Rencontre avec un homme passionné
Avec de telles « recommandations », j’aurais dû m’attendre au pire…
Fariboles !
Rendez-vous fut pris : quand vous serez à Tayac, appelez-moi, je vous guiderai par téléphone !
M. Boyer est un adepte des circonvolutions et des incises. Quand il parle, il dessine des fresques, des grands pans de mémoire qui finissent par se rejoindre et former des ensembles cohérents. Son vin est comme ça. D’une évidence cachée. Une présence pure, qui n’obéit pas au formatage gustatif actuel, un vin qu’il faut savoir découvrir en laissant au vestiaire beaucoup de références et d’a-priori que nous avons en matière de vins.
Comme ce vin est doté d’une longévité stupéfiante : il m’étonnerait que dans une quinzaine d’années la même « confrontation » donnerait des résultats différents.
D’abord un peu d’histoire, celle de la famille d’Aligre et de ses 99 propriétés, dont celle qui appartient aujourd’hui à M. Boyer.
Je demande à M. Boyer combien de millésimes il a vinifié à ce jour :
– Le 2007 est mon 58ème millésime mais n’y voyez aucune espère de vantardise car plus il y en a, moins il en reste… Je peux, pour chaque année, vous dire tout ce qui s’est passé. C’est comme une armoire avec plein de tiroirs. Prenons 1950, mon premier millésime. Il vient après 1949, qui, chez nous, était moins bien que 1948 : 1950 arrive, très grosse production, cette année-là même les carasses portaient du raisin ! Le paradoxe veut que ce soit parfois dans des années très abondantes qu’on fait les meilleurs vins… 1950 : le vin était magnifique, personne n’en voulait. Arrive 1951 : il pleuvait tous les jours, du mildiou partout, la désolation. Les courtiers battaient la campagne : dites donc, votre 1950, qui était délicieux, il ne vous en resterait pas un peu, dans un coin ?
Le Margaux défendu
Restons un moment sur ce sujet, celui de la commercialisation des vins. Là-dessus, M. Boyer est inflexible. Pas question de vendre à n’importe qui, même s’il faut faire rentrer des sous.
"Il y a trente ans, poursuit M. Boyer, si j’avais renversé la vapeur, j’aurais aujourd’hui une secrétaire de direction avec laquelle vous auriez dû prendre rendez-vous trois mois à l’avance… Et encore uniquement avec recommandation de l’Elysée ou de Matignon ! Mais j’ai choisi de rester fidèle à mes principes. La langue française est très souple : on peut lui faire dire des choses très différentes. Moi qui n’ai pas changé d’un iota, figurez-vous que je suis devenu aujourd’hui le Margaux atypique !"
Le 2006 qui suit révèle des tannins superbe, une texture qui déroule so velours d’une façon continue. On suit avec un 2005 d’un équilibre parfait, digeste, sapide : nous venons de déguster une centaine de Bordeaux 2005 : naturel d’expression et l’équilibre de ce vin sont sidérants. Une grande leçon ! Le 2003 est médulleux, ample, avec des tannins peut-être un peu plus marqués que d’habitude mais on reste dans un très beau registre.
– Je n’aime pas voir partir les vins comme ça, je les ai vendus, contraint, en vrac… Ce vin, je l’ai fait naître, je l’ai aimé, c’est mon enfant ; il y a une partie de moi-même en lui et je l’ai abandonné… Et c’est ça le plus dur ! Ce n’est pas du cinéma que je vous fais…
Contrastes de notre époque. Les lumières, la médiatisation, la gloire, le marché, les grands Bordeaux planétaires d’un côté et, de l’autre, cette propriété un peu perdue, du côté du plateau de Virefougasse, ses vieilles vignes, son encépagement original qui associe à parts presque égales, merlot, cabernet sauvignon et petit verdot, avec un peu de franc et de malbec, cet homme idéaliste, passionné par son terroir, qui produit des vins en liberté, oublié par les courants, les modes, ceux qui les suivent et ceux qui les font et les défont !
Je pense au Vieux saltimbanque de Baudelaire, tiré des Petits poèmes en prose, que je me promets de relire en priant le ciel que, à l’avenir, puissent continuer à exister de tels miracles, des vins à la personnalité si originale !
26 Comments
Fabuleux reportage ! C’est sûr, je vais prendre RV fissa pour connaître cet homme et ses vins.
Grand Jacques : voilà le début d’un style de reportages que tu dois développer : dans chaque région viticole, tu nous dégottes le Boyer du coin : de quoi se faire une "autre" cave pour voir, plus tard, à quel point tu as raison (ou non).
Soyons concret : tu vas en acheter pour le promouvoir à Gland ?
Se place t’il bien en prix par rapport aux autres margaux ?
Merci d’être venu à cette session, Grand Jacques !
J’approuve François à 100%. Ton blog va faire un tabac 😉
François, pour répondre à ta question concernant la commercialisation de ce vin : j’ai la chance depuis quelques années, de figurer parmi les revendeurs agréés de M. Boyer. Même si je ne l’avais jamais rencontré jusqu’à ce jour… En 2000, je lui ai acheté environ un dixième de sa production totale. Maintenant, nous attendons la sortie du 2003 !
Ho avuto la fortuna di condividere con te questa esperienza incredibile.
Tu sei stato in grado di scriverla e di farla rivivere ad altri, ma credetemi, andare a vedere è un’emozione impossibile da raccontare.
Mi ritornano in mente le visite fatte a Romano Levi, il grappaiolo Angelico di Neive, morto due mesi fa, dove si percepiva il vero, dove niente era falso, una filosofia di vita in ogni angolo. Purtroppo finito Romano Levi finita una storia, e credo che la storia di Mr Boyer farà la stessa fine, "impossibile vivere così se non si è così".
Bravo Jacques
Bonjour Jacques,
Vous employez le terme "mardigalais" ?
Ne serait ce plutôt "margalien" ?
Cordialement
Laurent
Vous avez sans doute raison Laurent : voilà que j’ai encore inventé un néologisme. Est-ce l’influence de Burdigala ? Je vérifie et je corrige.
Bonjour Jacques,
J’en ai presque les larmes aux yeux !;-)Je vois M. Boyer une à deux fois par an et votre reportage décrit parfaitement ce personnage attachant. La première fois, quand je lui ai parlé d’Internet, grand silence au téléphone. J’ai dû passer chez lui pour avoir quelques caisses. J’ai compris ensuite… sa seule concessesion à la technologie est un téléphone sans fil, pas même un fax, alors Internet… ;-))
En parlant de longevité de ses vins, son 85, 23 ans au compteur, a demandé un carafage de 24h ! Cf LPV
Encore bravo
Eric
C’est triste à dire mais si M. Boyer s’appelait Henri Bonneau et produisait du Châteauneuf-du-Pape, Robert Parker serait venu goûter ses vins ; aujourd’hui, M. Boyer aurait le monde entier à ses pieds et l’on s’extasierait sur son génie… Au lieu de cela, les commissions d’agrément lui cherchent sans cesse des crosses et le négoce bordelais, à une ou deux exceptions près, ignore l’existence de cette propriété. Merci pour votre feed-back, Eric !
Voici les commentaires que m’avaient inspiré une bt du millésime 2000 (achetée chez CAVE, of course !) que j’avais dégusté le 10 mars 2007.
"Cette bouteille m’a enchanté.
D’emblée j’ai été immergé dans son monde éthéré de sous-bois protéiforme où j’ai cru apercevoir les cèpes nidaliens ithyphalliques au pied des Ents.
Je me suis délecté des framboises et des fraises des bois éclatées sur ma langue.
Longtemps, j’ai dérivé dans son lit de pierre ciselé et me suis abreuvé de sa délicate source cristalline.
La dernière gorgée fut la meilleure.
Je n’ai qu’une seule envie : faire connaissance avec les 5 autres BEL dormant dans ma grotte.
Mais je dois réfréner mon impatience.
Leur soeur m’a confié un secret : il faut leur laisser du temps pour qu’elles dévoilent leur quintessence !
Christian Rausis
Double sorry, avait et non avaient !
Tout ça pour savoir si l’on peut corriger ses erreurs après avoir envoyé son texte.
C.R. émergeant de sa sieste.
Le premier sorry, c’était pour dégustée. Le message n’a pas passé.
C.R.
Un style vraiment à part, comme nous venons de nouveau de le constater dans une horizontale Bordeaux 99.
J’ajoute que le 1966 dégusté l’année dernière est loin d’êre fichu …
Le 95, abordé 2 fois, reste très acariâtre.
Sauriez-vous auprès de qui je pourrais m’adresser pour une estimation de 2 bouteilles de ce vin millésime 1952 et un magnum de 1948 ou 1949 (l’étiquette est pratiquement illisible) ?
Je vous remercie pour l’aide que vous pourriez m’apporter.
Je vais peut-être d’ailleurs tenter de contacter Pierre BOYER puisque vous semblez avoir eu un excellent contact avec lui.
Cependant, n’étant pas une passionnée comme vous, je crains une fin de non recevoir de sa part, je verrais bien.
En tout cas, vous avez toute mon admiration pour votre reportage, et pourtant je n’aime pas le vin.
Nous ferons bientôt une dégustation assez complète de ce cru, dont nous apprécions l’originalité "fraîche" :
http://www.invinoveritastoulouse...
Sylvine,
Nous pourrions êtres intéressés par ces 52, 46, 48.
Pouvez-vous vous mettre en contact avec nous via notres site ?
Merci d’avance
BAMA est immense …
Les 1961 et 1947 sont incroyablement bons, dans un style vraiment à part.
dat.erobertparker.com/bbo…
Margaux : Château Bel Air-Marquis d’Aligre Grand Cru Exceptionnel 1947
Le soir : DS19,5 – PC19,5 – LG19 – MS19,5. Note moyenne SOIR : 19,4
Robe nettement estompée, clarifiée même si pas décharnée.
Ici aussi, la qualité, l’originalité et la variété des arômes imposent de s’attarder longuement sur le verre; de se recueillir, même ! On profite alors d’un festival aromatique sublime : fleurs séchées, vinaigre balsamique, whisky fumé (Islay). Et même, en registre plaisant mais parfaitement incongru (sublimé ?) : Rhum, caramel et citron vert, comme sur un antique Madère ou sur un vieux Tokaji 6P.
Jouvence parfaitement tenue, d’une sapidité, d’une allégresse et d’une finesse hors du commun. Enorme caractère pour cette ambroisie intemporelle qui prend parfois l’aspect, dans sa versatilité gustative, d’un Chambertin de Rousseau. Nous sommes ici, face à ce très grand vin au style inimitable, qui ne surjoue pas, loin des atermoiements rencontrés lors de la dégustation de Figeac 1947. Aurait-on au passage affaire à l’un des vins de référence du 20ème siècle ?
Confirmation chez Grains Nobles :
http://www.grainsnobles.fr/conte...
Bon, M. Boyer semble content que nous ayons apprécié ses vins – le 1947 ayant été élevé en fût (abandonné en 1950), dites-donc :-)))))
J’ai eu la chance de retrouver ce superbe BAMA 1947 hier midi.
Toujours un air prononcé de pinot noir.
Matière de grande qualité mais malheureusement un peu chahutée par un transfert récent.
Unico 1994 servi à côté, peu emballant avec ses notes de bourbon, sa dissociation (alcool, acidité) : pas vraiment ingambe !
(même diagnostic pour le 1998).
Encore un excellent BAMA 1986 bu il y a quelques jours, chatoyant, véritable faux-maigre :
forum.larvf.com/larevuede…
Dommage ,
j’attendais un vin sublime après
ouverture et mise en carafe du Bel-air Marquis d’Aligre 2000,mais la bouteille était "bouchonné"pas de deuxième pour le vérifier.
Avez souvent ce problème?
Lors de la verticale au club, BAMA 1995 bouchonné.
Marquis de pommereau dans la ligné BAMA dans la verticale je dispose de l’année 1965 je recherche l’année 1968
qui sont les deux seules années quelle belle histoire et quelle finesse
me contacter pour éventuellement savoir +
j’ai eu la chance de gouté presque tous les Millésimes de MONSIEUR BOYER
Vous dire une merveille une vie de chaque instant ….Cordialemnt
J’ai eu l’immense honneur de déguster un millésime 1961 Du Château Bel Air
Marquis D’Aligre au printemps 2013.
Exceptionnel, le meilleur vin jamais bu.
Bonjour.je connais M Boyer depuis un peu plus de 25 ans ,il y a quelques jours,j’ai dégusté un superbe 2000 après 3 h de carafage.
Sacré vin,sacré bonhomme,espèce en perdition