En attendant les strates s’additionnent, presque invisibles, scories du temps qui passe, dépendances oubliées de l’instantanéité du net.
C’est le principe d’enfouissement du blog que décrit si bien François Bon, la fosse à bitume, trou noir d’un nouveau genre que tout bloggeur, Epiméthée moderne, connaît bien. Les internautes aussi : essayez donc, sur certains blogs, y compris celui de Jean-Louis Kuffer, d’accéder à la rubrique Archives et de trouver le schéma de l’arborescence temporelle.
Sauf à dérouler des pages à l’infini, impossible de déplier une des cordes de ce temps-là…
Comment contrer cette nouvelle entropie ? Il fallait oser ce retour, cette reprise, réinscrire le texte dans une durée et un espace différents, celui du livre.
On pourrait parler ici de récollection. Ce terme s’adapte en effet particulièrement à la démarche, méditative, lente, contemplative, de JLK.
Sans oublier que les livres d’heures avaient, à l’origine, vocation d’oraison.
« Dans l’univers chaotique qui est le nôtre, où le clabaudage et la fausse parole surabondent, ces carnets se veulent (…) la preuve qu’une résistance personnelle est possible à tout instant et en tout lieu pour quiconque reste à la fois attentif à la rumeur du monde et à l’écoute de sa voix intérieure. » précise l’auteur dans son adresse au lecteur.
La structure ressemble évidemment à celle du blog, calquée sur une chronologie lâche, éparse, suite de réflexions, notules, descriptions, entre journal intime et journal extime.
Après ce livre et celui de Pierre Assouline, le livre des blogs, à la croisée de plusieurs mondes, reste sans doute encore à imaginer. Tout comme le blog qu'il faudra réinventer : en dépit de son jeune âge (6 ou 7 ans), celui-ci vieillit déjà, guetté par un phénomène à l’extension duquel il a puissamment contribué, la banalisation. Pas sûr d’ailleurs que le micro-blogging (genre Twitter) soit une parade à cet écueil.
Mais ceci est une autre histoire.
Le livre Jean-Louis Kuffer, Riches Heures (Blog-Notes 2005-2008), Editions L’Age d’homme
23 Comments
Là, Grand Jacques, voilà une analyse que j’ai du mal à partager.
Sur la toile, sur les blogs, les fonctions "recherche" sont absolument remarquables. Essaie donc de trouver une suite de mots dans l’ensemble des livres de ta bibliothèque !
Sur mon blog, si je tape "Grand Jacques", j’obtiens en instantané la totalité des textes où j’ai mentionné ces deux mots.
Pense à l’ensemble de tous ces livres sagement enrayonnés, dont un bon pourcentage jamais lus ou même jamais ouverts !
Pense aux bases de données qu’on voulait contruire en CD et qui n’ont plus guère d’utilité quand on sait qu’on a une immense ressource active sur la toile.
Oui, le livre reste incomparable pour son toucher, sa sensualité propre, le beau papier qu’on aime toucher.
Mais, dans la pratique, on s’éclate mille fois plus sur la toile où on passe si vite, et si merveilleusement, d’un sujet à un autre.
Alors, est-ce un souci d’image, de postérité ? Mais alors là, c’est un autre sujet…
Ne pas perdre de temps à écrire…
Mais plutôt, lire.
"Il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à ta table et écoute. N’écoutes même pas, attends seulement. N’attends même pas, sois absolument silencieux et seul. Le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques, il ne peut faire autrement, extasié, il se tordra devant toi."
Franz Kafka (Méditations sur le péché, la souffrance, l’espoir et le vrai chemin) cité par Georges Perec au début de "Un homme qui dort"
La conservation de l’écrit reste un enjeu difficile, qu’il soit papier ou électronique.
Orsenna et Attali sur le livre électronique (une piste trouvée sur la toile – est-ce la plus pertinente ?) :
http://www.challenges.fr/opinion...
Votre blog est bel et bien vivant, Jacques, transverse, haut en couleurs …
La vie se vit, se conte aussi, dans l’interaction.
Toujours beaucoup plus de lecteurs que de contributeurs, certes … ce qui est dommage (donner/recevoir).
Les raisons en sont multiples, je vous en ai modestement confié quelques unes (en enfonçant un peu des portes ouvertes, parfois).
Le storytelling, les réseaux sociaux, ont leurs dangers.
Dans la sphère de l’entreprise aussi bien que dans la sphère privée.
Le blog risque parfois de devenir une expression égocentrique, mythomaniaque, mégalomaniaque (nous ne sommes pas à un paradoxe près).
Garder suffisamment de vitalité pour résister à une panne généralisée … pas si simple !
"Celle qui s’est offerte au postier… sans résultat probant". – Lequel (résultat)?
Cher lecteur, si tu m’as suivi jusqu’ici, prends le temps… (1)
En réponse notamment au post de François Mauss et pour prolonger le débat, voici quelques précisions concernant l’article qui précède et les thèmes qu’il effleure.
Je pense qu’il vaut la peine de lire attentivement le lien que j’ai publié avec le texte de François Bon. La question que ce dernier soulève, celle de l’enfouissement des contenus, est un vrai problème, moteur de recherche ou pas.
Je suis loin d’être un passéiste, ni un fétichiste du livre, bien qu’ayant été nourri à cette « religion », celle des mots qui relient, de la vraie littérature et de la lecture attentive. Je ne serai d’ailleurs pas le dernier à m’intéresser au livre numérique.
Nous avons la chance de vivre à une époque de grandes mutations, rapides, fulgurantes, aux effets parfois imprévisibles, dans la manière d’accéder à l’information, de partager le savoir, de diffuser les techniques, de modeler l’imaginaire, de communiquer sur soi-même et son rapport au monde et aux autres. Bref une sorte d’immense chantier où, déjà, les notions classiques, chères aux philosophes, d’interaction, d’intersubjectivité, d’intériorité et d’extériorité sont et seront remodelées.
Cher lecteur, si tu m’as suivi jusqu’ici, prends le temps… (2)
Pour autant, je ne me fais pas trop d’illusions sur l’infini champ du possible au milieu duquel nous naviguons désormais. Les moteurs de recherche, pour sophistiqués qu’ils soient, sont des agencements statiques, des sondes précieuses certes, mais au service de quel type d’information, de quel contenu, de quelle expérimentation nouvelle ? Pour paraphraser une amie que tu connais bien, ce n’est pas parce que tu trouves sur le web en un clic toutes les définitions possibles du mot amour que tu seras plus avancé et que tu comprendras mieux ce qu’est l’amour ! Nous disposons certes, en temps réel apparent, sans effort, d’une bibliothèque idéale qui devrait nous permettre de répondre à n’importe quel problème. Mais comment être certain que la fameuse Bibliothèque de Babel n’a pas, elle aussi, muté et n’a pas investi la Toile.
Un autre axe de réflexion important – et c’est la raison pour laquelle le livre imprimé, le bel objet, qui réclame une approche, une autre durée, une autre lecture, ne sera pas totalement balayé par la vague de l’e-book – est celui de l’instantanéité (opposée à la réflexivité), de l’accélération même de cette instantanéité, liée au rythme du Flux.
Cher lecteur, si tu m’as suivi jusqu’ici, prends le temps… (3)
Il faut lire à ce sujet le texte de Nova Spivak sur le Flux, considéré comme le nouvel âge du Web 3.0 (qui soit dit en passant aurait commencé cette année et durera dix ans…)
Dans ce texte, encore brumeux, mais qui se veut prémonitoire, Nova Spivak pose tout de même, euphorique modéré, quelques bonnes questions :
Allons-nous tous être renversés par nos propres lances d’arrosage personnelles, ou est-ce que des outils vont apparaître pour nous aider à filtrer nos flux et les rendre gérables ? Et si déjà aujourd’hui nous avons trop de flux et devons sauter de l’un à l’autre de plus en plus souvent, comment est-ce que cela va être quand nous devrons fonctionner avec dix fois plus de flux d’ici quelques année ?
Alors, cher lecteur, si tu m’as suivi jusqu’ici, prends le temps de lire ces deux textes, celui de François Bon et celui de Nova Spivak. Leur temps de lecture est d’environ 17 minutes et 40 secondes, chrono en main. Une éternité sur le Web 3.0
http://www.archicampus.net/wordp...
http://www.tierslivre.net/spip/s...
Je ne comprends pas trop où est la question, si ce n’est où est le problème ?
Le net ne m’empêche pas de lire, loin de là, et je dirai même l’inverse vu que le net me donne bien des infos sur des livres que je n’aurai jamais acquis sans ces infos du net.
Alors, s’agit-il d’une assimilation différente de la lecture papier par rapport à la lecture écran ?
Lu à 14 ans, Koenigsmark a été marquant comme tant d’autres livres : mais cela était dû bien plus à une ignorance "du charbonnier" qui, malheureusement, n’existe plus puisqu’il y a tout sur tout en quelques clics. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Jusqu’à quel point est-on plus heureux dans une certaine ignorance alors que les zeus qui savent tout ou presque ne sont que des transmetteurs d’angoisses, de craintes, d’aigreurs et bien trop rarement de joies simples qui leur paraissent simplistes (gravissime erreur, à mon avis).
C’est peut-être l’interdit qui nous manque ? Le confessionnal de nos curés qui enseignaient le péché et la rédemption ? Va savoir, Charles !
Lu le long texte de Spivack. Que dire sur sa théorie des flux sinon que c’est d’une telle évidence pour qui garde un peu les yeux ouverts.
Rappele toi , Grand Jacques : tu m’as presque morigéné quand je t’ai dit que j’abandonnais facebook et autres twitter, tant cela me parait vain, inconséquent, sans réel grand intérêt. Tu vois, très simple de résoudre l’éventuel problèmes des flux : suffit de débrancher !
Je vois la question d’importance ailleurs. Armand m’a signalé un texte d’Assouline sur la laïcité. j’ai lu, tranquillement toutes les interventions des bloggeurs. Assez effarant de constater l’esprit diatribe, les excès, les manques d’analyse, les ukases et autres babioles du même genre.
Et bien, là je vois un roblème di’dentité profonde car ces excès, ces anathèmes viennent essentiellement dufait qu’on accepte, sur les blogs, l’anonymat : chose que toi comme moi n’avons jamais pratiquée.
Là est un vrai problème, flux ou pas flux, images fixes ou informations tronquées. l’anonymat est source de gros dégâts. Idem sur le site d’Attali.
Allez, je vais lire ton deuxième papier cité.
Le texte de Bon est bien plus intéressant, et toi le littéraire, je comprends en quoi il te plait.
Non pas que certains clercs vont perdre un peu de leur pouvoir (souvent bien surévalué), mais qu’il va y avoir un éparpillement des mots et des choses.
Mais là encore, quoi de grave là-dedans ? A part un futur universitaire boutonneux qui analysera ton usage du français comme "approche sémantique de l’imbécilité humaine", qui se soucie d’aller fouiller dans les archives de ce qu’on écrit souvent à chaud ?
Finalement, la belle sagesse, c’est lorsque j’ai passé deux heures, sur un banc, avec le Père Laberdolive, devant sa porte, à ne strictement rien dire. C’est fou comme le silence peut remplir une tête 🙂
Conclusion : il est temps que je me taise 🙂
Effort méritoire, François ! Un problème avec l’université et les universitaires ?
Comme tu l’as remarqué les blogs dont parle François Bon sont d’un genre différent, des laboratoires d’écriture, des lieux de création où, peut-être, se joue autre chose qu’une simple réaction à chaud, disons épidermique, sur l’actualité et ses mirages.
Pour Proust, la conservation est assez aisée …
Une ifnormation associée à un contexte donne une connaissance …
C’est pourquoi la consevration des conaissances, des savoirs, des savoir-faire est ardue.
Elle demande au passage savoire-faire et savoir-vivre.
Une communauté française : http://www.i-km.com/
Quote: Elle demande au passage savoire-faire et savoir-vivre.
Comme les fourmis des cochenilles, en somme.
Sauf l’"intention"; qualification ardue.
Les forçats de l’info :
http://www.lemonde.fr/actualite-...
Effrayant… le trou noir de l’instantanéité ou qu’est-ce qui est actuel dans l’actualité ?
Et le chat, il est vivant ou il est mort ?
Seul les visions non analytiques, déterministes (donc cycliques, systémiques) peuvent être d’un éventuel recours.
perso.numericable.fr/gabu…
Ecrans.fr se plonge dans l’univers du blog, l’outil d’expression en ligne numéro un de ces dernières années : http://www.ecrans.fr/C-est-blogu...
cat.inist.fr/?aModele=aff… ben oui, en plus, faut payer …