Si ses idées continuent aujourd’hui de susciter le débat, la reconnaissance de ses pairs lui fut pourtant chichement accordée. Malgré la gloire fulgurante qu’il connut dès la publication du Discours sur les sciences et les arts. Avant lui, jamais un auteur français n’avait connu pareille renommée à l’étranger ! Ces lignes de La Harpe cristallisent la réticence de ses contemporains :«Le nom de Rousseau est célèbre dans l’Europe, mais à Paris sa vie est obscure. On se souvient à peine qu’il y soit. Il a voulu fuir les hommes, et les hommes l’ont oublié »
Ce à quoi, s’adressant à Rousseau lui-même, Charles Pinot Duclos répond : « Voulez-vous qu’on vous lise : ne pensez pas et ne parlez pas comme la tourbe. Mon ami, du singulier, du singulier, c’est par là qu’on fait fortune dans tous les genres. »
Rousseau a su parfaitement mettre en œuvre ce conseil. A tel point que, même si une partie de ses thèses sont en total décalage par rapport aux courants dominants des Lumières, Rousseau demeure un des phares de son siècle.
On doit à Gilles Deleuze l’expression de personnage conceptuel pour désigner les avatars d’un philosophe. La scène philosophique est peuplée de tels personnages. Ils portent les masques de leur auteur. Les rôles qu’ils jouent forment les possibles et les devenirs d’une pensée, une manière de poser les problèmes et de tenter de les résoudre.
« Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme sera moi. » Cette déclaration liminaire des Confessions – qui résonne en écho à celle de Montaigne, deux siècles auparavant – ouvre sur la vérité et la singularité d’une œuvre plurielle, entre littérature et philosophie, aux fondements parfois discutables (l’angélisme de l’état de nature et de l’égalitarisme), une œuvre portée par une voix unique, limpide et inquiète, qui s’invente autant qu’elle se dit, dont la vérité est mouvement. A contre-courant.
Article paru dans 24 Heures, samedi 24-dimanche 25 mars sous le titre La griffe de Jacques Perrin
3 Comments
A Jean-Jacques,je lui préfère Armand,vigneron de son état
Je croyais que Rousseau écrivain des plus conventionnels et complexé s’était borné à pourvoir les salons de sujets de discussion peu fatigants: l’éducation, l’influence du théâtre ou des sciences et des arts sur les moeurs C’était un suisse qui craignait plus que tout de faire des bourdes et de passer pour un plouc à Paris: conventionnel, je vous dis! Il était fâché avec tout le monde, et à la fin il ne voyait plus que Bernardin de Saint Pierre le niais qui a écrit paul et virginie
Voici quelqu’un qui a écrit ce qui suit : "la censure maintient les moeurs en les empêchant de se corrompre" , qui était pour la peine de mort et s’opposait même aux grâces: "les fréquentes grâces annoncent que bientôt les forfaits n’en auront plus besoin, et chacun voit où cela mène" …et chacun voit où cela mène …..c’était son petit côté jean marie le pen! en plus, un gars qui dénonçait le théâtre de Racine! il a au moins fait une bonne chose il a abandonné ses enfants, qui n’ont pas eu à le subir