Après avoir traversé des siècles d’une histoire souvent chaotique, hormis peut-être sous le règne de Drisong Detseng, les Tibétains n’ont jamais plié l’échine. Malgré l’annexion brutale de leur pays par les Chinois en 1950, en dépit des exactions ultérieures, nombreuses, incessantes.
Avec une constance admirable, portés par l’énergie et le rayonnement exceptionnels de leur chef spirituel, Lobsang Gyatso, le quatorzième dalaï-lama, ils ont continué d’entretenir la flamme de leur liberté intérieure, en attendant de sortir un jour de leur exil intérieur, ne cédant jamais à la tentation de la violence.
Facile… rétorquent les goguenards et les blaireaux, la non-violence fait partie du bouddhisme, via l’ahimsha hindouiste, comme la musique fait partie du silence !
C’est oublier que parmi les luttes de libération qui ont émaillé l’histoire des dernières années, celle du peuple tibétain est exemplaire et, si elle fait moins de fracas que d'autres, mériterait d'être d'autant plus soutenue.
Rêvons un peu beaucoup : et si le Tibet renouait totalement avec sa liberté, disait non définitivement à l’envahisseur, cessait enfin de vivre dans la peur ? Et si le dalaï-lama revenait un jour au Potola, à Lhassa ?
Ce rêve n’est pas impossible. Nous devrions tous contribuer à le réaliser. Comment ? En demandant à tous, surtout à nos politiques frileux et soucieux de ne pas indisposer le géant économique chinois, de faire pression pour que mettre fin à une injustice vieille de plus d’un demi-siècle ? Cette cause vaut que l’on s’y engage.
19 Comments
Tibet fait partir du territoire chinois depuis il y a plus de 700 ans. Le Tibet chinois n’est pas l’inde Américan! C’est la dominance occidentale qu’aura le groupe de Dalai Lama, mais pas la liberté!
Et bien c’est ca qu’ils veulent! Si vous savez peu de choses sur la situation du Tibet, réfléchissez-vous bien avant d’écrire n’importe quoi!
Advisor : vous semblez suffisamment intelligent pour comprendre qu’en ces matières, selon qu’on se réfère à la révolution de 1789, à Charlemagne, à Napoléon III ou à Cro-Magnon, à Jules Ferry ou à César, on peut développer des arguments dans les deux sens.
Disons que nous, occidentaux, avons du mal à voir que la majorité d’un peuple qui, autant que nous sachions, est fondamentalement pacifiste, soit sous la coupe d’un régime dont tout le monde s’accorde à dire qu’il doit encore beaucoup faire pour le simple respect de l’individu. N’en doutons pas, ce sont des forces qui, tôt ou tard, gagneront sur des atrabilaires essayant de garder un pouvoir qui leur assure personnellement un confort de vie nettement supérieur aux autres.
Si nous savons que fatalement, la croissance économique, à un moment ou à un autre ne peut s’accompagner que de démocratie, même si cela ne reste qu’embryonnaire comme en Russie, nous ne devons pas simplement attendre sans dire notre courroux lorsqu’un pouvoir emploie la force bête et brutale pour imposer des choses qui ne peuvent s’imposer à terme.
Un dernier petit point qui est , j’en conviens, ma marotte sur les sites : surtout quand on parle politique – ce qui est le cas de votre commentaire – on ne reste pas anonyme. Ou on a foi dans ses convictions et on dit son nom, ou on se tait. Et Jacques Perrin ne dit pas n’importe quoi : il exprime là ce que beaucoup de gens pensent; et s’il n’a peut-être pas votre culture historique de cette région du monde, il a un sens de l’humain probablement plus sensible que le vôtre.
Mais je conçois parfaitement qu’on peut penser autrement.
Je soutiens personnellement les propos de Jacques Perrin et je le félicite d’oser exprimer, dans son blog, une opinion que beaucoup partagent tout en restant muets face au géant chinois.
Je réponds ceci à l’anonyme masqué dit "Advisor" 1) son ton n’est pas celui d’une personne soucieuse de dialoguer et n’a donc rien à faire sur ce blog 2) je n’écris pas n’importe quoi : le Tibet, qu’il "appartienne" à la Chine ou pas, est victime d’un véritable génocide culture (Advisor voudra bien se renseigner sur ce qui s’est passé au Tibet depuis 50 ans) 3) en 823, sous Trisug Detsen un traité de paix a été gravé dans la pierre, en langue chinoise et tibétaine, sur trois piliers, l’un situé à Lhassa, l’autre devant la résidence impériale de Chang An et le troisième à frontière sino-tibétaine. Le traité se terminait ainsi :"Les Tibétains seront heureux au Tibet et les Chinois seront heureux en Chine". 4) Les Chinois ne contestent pas l’existence de ce traité mais ne l’ont jamais reconnu.
Advisor a surement les informations de la télévision chinoise pour écrire son propos.
Jacques, comme toi, nous sommes tous attristés par ce fonctionnement archaïque de ce grand pays qui a peine à devenir majeur, même après plus de 3000 ans d’existence. Bien sur, il est nécessaire d’avoir une certaine discipline pour mener un tel pays. Mais, il est de notoriété que la Chine colonise le Tibet.
Tous les pays européens ont abandonné leurs colonies. Que la Chine fasse de même.
Nous pouvons critiquer nos pays occidentaux, leurs fonctionnements, leurs dirigeants. Certains peuvent dépasser les bornes de la bienséance. Ils seront condamnés pour outrages, mais passent devant un tribunal indépendant pour être incarcérés, chez nous. Même, si tout n’est pas parfait, la liberté est une réalité.
Par rapport à cette liberté, qui s’arrête ou commence celle d’autrui, et comme le dit François Mauss, il est trop facile d’écrire sous anonymat, sur un sujet aussi important que celui ci.
Pour un blog d’un tel niveau de qualité, il devrait être obligatoire de laisser son adresse au webmaster. En s’engageant de ne pas divulguer les coordonnées, il pourrait répondre et intervenir en privé.
Amitié.
Michel.
Merci Michel pour ce commentaire. Il y a en ce moment beaucoup de désinformation, savamment orchestrée par les Chinois eux-mêmes, qui circulent concernant le net. Les Chinois auraient construit des routes, des hôpitaux, des écoles, investi de l’argent ? Certes. Mais que fait-on des centaines de milliers de Tibétains emprisonnés, torturés, emprisonnés depuis 1950, des transferts de population, de la colonisation forcée par les Hans (sinisation des hauts plateaux) ? On compte actuellement au Tibet 9 millions de Chinois et 6 millions de Tibétains. Que fait-on des milliers de monastères détruits, des manuscrits pillés, brûlés ?
Advisor,
Qui êtes-vous pour vous insurger de la sorte contre les propos de M. Perrin? Pourrait-on savoir en quoi vous connaissez mieux la situation du Tibet que M. Perrin? Puisque vous soutenez à ce point la présence de la Chine au Tibet, seriez-vous par hasard chinois?
Je suis personnellement chinois et j’ai eu l’opportunité de me rendre au Tibet. Et bien laissez-moi vous dire que, sans entrer dans des argumentations sur l’appartenance ou non du Tibet à la Chine, force est de constater que la présence chinoise au Tibet entraîne une véritable épuration ethnique des tibétains, et le mot est faible.
Par sa politique de peuplement, le gouvernement chinois a réussi à implanter une large population chinoise au Tibet et à totalement investir le secteur économique. Les tibétains se retrouvent sans emploi ou contraints de travailler pour des employeurs chinois qui les exploitent, dans la mesure où ils n’ont pas été incarcérés, torturés, ou tout simplement exécutés en raison de leurs origines ethniques. Autrement dit, il s’agit là d’une politique de paupérisation intentionnellement dirigée contre le peuple tibétain combinée à une politique d’annihilation totale de l’identité culturelle tibétaine.
Et même si, comme vous le dites, "le Tibet faisait partie du territoire chinois depuis plus de 700 ans", pensez-vous que cela devrait justifier les violations massives des droits de l’homme commises par le gouvernement chinois à l’égard du peuple tibétain?
Ne soyons pas aussi bornés et étroits d’esprit que le régime chinois, ouvrons les yeux sur la réalité qu’endurent les tibétains au quotidien et admettons enfin qu’un litige territorial ne saurait passer avant une question aussi cruciale que les droits fondamentaux d’un peuple.
Mais de quoi je me mêle!
Voilà ce que j’ai envie d’écrire en lisant les propos – très intelligents, très cultivés, très informés – de Jacques Perrin et de ses défenseurs d’amis. Je m’explique: ce que vous faites n’est que de la doxographie: faire triompher la doxa, l’opinion. Et ce jusqu’à l’intolérance!
Vous croyez certes que c’est votre opinion que vous partagez – et d’une certaine manière vous avez raison. Mais ce que vous ne savez pas, c’est que celle-ci est prisonnière d’une certaine vision du monde, d’un certain système de pensée et de valeurs: celui véhiculé par l’éducation, l’école, les médias qui vous informent. Deleuze – que vous aimez à citer, semble-t-il – parle à ce propos « d’arbres qu’on nous enfonce dans la tête ». Or avec des arbres dans la tête, il est difficile d’y voir clair…
Alors, de quoi je me mêle? De tout et de n’importe quoi. En toute bonne conscience, pour la bonne cause – en guise de supplément d’âme, pour satisfaire mon ego –, je m’engage: je suis prêt à prendre la parole sur n’importe quel sujet. Avec ma vision du monde, mon système de pensée et de valeurs: à vrai dire celui d’un aveugle prisonnier dans la doxa, dans les arbres de la tradition occidentale.
Le hic est que je ne sais pas que je suis prisonnier, que je suis aveugle, que je n’y connais au fond rien du tout. Aussi, je critique la Chine, les Chinois (les mettant en passant tous dans le même panier – de dupes), défends le Tibet, – alors qu’au fond je n’y connais rien; alors qu’au fond je n’en sais que ce que tout le monde peut en savoir si, comme moi, il est un peu intelligent, un peu cultivé, un peu informé. Mais ce que j’oublie (ou ne sais pas), c’est que mon intelligence, ma culture, mon information est uniquement celle d’un prisonnier de l’opinion, que ma vision du monde est seulement celle d’un aveugle, que mon système de pensée et de valeur n’est que celui de l’homme intelligent, cultivé, informé – (télé)guidé – par la doxa occidentale.
Bien sûr, je crois bien faire, mais en fait je ne fais pas bien. Je ne fais à vrai dire du bien qu’à moi-même: je me donne bonne conscience, je flatte mon ego, je me sens réfléchi, voire supérieur, adulte – par rapport aux autres (dont les Chinois) qui ne sont que des enfants, des retardés ou je ne sais quoi encore… Mais au monde, je ne fais pas du bien: en défendant tous azimuts les valeurs de la doxa qui m’emprisonne et m’aveugle, je ne fais en fin de compte que propager ce que pourtant je déteste: la mondialisation, l’uniformisation (la macdonaldisation) – en l’occurrence de la pensée. En absolutisant le dialogue, la justice, la liberté, l’individualisme, la démocratie, les droits de l’homme et tout ce qui va avec (ma doxa), je ne fais, de plus, que cultiver ce que je critique chez l’autre : le monologue, l’injustice, l’incompréhension et finalement même l’intolérance. Au point que je me permets d’expulser de mon blog celui qui a une vision, une expérience, un système de pensée ou de valeurs différents du mien – dans lequel on se garde bien de faire étalage de "ses" opinions, de sa personne et de son nom.
Mais de quoi je me mêle…
Aristophane…
Tiens tiens, pas courant comme nom. Est-ce votre nom, prénom ? Ou sommes-nous peut-être à nouveau en présence d’une personne qui n’assume pas ses propos et préfère se réfugier derrière un pseudo…
Premièrement, vous critiquez les valeurs de l’opinion, alors qu’il me semble que c’est précisément votre opinion que vous avez donnée.
Deuxièmement, je précise également que je ne critique pas les chinois, mais le régime chinois en place, ce qui, vous en conviendrez, n’équivaut pas à votre généralisation.
Troisièmement, lorsque nous parlons de massacres, de tortures, de viols, d’exécutions sommaires, de travaux forcés, de destruction généralisée d’édifices religieux : s’agit-il de NOTRE réalité, de NOTRE vision du monde, ou peut-être qu’il s’agit tout simplement d’une réalité morbide que vous êtes à des années lumières de concevoir et dont vous n’osez accepter l’existence sur notre jolie planète bleue ? Vous êtes-vous seulement rendu au Tibet ? Avez-vous interrogé un tibétain sur ses conditions de vie, sur ses plans d’avenir pour lui et sa famille ? Et que pense-t-il du fait que ses enfants ne parleront plus le tibétain en raison d’une éducation dispensée uniquement en chinois et qui prohibe la langue tibétaine ? Avez-vous vu de vos propres yeux la terreur que font régner les militaires chinois à Lhassa ?
Pensez-vous qu’il est déplacé de faire référence à des valeurs comme les droits de l’homme ? Comment réagiriez-vous si l’on vous retirait votre emploi, qu’on vous torturait en raison de vos origines ethniques, si l’on vous envoyait pour 20 ans aux travaux forcés en vous accusant d’atteinte à la sécurité de l’Etat alors que vous avez manifesté pacifiquement pour vos droits fondamentaux ? Vous diriez-vous simplement, et en toute tolérance, que votre pays n’a simplement pas les mêmes valeurs que vous ?
Ce qui m’attriste dans votre discours, c’est que par de tels propos, vous occultez totalement la souffrance de millions d’êtres humains sur cette planète, et par là-même vous insultez profondément la mémoire de toutes les victimes d’injustices et d’oppressions politiques à travers le monde. De ce fait, il me semble que vos valeurs morales sont bien plus déplacées que les nôtres.
P.S. Je m’excuse auprès de Jacques Perrin pour ces débats sur ce blog, mais certains commentaires réclament des réponses.
Ce débat est fascinant à plein d’égards. D’abord merci aux intervenants, même en ayant un ton musclé, de garder un certain sang froid et de ne pas abonder dans la vindicte personnelle : surtout n’oublions jamais cela.
Si, au départ, j’ai lu avec plein d’intérêt le cheminement intellectuel d’Aristophane (mais pourquoi diantre prenez vous un pseudo ?), j’ai compris immédiatement aussi – comme le souligne calmement Mr Perrelet, que tout ce que vous dites peut s’appliquer totalement à vous.
Le système alors se bloque, plus de discussions possibles. Ce serait dommage.
Vous voyez, Aristophane, moi, ce blog, cela me plait de façon fantastique. Là, sur ce sujet, j’ai appris plein de choses. Plein de choses par Perrin sur un pays que je ne connais pas si ce n’est par le disque et le livre de Lionel Terray, et plein de choses sur le fonctionnement intellectuel des raisonnements que vous explicitez avec une grande vigueur… sans vous l’appliquer à vous même.
Mais cela reste intéressant.
Avec Internet, comme l’a si bien écrit quelque part Michel Bettane, chaque amateur devient critique, devient journaliste. Chaque amateur se sent pousser des ailes de professionnel. Aussi bizarre que cela paraisse, Michel voit cela de façon positive car , parfois, souvent, cela remet les choses en place.
Donc, continuez à argumenter, sans attaques ad hominem mais sachez qu’il y aura des réactions et pas des stupides.
Mais, please, laissez tranquille Aristophane : le brave homme : que vous a t’il fait ?
Aristophane, qui devrait plutôt s’appeler Aristocrate, pourquoi vouloir nier l’évidence?
Les chinois doivent accepter la discipline de fer, une autocratie que nous avons jeté en 1789.
Chez nos frères de Tibet, qui comme nous habitent des montagnes, il y a un respect de la nature, de la culture, de la religion, des hommes.
En Chine, la religion a été interdite, la culture anéantie par l’uniforme Mao, le commerce a dominé la nature, et quelle humanité quand un pays empêche aux hommes (pour ne pas dire aux femmes) d’avoir normalement des enfants.
Ou est le libre choix de penser, de s’habiller, de baiser?
Pourquoi vouloir critiquer notre réaction face à des évènements condamnables.
L’uniformisation de notre monde occidental nous la refusons, mais elle gagne notre civilisation. C’est la culture du jean, du fast food, du paraitre, tout le contraire sur ce blog:
-humanité:amitié et gentillesse de Jacques pour les gens qu’il aime,
-bien vivre: de beaux restaurants, mais aussi et surtout sa cuisine pour sa famille et ses amis, des vignerons qui dans leur cave nous parlent de la magie du terroir…
-culture: littérature, musique, cinéma…, tout un partage.
-philosophie et politique, Jacques Perrin parle de ses opinions à visage découvert. Il a un nom, une entreprise, une adresse.
J’aime venir sur son blog pour toutes ces raisons.
Si je réagis à vos propos virulents, c’est qu’au Tibet, il y a:
-une religion qui n’est pas la mienne, mais que j’admire,
-la nature n’est pas encore "sous licence"…
-Il n’est pas nécessaire de créer des conservatoires de vieilles variétés…
-les enfants sont rois…
Enfin, c’était hier avant que la Chine ne s’intéresse de prés au Tibet
-Slow food va créer comme chez nous des conviviums… Il y aura des associations de semences paysannes, des groupes qui ferons renaitre le patois et les musiques traditionnelles….
L’opinion chinoise que vous semblez soutenir (?) aura eu la peau d’une civilisation riche et particulière.
Mais de quoi je me mêle!!!
Michel.
De quoi je me mêle ?
Oh là ! Comme vous y allez, quelle mouche vous a donc piqué Aristophane ?
A vrai dire, vous devriez plutôt vous appeler Aristarque, vous qui avez la dent dure et ne savez pas avancer à visage découvert : la doxa, les arbres qu’on nous enfonce dans la tête, la caverne platonicienne, ça fait beaucoup de choses !
Si je vous ai bien compris, défendre le peuple tibétain contre la mainmise culturelle et militaire des Chinois, reviendrait à exprimer une doxa parmi d?autre, à ressasser un vieux fond de commerce intellectuel politiquement correct.
Certes, la question du Tibet est un problème complexe et il n’existe sans doute pas une seule lecture des relations entre la Chine et le Tibet, telles qu’elles se sont nouées et dénouées à travers les siècles. D’où mon post d’hier, bref survol, superficiel sans doute et donc perfectible. Telle est l’approche que j’essaie d’avoir par rapport à tout sujet d’une certaine importance.
Au fond, n’êtes-vous pas en train de vous enferrer dans une étrange d’aporie : si prendre position, dans un sens ou un autre, argumenter, est de l’ordre de la doxa, tout est doxa, y compris votre propre opinion, Aristophane crypté ?
Dès lors, dans une telle vision du monde (la vôtre !), il n’y a plus de système de valeurs, plus de jugement : seuls subsistent l’affrontement verbal généralisé, la rhétorique du doute, le royaume des psittacistes bavards et des sophistes. Triste monde ! Ce n’est pas le mien !
Passionnant tout ça. Continuons le dialogue : Je n’aime pas vos idées, Aristophane, mais j’en connais qui sont morts pour avoir voulu les défendre…
Aristarque ? Aristocrate ? Non, Aristophane, simplement Aristophane : le vieux poète grec qu’on ne lit visiblement plus. Si jamais, je vous conseille tout particulièrement les « Nuées » : je m’y prends justement aux sophistes, et en première ligne à Socrate, l’initiateur de la vision du monde, du système de pensée et de valeurs – des arbres – véhiculés par tout esprit occidental intelligent, cultivé, informé.
Permettez-moi de vous répondre de manière globale. Ce que j’ai cherché, c’est juste à vous faire réfléchir – à vos pratiques de pensée, d’écriture, de lecture, bref de vie. Autrement dit : arracher quelques arbres de vos têtes. Je ne suis ni pour ni contre quoi que ce soit (les Chinois, les Tibétains, les droits de l’homme, les gens cultivés, la mondialisation, etc.) ; je vise simplement à freiner la roue du temps (occidental) qui tourne de plus en plus vite (à tous les niveaux : aussi en vigne, en bouffe et en pensée) et qui a tendance à écraser tous les corps et esprits sur son passage. Regardez autour de vous ! Regardez en vous ! Inutile de se focaliser sur la Chine ou le Tibet : le monde semble être dans une mauvaise passe. Vous-mêmes y compris. Ce que j’ai voulu faire, c’est juste tirer la sonnette d’alarme, en espérant parvenir à faire apparaître (-phane) – en vous et en dehors de vous – le meilleur (aristo-). Finalement pour le bien de tout le monde.
Et si, au lieu de surfer à la surface, vous acceptiez de vous plongez dans la vie, dans vous-même ? Si, au lieu de camper sur "vos" opinions, vous vous remettiez en question ? Au lieu de jouer les intelligents, les cultivés, les informés, les êtres supérieurs, vous vous resituiez dans vos pratiques de pensée et de vie ? Vous pouvez en être sûr : vous retrouverez très vite des horizons, des perspectives, une « profusion de la vie, ses intensités » insoupçonnés, parce qu’oubliés, négligés, étouffés. Loin de l’artifice, de l’égocentrisme, de l’arrogance, de l’intolérance, vous gagnerez de nouvelles opinions, de nouvelles valeurs, de nouveaux jugements, une nouvelle morale : loin de celle de la doxa platonico-chrétienne, des arbres enfoncés dans les têtes, vous vous ouvrirez à celle (à vrai dire bien plus sévère – notamment parce qu’on ne peut pas y tricher !) de la vie elle-même, dans le va-et-vient tragique de ses hauts et de ses bas, de ses productions et de ses destructions, de ses amours et de ses haines, de ses naissances et de ses morts. Quelle est cette vie ? Vous le savez : la vôtre ! Celle qui, au fond, vous traverse tous, de fond en comble – vie dans laquelle ce sont justement le nom, l’entreprise, l’adresse (y compris l’opinion, l’intelligence, la culture, l’information, les êtres supérieurs) qui apparaissent comme des masques…
De quoi se mêle Aristophane ? De faire apparaître le meilleur — de vous-même ! Pour que la vie vive !
Décidément, cet Aristophane a des ressources infinies… il m’a "converti" ! Grâce à lui, je sens que je vais enfin me mettre à réfléchir ("à mes pratiques de pensée, d’écriture, de lecture, bref de vie" (sic).
Incidemment, je suis surpris d’apprendre que Socrate et les sophistes, c’est blanc bonnet et bonnet blanc.
Je sens que je vais quitter mon surf, la pensée du temps, cesser d’écouter les Beach-Boys et toutes les fredaines colportées à droite et à gauche, "freiner la roue du temps" (donnez-nous la recette, please, please…) et entrer dans la pensée sérieuse. Pour cela, il va falloir que je retourne sur les bancs d’une école céleste, celle de la vie, des vraies valeurs, de la lucidité supérieure. Bref, il va falloir que je me mette à philosopher.
Aristophane, vous qui vous vous avancez masqué comme les pleutres, auriez-vous une adresse, des lectures à préconiser ?
J’arrive un peu tard au banquet des doxas cependant ceci ne devrait pas refroidir mon envie de creuser la matière à penser que propose le débat engagé.
Le Tibet aurait-il une place particulière dans l’imaginaire collectif occidental ? Les discours se raidissent lorsque l’on quitte les cartes postales, Potala, Himalaya, yacks et moines. Les doxas envahissent le champ, toutes plus ortho les unes que les autres. Cet imaginaire plonge à n’en pas douter dans nos mythologies, David contre Goliath et consorts, actualisé dans le Léviathan armé chinois combattant le moine et ses mantras. La tension monte d’un cran lorsque les agresseurs, en l’occurrence pro-chinois, reprennent la main en s’affichant victimes de la racaille (voir la presse tibétaine sous contrôle), leurs chiens de garde sortent les dents. Une parallèle serait à tracer avec le conflit israélo-palestinien! Et pendant ce temps d’autres peuples, leurs cultures sont rayés du monde dans l’indifférence universelle, à l’exemple des Penangs de Borneo ou des tribus indiennes d’Amazonie.
Le débat devient passionnel précisément parce qu’il est constitué d’un affrontement d’opinions qui se construisent par un phénomène de dédoublement du réel, le fait et ses effets ne font plus un, il y a duperie ajouterait Clément Rosset et pourtant, en jouant de citations, "point de vérité qui ne soit réductible au fait" (Helvétius). Avant de quitter la table momentanément, je voudrais insister sur ce que nous rappelle Mauss : le récit varie selon les références que se donne ou a l’interlocuteur.
Ne quittez pas la table si vite, Musil, revenez au Banquet quand vous voudrez. Nous avons encore quelques hanaps à vider et des discussions à poursuivre…
J’aime assez la reflection d’Aristophane ci dessus… D’un cote (occidental) comme de l’autre (chinois), nous sommes soumis a des informations biaisees. Ce que nous (les occidentaux) pensons etre la verite vraie ne l’est peut etre pas. Je suis en ce moment aux Etats-Unis et je rentre de Shanghai (ou j’etais quand les emeutes a Lhassa ont commence). les chinois sont bien au courant des morts et des massacres qui ont lieu la bas (malgre la censure)!
Je ne prendrais aucun parti (je sais que cela peut paraitre un peu lache de ma part dans la mesure ou cela n’avance pas les choses), car cela me rappelle le conflit iraquien: les sages occidentaux se permettent de savoir ce qui est bon pour les autres alors qu’ils ne reconnaissent meme pas la complexite de la situation…
Je pense qu’il ne s’agit pas de reconnaître "la complexité de la situation", mais de simplement s’opposer à la torture et aux exactions que rien ne justifie. Si on commence à trouver des excuses pour ce genre de persécutions…
Il n’y a pas besoin d’être un sage occidentale pour savoir que la torture et l’oppression, ça n’est pas bon pour l’homme.