De l'intemporel et de la dynamite pélagique…
Une série de mises en bouche, graphiques, ordonnées en rangs serrés, géométriques, pour lever l’ancre et fixer le cap. De quoi encalminer peut-être l’humeur d’un François Simon. La mienne ne s’est pas laissé démonter par d’aussi subtiles intempéries.
Avant de quitter les jardins terrestres, ce souvenir, en guise de transition, trois purées (courge, choux-fleur bleu et vitelotte), l’huître et un potage courgette-persil sur des rouelles de céleri façon raviole. Ludique.
Avant de quitter les jardins terrestres, ce souvenir, en guise de transition, trois purées (courge, choux-fleur bleu et vitelotte), l’huître et un potage courgette-persil sur des rouelles de céleri façon raviole. Ludique.
La Langouste de Méditerranée se cache quelque part ici.
La Langouste de Méditerranée (et ses œufs), souplesse au laurier, poire concombre ménage un autre glissement progressif du plaisir – un plat très passédien, subtil, croquant et vaporeux.
Arrive ce miracle des profondeurs, le Denti, parfums de Provence, version revisitée du Loup de palangre Lucie Passédat. Texture affolante du poisson, prédateur notoire qui vaut – les pêcheurs le savent – cent fois le loup : damier de courgettes, concombre, le carnassier juste accompagné d’une sauce vierge, tomate, basilic, coriandre, citron. Le denti est cuit vapeur sous cellophane avec son fumet. Simple ? Apparemment… Intemporel.
Ce Denti valait donc à lui seul le voyage !
Arrive ce miracle des profondeurs, le Denti, parfums de Provence, version revisitée du Loup de palangre Lucie Passédat. Texture affolante du poisson, prédateur notoire qui vaut – les pêcheurs le savent – cent fois le loup : damier de courgettes, concombre, le carnassier juste accompagné d’une sauce vierge, tomate, basilic, coriandre, citron. Le denti est cuit vapeur sous cellophane avec son fumet. Simple ? Apparemment… Intemporel.
Ce Denti valait donc à lui seul le voyage !
Que dire alors de la Canthe, réduction de légumes, tartelette aubergine vanillée et galette de riz soufflé ? Le capitaine a mis la barre très haut : ce plat, c’est de la dynamite pélagique. De la dorade hauturière pêchée aux palangres, parfois armées d’holothuries, dans les parages des phares de Marseille (Cassidaigne ou Planier).
Glissements progressifs du plaisir.
Nouveau glissement avec la série des contrepoints, un plat et son contraste : les Totènes (encornets) au jus de persil plat, tomate filtrée et lobes d’oursins. Jeux sur les textures et les saveurs. Un plat de grande facture, simple, évident, merveilleusement sophistiqué. Même au Japon, je n’ai pas goûté à d’aussi étonnantes langues d’oursin.
Glissements progressifs du plaisir.
Nouveau glissement avec la série des contrepoints, un plat et son contraste : les Totènes (encornets) au jus de persil plat, tomate filtrée et lobes d’oursins. Jeux sur les textures et les saveurs. Un plat de grande facture, simple, évident, merveilleusement sophistiqué. Même au Japon, je n’ai pas goûté à d’aussi étonnantes langues d’oursin.
Les langues d'oursins.
La Galinette (rouget grondin), juste marquée au feu, sucs réduits de sa chair et fraîcheur fenouil, radis, agrumes avec une liche de poutargue est un plat d’une très jolie facture mais qui n’avait pas, à mon sens, le génie des précédents.
Palamide, coeur de palmier, bouille-abaisse, daurade et beignets de girelles.
Arrivé à ce point du voyage, peut-être rêve-t-on d’une pause, d’une parenthèse de fraîcheur, d’un répit au milieu d’une crique, parmi des naïades ?
Voici le scénario. Ce sera, cette rafale de petits plats servis à l’unisson : un Palamide traité en cru avec cardamome ; des rouelles de cœur de palmier frais qui vous ont des airs énamourés d’îles sous le vent ; un artichaut qui se promène dans le sillage des sucs d’une bouillabaisse qui remet toutes les pendules à l’heure de la Canebière jusqu’aux confins des Goudes ; une daurade sauce verjutée et, je garde le meilleur, des petits beignets de girelles tels que je les avais rêvés sans même les connaître.
Nous les chercheurs d’iode…
Nous voici repartis, après avoir brûlé les portulans, sur des écumes, chercheurs d’iode !
Nous les chercheurs d’iode…
Nous voici repartis, après avoir brûlé les portulans, sur des écumes, chercheurs d’iode !
Et voici ce bouleversement, cette fleur fragile à vous méduser, à vous arracher des larmes de joie au milieu du passage du Nord-Ouest, quand vous claquerez des dents et rêverez de la Méditerranée comme d’un paradis : Anémone de mer en onctueux iodé, lait mousseux au caviar, puis en beignet léger, petit bouillon à la chlorophylle et coquillages. Sublime !
L'anémone en beignet ou ortie de mer.
L’antépénultième, ce fut le Homard breton, mauve abyssale, gingembre clarifié, un des plats phares du Petit Nice avec ses pinces traitées à la mangue verte et jaune pour en exalter encore les saveurs. La mauve, fleur émolliente, colore de tons outremer la sauce. Note abyssale juste tenue, qui va évoluer au fil des minutes vers des notes plus sombres.
Homard des abysses…
Juste le temps de voir passer un somptueux Turbot au fenouil confit, cuit à la perfection et de demeurer, malgré tout, pantois devant le jus court, pointu, qui l’accompagne et l’on se décide à shunter les desserts mais, voilà, comment résister à fluidités essentielles, ces éclats de bonheur, tels le Vacherin serti de petites bombes glacées au fruit de la passion et ces Chrysalides, si belles, si fragiles, roulées au bord du four, qui nous ramènent doucement à terre.
Gérald Passédat.
Cuisine passion, cuisine des essences.
Pourquoi la cuisine de Passédat est-elle exceptionnelle ? Parce qu’elle repose entièrement sur le produit et sa mise en valeur. Beaucoup de poissons oubliés (chapon, beaux yeux, sarran, capelan, galinette, liche, girelle, poisson sabre, canthe) que, hélas, vous ne mangerez pas ailleurs. Gérald Passédat entretient avec ses pêcheurs des liens étroits, passionnels. « J’ai mis longtemps à m’y intéresser car c’est toujours comme ça : on met longtemps à voir ce que l’on a sous les yeux… »
Il faut l’entendre parler de la pêche à la palandre, voir ses yeux briller lorsqu’il évoque les lignes avec 1200 hameçons, faits main. « Il faut une heure pour la lancer et, ensuite, il faut tout remonter à la main. La dernière fois que j’y suis allé avec un de mes fournisseurs, sur 1200 hameçons, on a récolté 15 kg de poissons. Chacun de ces poissons est pris vivant. Ce sont des pièces très précieuses, qu’il faut respecter. Des poissons qui ne voient jamais la glace. »
La salle du Petit Nice avant la chorégraphie…
Pour chaque variété de poissons, Gérald Passedat cherche, longuement, la meilleure façon de le respecter et de l’exalter, notamment au niveau des modes de cuisson (vapeur, sous vide, sous cellophane, grillé). Sa cuisine, qu’il définit volontiers comme « aride, à l’image de ce pays », est une cuisine sans beurre, ni crème. Essentielle. Uniquement de l’huile d’olive. Les jus sont constitués à partir de fumets, de sucs de roches, d’extractions de légumes qui exacerbent le versant iodé. Au risque de déplaire parfois. « Je sais que je ne fais pas une cuisine unanimiste » reconnaît volontiers Gérald Passedat, cuisinier rebelle, auquel ses récentes trois *** auront au minimum conféré ce privilège : être lui-même, jusqu’au bout.
Seul (léger) bémol, certaines thématiques un peu récurrentes (chlorophylle et fenouil notamment).
Il n’empêche, cette approche est vivante, personnelle, unique, vraie cuisine-passion : elle propose un voyage d’exception au cœur des saveurs néritiques et, pourquoi pas, un embarquement vers l’inconnu. Une cuisine qui va à l’essentiel malgré sa tendance à la surenchère (ah ! la générosité méditerranéenne : on ne se refait pas !).
Seul (léger) bémol, certaines thématiques un peu récurrentes (chlorophylle et fenouil notamment).
Il n’empêche, cette approche est vivante, personnelle, unique, vraie cuisine-passion : elle propose un voyage d’exception au cœur des saveurs néritiques et, pourquoi pas, un embarquement vers l’inconnu. Une cuisine qui va à l’essentiel malgré sa tendance à la surenchère (ah ! la générosité méditerranéenne : on ne se refait pas !).
Les Chrysalides, roulées au bord du four : des choses aussi légères…
Un mot sur les vins : la carte est intéressante, plutôt chère dès que l’on veut se faire plaisir. Gérald Passédat avoue apprécier les vins rouges sur sa cuisine. Sur les conseils du sommelier, j’ai opté pour un honnête 2007 de la Réaltière Cante Gau issu du carignan blanc (fruits à chair blanche, notes boisées et anisées) qui a parfaitement joué les go-beteween. "Quoi d’autre dans la région ? – Pas grand chose monsieur ! c’est un peu la désolation… » affirme le sommelier qui promène un certain désenchantement. A moins qu’il ne s’agisse d’une forme nouvelle de dandysme ? Dommage car cette cuisine exacerbée, iodée, exige des accords précis, millimétriques, voire risqués. Promis, on tentera le coup à la prochaine traversée.
L’adresse Le petit Nice, Anse de Maldormé, Corniche J.F. Kennedy – 13007 Marseille. T. +33 (0) 4 91 592 592
L’adresse Le petit Nice, Anse de Maldormé, Corniche J.F. Kennedy – 13007 Marseille. T. +33 (0) 4 91 592 592
18 Comments
Alléchant (et quel cadre) !
Surpenant ce commentaire du sommelier (je buvais hier soir, en exemple, le grand blanc 2002 du domaine Milan et la semaine précédente Simone 1985).
Il y a aussi le blanc de Trévallon et plein d’autres choses encore.
La semaine d’avant, des blancs grandioses Grillet 85, CC Bonneau du Martray 85, Foreau 75, Zind Rangen 85, Coulée de Serrant 85 : ils auraient eu une place digne sur une telle partition culinaire.
Surprenant aussi la préférence du chef pour le rouge ?!
En tout cas dans votre cas, l’anis était dans le vin et dans les plats.
Grâce à son autorité naturelle le Grand Jacques a repris en main La Grande Section de Maternelle, ma foi fort agitée, où ce chenapan de Laurentg dissipait ses petits camarades et organisait le chahut (je ne cafte pas mais quand même!!). Et pour cela, quoi de mieux que de donner à lire un superbe post!!
J’ai attendu, attendu que vous déguainiez le premier (las!).
Jacques m’a paru bien solitaire pour le coup, su ce récit ! non ?
Je m’en vais tester de ce pas votre Pao de Azucar …
Laurent, rassurez-vous, sur ce coup-là, je n’étais pas si seul que ça mais il faut parfois protéger ses sources et, comme le disait si joliment Montaigne, "se réserver une arrière-boutique toute nostre, toute franche…"
Tous les vins que vous citez auraient été royaux sur cette cuisine. On va organiser un de ces quatre un atelier Mille Plateaux (vins blancs et vins rouges) chez Passédat. 6 convives maximum, chacun amène deux bouteilles. Je suis sûr que ça démange François Mauss. Quant à Gérald Passédat, je suis sûr qu’il est d’accord mais, attention, il faudra au moins 1 vin de la DRC ou de chez Prieuré-Roch, vous comprendrez pourquoi sur place…
Enigmatique tentation … 🙂
J’avoue que je suis parfois sceptique sur les vins de Prieuré-Roch que je trouve trop glissants, téléphonés (trop sans soufre, quoi, avec un registre gustatif peu noble – mais je sais des dégustateurs qui les adorent).
Je le suis beaucoup moins sur ceux du DRC.
Le conseil d’Yves sur cette pâtisserie du marais était bon avec un macaron au caramel et au beurre salé fort intéressant (heureusement, il restera la boutique grain de vanille dans Cancale pour Pâques 2009).
Des tonalités de qualité (angélique, sureau/miel de châtaignier) mais parfois un petit excès de sucre.
Bref, je retournerai chez Hermé (en quoi ses macarons sont-ils trop gras ?)pour sa vanille, son olive verte, sa truffe blanche : inimitables.
A noter aussi un superbe macaron vanille/chocolat à la maison du chocolat.
D’accord avec vous, Laurent, concernant Prieuré-Roch. Je me souviens de discussions homériques à ce sujet au GJE. Jusqu’il y a peu, ces vins portaient davantage l’empreinte d’un style de vinification qu’autre chose. Si faciles à reconnaître, à l’aveugle. Malheureusement, je ne les ai pas goûtés rcéemment et il paraîtrait qu’ils sont sont devenus beaucoup plus "précis"… A suivre.
Laurentg le patissier des Halles, Didier Mathray un ancien de chez Gagnaire.
pour Hermé je ne parlais pas des macarons (qui sont, pour moi,quel que soit leur auteur des produits sans intérêt véritable)
Yves,
Pourtant, une bouchée, juste de goût, oxymorique, moelleuse et craquante : comment résister ?
Jacques,
Pour les vins de Prieuré-Roch, et quand le fruit est net, c’est aussi une question de tribologie, de relief, d’accroche en bouche, de dénivelé voire pire de typicité …
Comme on dit, AMTHA !
Va falloir être sacrément de bonne humeur pour trouver un joli consensus sur tout cela : vins et mets.
Grand Jacques : je serai ton troisième couteau !
Je pensais que ça n’épatait que les Japonaises à sac Vuitton, place Saint Sulpice. Si Toulouse est contaminé!!!!!!!!!!
🙂
un bon cassoulet, c’est quand même plus sérieux et quand le macaron ne sera plus à la mode, que Mercotte sera oubliée…………
Tribologie ça m’aurait fait penser à autre chose; mais je ne sais plus quoi!!!
🙂
🙂
Yves,
Vous me semblez désormais expert es smileys …
Si vous passez sur Toulouse, faites-moi signe : je vous montrerai le marché Victor Hugo.
Mais en macarons, le niveau est plus bas.
Mon fils docteur es internet m’a expliqué!!
je "connais" ce marché de Toulouse pour y être passé une fois, et c’est un bon souvenir
LPV vient de s’inscrire à l’Atelier Passédat : il amenera la DRC. ça fait 4 couteaux. Les deux places qui restent vont être chères. M. Passédat, je sais que vous nous lisez, on se donne rendez-vous aux alentours de mai ?
Un reportage sur le petit Nice dans la dernière revue chic "3 étoiles magazine" : alléchant !
Un reportage également sur François Audouze et ses disciples (sic !).
Tres beau blog et super papier sur Passedat. J’y ai mange il y a 3 ans, avant la 3eme etoiles, et j’ai eu pas mal de plats qui sont en photo et le tout…….sur un priore-roch, choix de Gerald. C’etait juste fantastique et pour moi, un des meilleurs chef en France.
Chanceux …
C’était quoi ce pinot sans soufre ?
Il vous a a plu ?