Le menu
La Crevette Kuruma
en raviole de navet avec une vinaigrette au miel et romarin
Une présentation astucieuse sur un fond transparent. Une raviole constituée de trois tranches translucides de daikan. Un plat de textures douces, apaisées, souligné d'un infinitésimal trait de vinaigre de Xérès. Otto Geisel se souvient en avoir goûté le modèle il y a vingt-deux ans chez Alain Passard. Seule différence : du homard breton à la place des crevettes.
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Le Topinambour
Crémeux sur un caillé lacté assaisonné de palette de cochon cuite dans un bouillon au goût de garbure.
Une forme d'assomption totale du terroir et de la rusticité, un plat presque éthéré, qui ressemble à une grâce. On joue encore ici sur des équilibres évidents, si fragiles pourtant. Accords peu évidents avec un vin. Il faudrait essayer un grand Champagne millésime. C'est une constante ici : cette cuisine aérienne, déliée, dansante semble avoir choisi son camp, celui des bulles célestes.
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Le Foie gras de Canard
A la plancha, escorté de jeunes pousses de bambou et chou nouveau
Un clin d'œil au Japon avec les pousses de bambou. A nouveau – comme dans la garbure – une réminiscence gasconne et, au final, un plat qui s'épanouit dans la sérénité de n'avoir rien à prouver. Avec un Yquem 1999, on ne pouvait rêver de meilleure complétude. Mais dans la succession. Le foie gras d'abord. L'Yquem ensuite.
L'interview : Alain Verzeroli, chef du Château-Restaurant Joël Robuchon
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L’Amadaï
Cuit en écailles et servi sur une nage au yuriné
J'ai fondu de plaisir pour ce plat. Une cuisson parfaite, millémétrique : les écailles grésillent dans le palais, la chair est nacrée, dans un fumet de poisson et fond de volaille traversé de petites fulgurations, comme des éclats de lumière : c'est le yusu (un agrume japonais)
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Le Porc
Cuit en côte épaisse au plat et escorté de champignons de saison
Un porc des montangnes, de la région d'Iwaté, nourri de gland, d'herbes aromatiques, de cannelle (eh oui !), tendre et musculeux, bref un athlète complet, à peine gras. Et cette cuisson :"pour cuire ainsi un porc, il faut lui avoir parlé au préalable !" chante, lyrique, Horacio. Un petit ragoût de champignons (maitaké, idingi, shitaé, awabidake) prête une oreille amusée à ces débats. Et pour le vin ? Suivons l'inspiration du moment et laissons-nous emporter par ce sublime Cheval Blanc 1998.
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Les Agrumes
En gelée et granité avec une crème à l’orange
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Le Sucre
Sphère soufflée au fruit de la passion, ananas et pamplemousse marinés.
Et revoilà l'Yquem 1999, c'est de circonstance. Magnifique travail de précision. Le sucre doit être travaillé au dixième de degré près, on réchauffe, on ventile et la forme jaillit soudain, masse en fusion lente, objet philosophique cher à Peter Sloterdijk. Adorable !
Plus de commentaire sur ce repas magique, et les vins qui le ponctuèrent, prochainement sur ce blog et ailleurs…
5 Comments
Cher Jacques , tout en decouvrant votre blog a tete repose je tiens a vous informer que j’ai un reel plaisir a faire partie de votre groupe de gourmets ,connaisseurs et bons vivants.
Que mes commentaires vous apportent a tous de grands moments pour la suite de votre grand periple epicurien au Pays du Soleil Levant !
Quelle belle aventure ! En toute franchise le Cheval Blanc 1998 et le porc de la prefecture d’Iwate dans le nord du Japon meritent non trois etoiles mais bien au dela tout comme le Fritz Weissburgunder Spatlese trocken 2007 avec la crevette Kuruma ( Kuruma Ebi ) et ce Chateau d’Yquem 1999 d’une couleur Or rappelant si bien le decors de cette maginfique salle et epousant si bien ce Roquefort ni trop gras ni trop acide, un mariage si noble et raffine …Je ne sais comment vous remercier pour cette experience rarissime et paradisiaque dans ma vie d’expatrie .J’attendais cette aventure gastronomique depuis 35 ans …
Votre commensal du jour au Chateau Restaurant de Robuchon de Tokyo qui rappelle si bien le chateau de Moulinsart a 11.000 Kms de Paris ,Philippe Sauzedde Sayonara ! et a tres bientot …Un grand merci au passage a Francois Mauss pour m’offrir cette belle randonnee gastronomique
vivement les chefs japonais
Cher Philippe, vous vivez au Japon depuis 35 ans et vous connaissez les arcanes et les subtilités de la culture japonaise. Pour nous, ce voyage est un émerveillement permanent ; en même temps il est difficile de débarquer dans ce pays sans quelques clés de compréhension. Grâce à vous, nous en avons quelques-unes à disposition. Soyez-en remercié ! Quant aux chefs japonais : ils arrivent ! Hier soir, rencontre avec Tooru Okuda de l’incroyable Kojyu….
Bonjour Jacques,
une toute petite correction : Eckart Witzigmann n’est pas allemand, mais Autrichien (bien qu’ayant travaillé la plupart de sa carrière en Allemagne). Il est originaire de Badgastein dans la province de Salzbourg, où son père était tailleur ayant inventé la "Keilhose", pantalon de ski en étoffe élastique.
Salut Michael, bon sang, mais c’est bien vrai : où avais-je la tête ? Merci d’avoir rectifié et que mon ami Eckart me pardonne !