Mais non, mais non ! Avec l’âge, j'épure. Vous verrez : cette fois-ci, ce sera très simple !
Entre deux pages du dernier livre de Claude Lanzmann (beau, traversé par une grande force, mais inégal), et les lendemains de fête qui chantent, je m’en suis allé quérir, tel Michel-Ange à Carrare, un paleron de bœuf bien marbré.
Décidément ce Lièvre de Patagonie avait sorti le grand jeu. Tout, il faisait tout pour me retenir dans sa traversée hallucinée du siècle !
Je revois le Castor (connu officiellement sous le nom de Simone de Beauvoir) dévalant à ski d’abruptes pentes verglacées au pied de l’Eigerwand (sic !). Je doute de l’angélisme proclamé de Tsahal.
Malgré sa profusion, ses disgressions, et surtout sa tendance à l’hagiographie personnelle, je ne perds pas ce patagon de vue :
« D’un bond le lièvre traversa le chemin et se mit à courir. Les chiens le prirent en chasse dans la plus grande confusion. « Où allons-nous ? » criait le lièvre d’une voix tremblante, vive comme l’éclair. « A la fin de ta vie », criaient les chiens d’une voix de chien. »
Silvinia Ocampo, Le lièvre doré (citation mise en exergue dans les Mémoires de Claude Lanzmann)
Mais revenons à nos palerons…
Compte tenu des circonstances qui précèdent, de cet attrait de la lecture, j’ai opté pour la version cuisson soft cooking (cuisson lente ; préparation minimale).
L’idée ? Un paleron braisé de Fin Gras du Mézenc que j’avais dégusté chez l’ami Régis Marcon.
Impossible de trouver du Fin Gras du Mézenc sous ces latitudes ? Un bon Simmenthal fera l’affaire aussi.
Impossible de trouver du Fin Gras du Mézenc sous ces latitudes ? Un bon Simmenthal fera l’affaire aussi.

Voici la recette pour 4 personnes du Paleron confit / Jus de cuisson / Betterave, moelle et truffe.
• Ayez un solide morceau de paleron, col de deuxième catégorie (haut de cuisse près du collier, connu comme le loup blanc sous le pseudo de macreuse), une belle betterave crue, une truffe noire, un conclave d’os à moelle, quelques fonds de vin rouge et les aromates chasseurs qui vont avec (bouquet garni, échalotes, carotte, sel, poivre).
• Fermez vos Ali-Bab, vos Ducasse et vos Piège, la route est simple !
• Saisir à feu assez vif le paleron. Déposez-le dans une cocotte en fonte ou Römertopf, flanqué de 5 dl de vin rouge, bouillon de légumes et les aromates. Oubliez le tout au four à 120 degrés pendant six bonnes heures.
Environ deux-cent pages plus tard, au moment où, après avoir évoqué le suicide tragique de sa sœur « belle à couper le souffle », Claude Lanzmann décrit sa rencontre, dans la lumière des phares, avec un lièvre patagon, il sera temps de dépouiller la betterave de sa gangue et de la balancer délicatement pour 45 minutes au four à vapeur (140 degrés, 60 % humidité). Vous pouvez également essayer la cuisson au gros sel à la manière d'Alain Passard.
Restent la moelle, la truffe, et la réduction du jus de cuisson. Pour la présentation, c’est vous qui voyez…

En ce qui concerne les vins aussi, j'ai essayé deux types d'accords. Un Morey St-Denis 1er Cru La Riotte 1998 d’Henri Perrot-Minot, minéral, dense et dynamique ; un Châteauneuf-du-Pape 1999 Les Gallimardes du domaine Giraud, voluptueux, solaire, plus adapté au plat, en dépit d’une évolution moyennement complexe.
Le livre Claude Lanzmann, Le Lièvre de Patagonie, Mémoires, Gallimard.
Donnez votre avis
C’est fou comme l’étale du haut, et la bouille des BBB (lire – bons bouchers bedonnants – nouveau label créé par Paul et mézigue, pour changer du AAAAA de l’andouillette), me dis quelque chose…
Juste en face, mais closed sur la photo, un fromager dinguement doté en grands chèvres… et pas que.
Et à 3 enjambées, des tartes aux pralines immenssissimement bonnes !
Ce qui me fais penser, Jacques, qu’il faut – lors du prochain séjour lyonnais – faire également le marché sur les quais, avec l’ami Paul… il vous présentera ma vendeuse de fruits et légumes préférée, une jeune femme hyper compétente…
🙂
Jacques,
Trouvé ce livre magnifique, malgré un démarrage un peu aride.
Très belle écriture …
J’étais le we dernier aux halles de Tours (qui m’ont un peu rappelé celles de la Part-Dieu).
On peut avantageusement aller manger au Casse-Cailloux … (superbe soirée).
Gallimardes 98, 99 et 2000 sont de belles réussites (un domaine assez méconnu).
Merci de me l’avoir conseillé Laurent ! Cela dit, c’est un livre qui a été dicté et, parfois, cela se sent un peu (rythme, phrasé, ponctuation. Ce qui n’ôte rien à ses qualités. L’angélisme dans la présentation de Tsahal et certains "déballages" m’ont en revanche posé problème…
Il me tarde d’être à février pour revoir du Fin Gras à l’étal … Ces jarrets, faux-filets et autres palerons persillés, entrelardés, perclus … J’en bave.
Nicolas, "Vos radis, ronds ou longs ?". Je n’emmènerai pas Jacques, ce n’est pas sport …
Jacques,
Trouvé plutôt une fluidité de belle tenue dans ce récit dense (mais l’incipit de la résistance est fastidieux).
Quelques règlements de compte douteux en effet et quelques parti-pris auxquels je m’attendais.
L’ubiquité du génie germanopratin strabique est savoureuse.
A propos d’oeil 🙂
Un film récent formidable : Vincere de Marco Bellochio (là, c’est du dictateur Mussolini dont il s’agit – et les images d’archives de ce pantin violent sont saisissantes).
Hyper compétente, j’ai dit !!!!
Nicolas,
Qui donc, le Castor ? (et sa jalousie originale).