Riesling Frédéric-Emile 2004
Ce cru associe deux crus de Ribeauvillé, le Geisberg (pour un tiers) et l’Osterberg. Nez expressif, épanoui, plus en fruit que d’habitude. Notes florales et pamplemousse. Très jolie bouche à la trame parfaitement découpée. Très sec, tendu, fidèle à son style, il finit sur une noble persistance minérale. On est toujours dans le registre du surnaturel : depuis 2002, les vignes du Geisberg appartenant à la Congrégation des Sœurs de la Divine Providence sont intégrées dans la cuvée Frédéric-Emile. Ces vignes ont été louées à la maison Trimbach et, à partir de 2008, sans doute seront-elles vinifiées à part. A suivre.
Comme le rappelle François Wilhelm, l’été indien a permis d’attendre une très belle maturité. Le vin est droit, sec, minéral alors que le millésime 2002, autre grande réussite (goûté la veille à la dégustation du GJE), est un peu plus riche. Beaucoup d’extrait sec et de potentiel sur ce 2001 que l’on a particulièrement apprécié lors du déjeuner à l’Auberge de l’Ill.
Riesling Frédéric-Emile 2001, 375 ème anniversaire
Ce vin, issu d’une récolte plus tardive, est une cuvée anniversaire spéciale. Nez légèrement confit, sur des notes d’écorces d’oranges, de fruits rôtis. La bouche conserve un caractère dynamique et cristallin tout à fait étonnant et il finit sur une minéralité fraîche qui intègre sans problème les 10 g de sr. A déguster sur un poisson gras.
Riesling Frédéric-Emile 1997
On se trouve ici dans un millésime plus solaire. Notes de naphte, de minéralité épicée, cumin. Corps équilibré, d’une belle richesse de constitution, qui s’ouvre sur une finale aux notes florales et grillées d’une très belle persistance.
François Wilhelm suggère sur ce vin une Tête de veau sauce gribiche « si vous trouvez le restaurant qui sait encore la faire…». Excellente idée !
Il y a, selon FW, beaucoup de similitudes entre le 1983 et le 2002. Notes balsamiques intenses, le fruit est confit, idéalement mûr. Corps ample, avec un bel extrait sec. Notes grillées et rôties. Finale sur les épices et le minéral avec un côté étonnant de poudre de roche, de charbon noir.
Riesling Clos Sainte-Hune 2000
On passe à Hunawihr, au Rosacker, au calcaire et au chaudron magique de madame Hune. Jusqu’en 2005, la maison Trimbach y possédait 1.34 ha. Cette année-là, ils ont enfin pu faire l’acquisition d’une bande latérale de 20 ares qu’ils convoitaient depuis longtemps, puis d’une seconde, également de 20 ares. Donc, aujourd’hui, 1.74 ha sont en production et, dès 2006, il y en aura un (tout petit) peu plus. En 2002, pour mémoire, 7000 bt ont été produites.
Superbe profil aromatique, mentholé, floral, fruits jaunes, cédrat. Entrée en bouche incisive, précise. Il évolue sur une belle continuité, même s’il est peut-être un peu moins minéral, moins tendu sur la fin de bouche que d’habitude.
Riesling Clos Sainte-Hune 1998
Encore une année assez chaude. Nez profond, mystérieux, plus fermé que l’expression en rétro. Entrée en bouche presque inhabituellement « grasse » et chatoyante pour un Sainte-Hune. Très belle évolution et finale complexe sur des notes de pierre chaude, de verveine, d’infusion, encore un peu resserrée à ce stade par une note d’amertume. Mais quelle remarquable minéralité salée ! L’attendre encore une dizaine d’années.
Riesling 1990 Clos Sainte-Hune
Ce vin est une des grandes réussites du domaine et il est lié pour moi à un souvenir cocasse et douloureux. Après une journée d’escalade dans la falaise de l’Hortus, près du Pic St-Loup, nous étions pressés de rejoindre, mes amis et moi, le restaurant Le Mimosa à St-Guiraud où nous savions que nous attendait un Clos Sainte-Hune 1990. Nous nous suivions, un peu pressés. Un stop en rase campagne où j’arrive en premier et c’est le drame. Ebloui par le soleil, ou distrait par la perspective festive qui s’offrait à nous, le conducteur du puissant bolide qui me suivait oublia de freiner et pulvérisa la partie arrière de mon véhicule. Tout cela a failli tourner au drame (coup du lapin, etc.)
C’est dire si, quelques années plus tard, je suis encore plus sensible à ce qui fait la grandeur et le miracle de ce vin même si, à cause de sa richesse phénoménale (la vendange était archi mûre et le vin titre 14), il est moins « riesling » que d’habitude. Disons que c’est un baroque flamboyant et attention : ne le placez pas en dégustation comparative à côté de n’importe qui car, comme le souligne justement François Wilhem, « c’est un tueur, il n’épargne rien. »
Nez complexe, extravagant et extraverti. On y trouve le côté solaire, confit, du millésime mais sans rien d’exacerbé. Notes de tabac blond, de minéralité, de craie. Puis apparaissent les notes florales, certaines éthérées, églantine sèche ; d’autres plus lourdes, légèrement épicées, touche de tubéreuse. Le corps a conservé une vigueur et une fougue admirables, malgré sa richesse et la finale cristalline, très eau de roche, réfute toute idée de lourdeur.
Riesling Clos Sainte-Hune 1976
La robe, dorée, est déjà un enchantement pour l’œil. Nez confit, rôti avec des notes de naphte et de réglisse très prues.
Corps monumental doté d’un beau dynamisme interne. Il finit sur des notes de fruits secs, d’herbes sèches, de caramel avec une note d’hydro-carbure marquée. On a une impression tannique en fin de bouche (stress hydrique du millésime ?).
Très bon mais il n’atteint de loin pas la perfection inouïe du Clos Sainte-Hune 1973 dégusté hier, à table, au Chambard. Un vin d’une fraîcheur et d’un éclat sidérants. François Wilhelm qui nous accompagnait confirmait n’avoir jamais dégusté une aussi belle bouteille de 1973. Pour l’accompagner, le chef avait choisi la complication avec un plat très tendance
Les grands millésimes de Clos Sainte-Hune selon François Wilhelm 1964, 1959 et 1971, 1976
Riesling Frédéric-Emile 2000, SGN
Pour l'apothéose, on termine, vraiment, avec ce SGN rare. La région de Ribeauvillé est balayée régulièrement à l’automne par des vents froids, peu propices au botrytis. Une fois ou deux tous les dix, c’est la réussite. Tel ce vin spectaculaire et envoûtant par ses arômes (fruits rôtis, notes hespédidées, écorces confites) comme par son corps, ample, médulleux, à la finale d’une grande complexité.
10 Comments
Je retrouve avec plaisir le salon de dégustation de la maison Trimbach.
D’accord pour attendre encore 10 ans Ste-Hune 1998 (17,5+),
"Enorme densité (voyez les larmes sur la paroi du verre). Tempérance propre aux vins du domaine. Un futur grand à attendre".
Je l’ai bu en comparaison avec un remarquable Geisberg de Kientzler au Printemps 2008, qui livrait plus.
FE 2001 (17) bu chez Gagnaire en janvier 2008 : assez intransigeant.
(quasiment imbuvable, pas prêt, en août 2007).
FE 2002 plus délié en été 2008 (17+).
FE 1979 superbe (17).
Un peu surpris de ne pas voir Ste-Hune 1981 (19,5/20 – 2 fois) dans la liste des merveilles absolues.
Diante….encore une Maison qui à plus d’une importance à mes yeux…
Je vois que votre séjour alsacien ne fut pas de tout repos !!
Il semblerait presque que ces deux articles, postés à la file, ont été écrits pour faire résonner au plus profond de moi cette corde sensible qui fait vibrer ma vie depuis mes plus jeunes années.
En effet vous évoquez là, à la suite de cette quintessence d’Auberge, une autre grande Maison alsacienne, une statue immuable aux vins à l’élégance intersidérale.
Certains de leurs grands riesling me rappellent ma dernière promenade lunaire: une plongée dans un néant or’et’blanc, un air sec et tendrement tranchant, plus un bruit, et juste nos papilles en éveil, exacerbées, enrobées en légèreté par la fraicheur complexe d’un bouquet de Pierre.
The Clear Side of the Moon en somme…
Mon dieu!! un bleu qui est mort pour rien: ça je ne supporte pas c’est au dessus de mes forces, que ces besogneux qui sévissent dans certains restaurants épuisés par 20 ans de préparation MOF qui n’ont rien compris à la cuisine; qu’ils soient maudits jusqu’à la dixième génération: espérons que c’était un irlandais et pas un houatais! Et qu’on en pende un de temps en temps de ces rigolos tricolorisés pour leur rappeler la rigueur du métier!
Laurentg, vous êtes une encyclopédie!
L’implacable Yves a encore frappé ! L’idée des MOF est belle, didactique, aritocratique : synthétiser l’ensemble du savoir dans une profession donnée et consacrer les meilleurs. Olivier Nasti est certainement un jeune homme très doué. Sa cuisine est une merveille, un concentré e technologie que j’ai rarement vu ailleurs mais voilà, un peu comme ces sorciers vaudous qui agitent des amulettes au-dessus de leur tête pour provoquer la pluie ou le soleil, notre chef pétri de talent agite la technique pour provoquer l’inspiration.
Juste un moment d’égarement Grand Jacques: si l’unique croc de boucher rouillé disponible dans notre Doulce France n’avait pas été réservé par notre Président Bien Aimé (que des millions de roses soient répandues sous ses pas) pour un ancien premier ministre, il y avait droit notre modeste Aphtonète (A propos: un de vos récents posts à dû le faire se retourner dans sa tombe); Cela dit vous connaissez mon sens de la modération!
Yves,
Vivante, j’espère … 🙂
Heureusement que la chair n’est pas triste, qu’il me reste encore des livres à lire (et des vins à boire et des gens à rencontrer).
Selon moi, les MOF sont à la cuisine française ce que l’aspect variétal est à un cépage.
On peut ne pas aimer le caractère variétal d’un cépage, mais se laisser séduire par celui du terroir qui va se combiner à lui, non ?
Laurent
Voilà en quelques jours quelques comptes-rendus du Grand Jacques qui valent des pages de la RVF, du WS et du WA. C’est clair, net, précis, et surtout frappé au sceau d’une réelle passion jamais aveugle : du grand art.
Et si bien écrit.
Mais va falloir qu’un de ces jours on argumente sérieux sur la cuisine et ce qu’un amateur est en droit d’attendre légitimement.
D’abord, que le produit reste le produit, avec ses propres saveurs, sa race, sa fraîcheur.
Ensuite que le chef lui donne, à ce produit, un supplément d’âme, soit dans une préparation spécifique, soit dans un accompagnement type cavalerie légère : la pêche, l’allant, le panache en sus.
Et itou dans le vin.
Grand Jacques : sache aussi que la famille Trimbach n’a pas voulu intégrer Clos Ste Hune dans les Grands Crus, eu égard qu’à leurs yeux, il y a eu une réelle inflation de terrains mis rapidement dans cette catégorie qui, du coup – selon eux – dévalorisait cette nouvelle classification. C’est un orgueil qu’on peut comprendre.
Qui d’autre fait au passage un grand vin sur le Rosacker ?
(Mader, Mallo, Ziegler-Mauler, Mittnacht frères ??????).
A propos de grands vins, bu hier soir un immense Vieux Château Certan 1989 (19/20) qui a survolé les débats de notre verticale (mais 1982 et 1990 n’étaient malheureusement pas au niveau déjà trouvé précédemment).