Les vins dégustés
Le cru emblématique de Trittenheim, dans la Mittelmosel, là où la rivière dessine une boucle parfaite. Vinifié par Eva Clüsselrath, ce vin déploie une structure élancée, finement articulée, d’un très joli « tranchant » avec une finale aux notes d’agrumes, de fleurs et de minéralité.
Le Scharzofberger est le cru le plus célèbre de Wiltingen dans la Saar. Roman Niewodniczanski, le producteur, le définit volontiers comme « une belle femme mais avec de la distance, genre Catherine Deneuve… ». Le Pergentksnopp est une isolation parcellaire à l’intérieur du Scharzhofberger. Superbe nez, mûr, confit, solaire. Notes de fruits exotiques mais aussi, en filigrane, les notes typiques du cru (sel, iode), surtout perceptibles en fin de bouche. Bouche ascendante, d’une très belle allonge avec une finale qui intègre sans problème le sucre résiduel (13 g).
Philipp Wittmann est un jeune producteur doué du Reinhessen et produit des vins qui figurent aujourd’hui parmi les meilleurs d’Allemagne. Issu d’un terroir de lœss, Morstein est le grand cru de Westhofen. Nez sur les agrumes, le pamplemousse, légère note mentholée, fruits rôtis. Corps superbement sculpté, ample ; milieu de bouche dense, avec beaucoup d’extrait sec et finale traçante, aux « amers » délicats illustrent tout le potentiel de ce vin.
Les vins de Hochheim dans le Rheingau ont un style particulier, souvent caractérisé par une acidité très vibrante, tonique. Le sol sablo-graveleux donne des vins vifs et puissants tel ce Hocheimer Hölle, élancé, tranchant avec beaucoup d’éclat et de tension sur un profil aromatique floral et fumé.
On retrouve ici le style Egon Müller, précis, sobre, sans esbrouffe. Il associe à merveille notes fruitées et minérale (poudre de roche avec une nuance épicée) et révèle une ligne en bouche particulièrement belle et longue. Finale irrésistible, stylée. Impossible de le cracher !
Un des célèbres crus (schistes bleus) mosellan du réputé JJ. Prüm. Intéressant de voir ce vin après une dizaine d’années. On se trouve ici sur des notes empyreumatiques, minérales avec un côté fruits confits, légèrement solaire mais porté par une « minéralité » aériennes et de fins notes « pétrolées ». La bouche offre une belle densité avec une finale caractérisée par une rémanence fruitée très expressive. Des notes de raisin de Corinthe, de thé, de tabac blond aussi. Belle complexité.
Un des grands terroirs de la Rheingau, situé non loin de l’abbaye d’Eberbach. Le nez a besoin d’un peu de temps pour s’exprimer. Notes aromatiques d’une merveilleuse finesse, sur la pêche, le citron, la racine de vétiver, le fumé. La bouche articule une belle densité à une vivifiante fraîcheur. Très belle finale, parfaitement découpée, qui intègre superbement le sucre et finit lumineuse.
On passe à la Nahe, une des régions qui a le potentiel, avec le Rheinessen et le Palatinat, pour réaliser de grands vins blancs secs mais également des vins avec un fruité éclatant. tout le potentiel d’une vieille vigne (soixante ans cette année). Superbe nez de citronnelle, pamplemousse, herbes sauvages Bouche dense, riche en extrait sec, sur une belle trame minérale et fraîche au long développement. Très beau jeu sur les amers nobles en finale.
Un autre « grand » de la Nahe. Le Halenberg est un des fleurons de Monzingen. Il se prête aussi bien à la production de vins secs, liquoreux que de demi-secs superbes. Tel ce 2004 aux notes florales, amande, vanille, fruits rôtis. Grande amplitude en bouche avec beaucoup de vinosité. La structure est ajustée à la perfection et le jeu entre le sucre et la fraîcheur fascinant. Alors, on est fasciné. Vraiment !
Le nez a besoin de temps pour se révéler. La bouche, en revanche, éclate davantage, dynamique, finement tramée et longue. Une belle réussite à porter au crédit de domaine encore assez peu connu mais dont on commence à parler avec grand respect.
Magique ! Quelle noblesse d’expression ! Quel toucher de bouche ! On navigue entre des notes de pêche mûre, de cédrat, d’agrumes, de chèvrefeuille et la bouche est merveilleuse, dense, médulleuse, avec un éclat et une vibration particulières. Superbe rapport magie/prix !
C’est un de mes terroirs de prédilection en Moselle. J’aime ce « jardin des épices » avec son côté volcanique même si, dans ce millésime, selon certains, il ne serait pas de la plus grande intégrité aromatique. Nuances balsamiques, raisin de Corinthe, thé Lapsang Souchong, il étonne par sa densité au palais avec un extrait sec remarquable.
Un autre fleuron mosellan et l’un des crus les plus mythiques. Avec 1.6 ha, le Erdener Prälat est un peu considéré comme la Romanée-Conti de la Moselle. Une vingtaine de producteurs se partagent le privilège d’y cultiver la vigne et ce bon Dr. Loosen n’est pas le moins bien loti, question superficie. Et âge de la vigne puisque la moyenne d’âge chez lui est de… 120 ans. Du très vieux riesling, préphylloxérique (comme l’immense majorité du domaine d’ailleurs) ici sur schistes rouges. Le Erner Prälat est toujours vendangé très tard, début novembre, à haute maturité mais il n’y a jamais de botrytis ici. Le corps est incroyable même si on peut y déceler, comme dans le vin précédent, quelques notes d’évolution. Volume de bouche irradiant avec une structure dense, minérale et une finale beaucoup plus fraiche que celle de l’ Urziger Würzgarten.
Robe à nuances orangées. De la complexité aromatique pour ce grain noble dans une année plutôt difficile : orange confite, angélique, myrte, pêche, notes de réglisse, caramel. La bouche est dense avec une aciditié un peu saillante, proche de celle d’un Eiswein. Finale persistante mais de complexité limitée.
Le style de ce vin, élancé, au filigrane minéral et découpé au scalpel avec une acidité vraiment tranchante, presque « féroce » est aux antipodes du vin suivant. Présentement encore assez austère et haut en tonalités vives, ce Ürziger ira loin à mon avis et je suis persuadé que, dans quelques années, il donnera une bouteille étonnante !
Ce vin a été produit par un domaines qui faisait partie, dans les années 80 et 90, des grandes références stylistiques du Rheinessen. Nez très « lacté » de prime abord, vanille, notes confites, caramel, herbées sèches, chocolat blanc, moka, notes empyreumatiques. Superbe complexité et corps impressionnant, baroque qui finit sur des notes de fraîcheur avec un côté vanillé et mandarine confite très prononcé. ?
Loess et limons (vins denses et fruités) ; grès rose (rieslings racés) ; marnes calcaires (vins avec beaucoup de concentration, massifs)
Ahr
Schistes gris altérés (vins légers et fruités)
Baden
Sols volcaniques (pour les rouges) ; marnes irisées, marnes (rieslings fins et fruités) ; loess et loess limoneux (vins blancs plutôt légers)
Franken
Marnes de gypse (vins concentrés, plutôt lourds, bonne longévité) ; Muschelkalk (calcaire) (vins élégants, fruité fin) ; grès rose (vins fruités avec beaucoup de minéralité)
Mittelrhein
Schistes (fruité élégant) ; schistes et limons (vins concentrés avec beaucoup de corps)
Mosel-Saar Ruwer
Schistes argileux (fruité fin et délicat, vins en dentelle) ; schistes du Devonien (vins racés avec beaucoup de minéralité)
Nahe
Schistes (vins concentrés et élégants) ; sols de galets (vins très fins) ; sols sableux (vins aromatiques et denses)
Rheingau
Loess et limons (vins concentrés avec beaucoup de volume) ; schistes et quartz (vins élégants, racés avec de la minéralité)
Rheinhessen
Loess et limons (vins aux arômes intenses avec du corps) ; terres rouges (vins fruités, élégants) ; marnes calcaires (vins volumineux)
Württemberg
Marnes irisées (vins denses et juteux) ; Muschelkalk (calcaire) (vins aromatiques, souvent des arômes fumés)
Histoire Les actes les plus anciens qui attestent de l’existence du Riesling datent du 15ème siècle. Un acte de 1435 témoigne d’un achat de ceps de Riesling à Rüsselsheim dans le Rheingau. Le Riesling est sujet d’un autre acte en 1511 dans le village de Pfeddersheim, dans le Rheinhessen. Il était d’abord répandu dans le Rheingau, le Palatinat et Rheinhessen. Il apparaît en Moselle et dans le nord du Wurttemberg au 16ème sièce, en Alsace au 17ème siècle. Déjà vers 1600, la longévité des vins allemands étonnait les agronomes de l’époque. Olivier de Serres exclame dans son Théâtre d’Agriculture : « La longue garde des Vins d’Allemagne & d’autres endroits plus froids que chauds, fait croire à plusieurs les Vins les plus mûs, ne se conseruer si bien que les verdelets. »
Fin du 19ème siècle, les vins allemands figuraient parmi les vins les plus précieux et les plus chers du monde, comme le montre leur notoriété pendant les expositions mondiales, où leur présence sur les cartes de menus lors de dîners prestigieux de l’époque.
La classification des vins allemands? (par ordre progressif, du plus courant au plus complexe)
• Vin de qualité issu d’une région de production délimitée Trocken ou non (sec ou non)
(Qualitätswein bestimmter Anbaugebiete Qba)
• Vin de qualité avec Prädikat
(Qualitätswein mit Prädikat QmP) La chaptalisation est interdite.
– Kabinett : (min. 67 ° Oechsle) littéralement cabinet en français, autrefois vin de réserve pour les meilleures occasions.
On peut y ajouter les catégories trocken (pour Kabinett, Spätlese ou Auslese) ainsi que halbtrocken et feinherb (pour Kabinett ou Spätlese). Feinherb désigne un vin racé avec un léger sucre résiduel.?
Cette loi datant de 1971, de nombreux efforts d’amélioration et d’adaptation aux nouvelles tendances des marchés ont eu lieu.
Depuis 2001, le VDP, Verein deutscher Prädikatsweingüter, l’association (privée) des domaines de vins allemands de qualité, a mis en place un système de classification mettant en avant les terroirs.
1. Vins issus des « Erste Lage »
Les vins de la première catégorie sont ceux issus des meilleurs terroirs et s’appellent pour les vins secs „Grosse Gewächse“ (GG) ou « Erste Gewächse » dans le Rheingau. Les vins aux sucres résiduels sont classés comme QmP et portent la grappe qui signifie qu’ils sont issus d’un terroir classé par le VDP.
Les terroirs sont méticuleusement délimités, les cépages sont prescrits, les rendements sont limités à 50 hl/ha, vendange manuelle, le degré Oechslé doit être au minimum celui d’une vendange tardive. Mise en vente à partir du 1er septembre pour les blancs, et un an plus tard pour les rouges.
Vins issus de vignobles traditionellement reconnus pour leur qualité. Rendement max. 60 hl/ha. Cépages traditionnels.
Vin de base d’une qualité supérieure. Rendement max. 75 hl/ha.
Certains domaines de la Moselle commercialisent sous le même Prädikat et le même cru dans un millésime donné différents vins qui se distinguent sur l’étiquette que par le no de contrôle officiel (Amtliche Prüfnummer) qui contient alors le no de lot. Ces lots correspondent à des foudres différents.
Comment lire l’étiquette d’un vin allemand ?
Le premier élément correspond au village, suivi souvent par –er à la fin.
Données techniques Christine Krämer
Notes de dégustation Jacques Perrin
11 Comments
Superbe …
Bus récemment sous la houlette experte de l’ami David Rayer :
Riesling Joh. Jos Prüm Wehlener Sonnenuhr Auslese 1997 : 17/20+ – 19/2/09
Le nez, marqué par de la réduction, très "blanc", en l’état moins diversifié que celui du vin précédent, est un mélange toutefois avenant de fragrances de mirabelle, de pomme, de pêche blanche, de banane, de sucre d’orge, de fumée, de fleurs, de melon confit, d’anis.
Bouche pure, dense mais aérienne, resplendissante, à réserver. Gros potentiel prévisible.
Nous sommes récemment montés dans les étoiles avec les vins d’Egon Muller, sur le Scharzhofberger, en auslese GK 2006 puis surtout Beerenauslese 1994 (19/20).
Surprise, un maître du chasselas dégustant les grands riesling allemands, cela fait plaisir… Bravo pour l’article !
Christophe,
Je te ramenerai une quille de Riesling Würzgarten auslese 98, achetée in situ, chez Ernie, il y a quelques années.
Tu devrais penser à mettre le lien du Travers-saints (ton blog) que chacun profite de ta passion et de tes très belles photos.
Je me réjouis de te revoir demain, et dans ton vignoble jardin en prime, avec les nôtres.
laurent
J’aurai tellement aimé être avec vous mais des obligations professionnelles (pas désagréables pour autant) m’obligeaient à déguster toute la production de l’île de Beauté. Il faudra un jour reparler de ses blancs, pour moi les meilleurs de la méditerranée et en quelque façon justement les riesling de la méditerranée! Vous avez été diablement gâtés et Christine connait son sujet!
Michel,
C’est vrai que le vermentino brille en particulier chez Yves Leccia, chez Antoine Arena.
Quels beaux muscats fins également !
J’ai évoqué un Riesling provençal, terpénique et balsamique, corsé et frais, en dégustant Simone …
Michel, ce sera pour une prochaine fois !
Dégustation de vins allemands ce soir, avec sans trop de surprises 4 vins extra-ordinaires :
Egon Müller Scharzhofberger Riesling Auslese 2005 lot 6 : 18/20 – grand en devenir, comme en suspension (un peu moins de richesse que dans le sublime auslese GK 2006)
Egon Müller Scharzhofberger Riesling Auslese 2004 lot 14 : 17/20 – excellent, avec un petit quelque chose de chablisien
Egon Müller Scharzhofberger Riesling Auslese 2003 lot 11 : 18/20 – grand, ciselé, stylistiquement parfait
Egon Müller Scharzhofberger Riesling Auslese 1999 lot 5 : 19/20 – immense, avec cette même magie arachnéenne, cette originalité et cette force de tempérament en lévitation déjà trouvées dans le lot 22 (et un petit air de Grillet)
Z’avez bu que du Egon ?
Pas mal de vins de Müller-Catoir (Palatinat), sur pas mal de cépages (Muskateller, Weissburgunder, Grauburgunder, Rieslaner, Scheurebe)
Vins trop jeunes (2007).
Et puis, la classe de vin d’Egon emporte tout sur son passage.
Réflexion :
Rieslaner vs Scheurebe ? en tant que croisements Riesling et Sylvaner
Une question pour Super David ! 🙂
J’oubliais :
Un magnifique Rheingau – Robert Weil – Kiedrich Gräfenberg – Riesling Kabinett Trocken 2003 (17/20), à la Frédéric Emile … (déjà goûté très bon en version auslese)
Une confirmation (par rapport à la dernière dégustation des vins du domaine) d’un très bon Riesling Haardter Bürgergarten "Im Aspen" Spätlese trocken 2004 (des vertus de l’âge).
2 vins qui ont retenu l’attention :
* Scheurebe Haardter Mandelring Spätlese Feinfrüchtig 2007 (demi-sec), un peu à la manière d’un moscato d’Asti
* Rieslaner Beerenauslese Haardter Herzog 2006
Comment ne pas être enivrés par ces liqueurs mosellannes d’une grande subtilité (déjà, rien qu’un spätlese de J.J. Prüm ou un Bernaskteler Doctor de Thanisch).
Et ce Trockenbeerenauslese d’Egon Müller 1999 (Riesling Scharhofberger d’enchères), éblouissant. Un mythe pour amateur fortuné (5200 euros la bouteille).
Au passage, le BA 1994 est immense aussi.
Dans le genre extrême donc, remarquables réussites également sur :
* Markus Molitor Zeltinger Sonnenuhr TBA 2010
* Carl Von Schubert Maximin Grünhaus Abstberg TBA 2010
* Keller Westhofen Brunnenhäuschen Abts E TBA 2009
* Dr Loosen Erdener Prälat auslese Lange Goldkapsel 2010
Et tant d’autres (mais il est vrai que l’on est sur les meilleurs vins des meilleurs producteurs).
Merci à mon guide expert, David Rayer, qui m’a permis d’un peu mieux comprendre la production immense et si confidentielle de ce vignoble vertigineux.