé dans son expression sur des notes légèrement mentholées, et s’avance sur un corps bien articulé.
Précisons ici la hiérarchie des appellations. Prenons une pyramide. A la base, vous trouvez l’appellation Barolo. Puis, un échelon plus haut, l’appellation avec mention de la commune, par exemple Barolo La Morra. Un échelon plus haut encore, la mention du cru. Par exemple, Barolo Bussia et, au dernier étage, la mention du cru + celle d’une vigne particulière. Par exemple, Barolo Bussia Vigna Cicala.
On le constate donc, un Barolo comme celui de Mascarello qui résulte de l’assemblage de plusieurs crus n’a droit qu’à l’appellation Barolo…
La suite de la dégustation, demain !
9 Comments
Il n’était que temps de te lire sur le vin, Grand Jacques !
Photo de Peter Knaup à Singapore, non ?
Bien aimé le Bricco delle Viole 2007 de Vajra récemment.
Certes, le caractère un peu solaire se sent plus dans une dégustation de vins du Haut-Piémont.
Les informations fournies par Nicolas Herbin :
(Exposition sud, avec quelques variations à l’est et à l’ouest. Etalement des vignes entre 380 et 470 mètres d’altitude. Terroir de marnes de Sainte Agathe avec présence de fossiles marins. Macérations de 30 à 40 jours, contrôle des T°, vinifications traditionnelles, fermentations via levures indigènes, malolactiques naturelles durant la première année, élevage de 42 mois en foudres slovènes de 25-50 hl)
Quelle belle région …
Merci de le préciser, François : la photo des éphèbes amateurs de vitoles à l’arrière-plan a été prise au Raffle’s à Singapore; elle est signée Peter Knaup… Rafraîchis ma mémoire : en quelle année était-ce ?
Du temps des grandes heures : 1997 !!
Petite remarque sur la forme: Pourquoi utiliser le globish Singapore pour dire Singapour, cette ville ayant un nom en français?
1997 + 15 = 2012
Et cela tombe juste …
Dingue !
🙂
Par politesse, Armand, toujours citer noms des villes et pays et rivières dans la langue du pays.
Même si on oublie cette règle trop souvent.
Et aussi par politesse pour les facteurs locaux, pas nécessairement tri-lingues.
London, Milano, Krung Thep…
😉
La cité des anges …
Great food
So beautiful
So noisy